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22/06/2020 | FRANCE | N°17VE02267

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 22 juin 2020, 17VE02267


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... G... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'une part, d'annuler la décision du 6 juillet 2016 par laquelle la commune d'Aulnay-sous-Bois a refusé de faire droit à sa demande tendant à la mise en oeuvre de la protection fonctionnelle qu'elle lui avait accordée et a rejeté sa demande indemnitaire, d'autre part, de condamner la commune d'Aulnay-sous-Bois à lui verser la somme de 1 500 euros en réparation de son préjudice financier, la somme de 6 000 euros en réparation de son préjudice

de carrière et la somme de 25 000 euros en réparation de son préjudice mo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... G... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'une part, d'annuler la décision du 6 juillet 2016 par laquelle la commune d'Aulnay-sous-Bois a refusé de faire droit à sa demande tendant à la mise en oeuvre de la protection fonctionnelle qu'elle lui avait accordée et a rejeté sa demande indemnitaire, d'autre part, de condamner la commune d'Aulnay-sous-Bois à lui verser la somme de 1 500 euros en réparation de son préjudice financier, la somme de 6 000 euros en réparation de son préjudice de carrière et la somme de 25 000 euros en réparation de son préjudice moral, enfin, d'enjoindre à la commune d'Aulnay-sous-Bois de prendre en charge des frais d'avocat, sur la base d'un taux horaire de 180 euros hors taxes, en vue d'assurer la mise en oeuvre de sa protection fonctionnelle et pour poursuivre pénalement les auteurs du harcèlement moral qu'elle a subi, de mettre en oeuvre la protection fonctionnelle en prenant des mesures à l'encontre des agents responsables des agissements de harcèlement moral qu'elle a subis, et de l'affecter sur un poste conforme à ses compétences et dans la continuité du poste qu'elle occupait avant les faits de harcèlement.

Par un jugement n° 1606758 du 2 juin 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a condamné la commune d'Aulnay-sous-Bois à verser à Mme G... la somme de 2 500 euros en réparation de son préjudice moral et une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2017, Mme G..., représentée par Me H..., demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement susmentionné en tant qu'il a limité à 2 500 euros le montant accordé en réparation de son préjudice moral et rejeté le surplus de sa demande ;

2° de condamner la commune d'Aulnay-sous-Bois à lui verser la somme de 1 500 euros en réparation de son préjudice financier, la somme de 6 000 euros en réparation de son préjudice de carrière, la somme de 6 156 euros au titre des frais d'avocat exposés pour la mise en place de la protection fonctionnelle, et la somme de 25 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

3° d'enjoindre à la commune d'Aulnay-sous-Bois, d'une part, de prendre en charge des frais d'avocat, sur la base d'un taux horaire de 180 euros hors taxes, en vue d'assurer la mise en oeuvre de sa protection fonctionnelle et pour poursuivre pénalement les auteurs du harcèlement moral qu'elle a subi ; d'autre part, de mettre en oeuvre la protection fonctionnelle en prenant des mesures à l'encontre des agents responsables des agissements de harcèlement moral qu'elle a subis ; enfin, de l'affecter sur un poste conforme à ses compétences et dans la continuité du poste qu'elle occupait avant les faits de harcèlement ;

4° de mettre à la charge de la commune d'Aulnay-sous-Bois une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Mme G... soutient que :

- elle a subi des agissements de harcèlement moral qui lui ont causé un préjudice moral, financier et de carrière dont elle demande réparation sur le fondement de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- la commune a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en s'abstenant de prendre les mesures nécessaires à sa protection contre les agissements constitutifs de harcèlement moral ; elle n'a pas procédé à des changements d'affectation lui permettant d'exercer des fonctions dans la continuité de ses attributions antérieures sans rencontrer ses anciens harceleurs ; elle n'a pas pris de sanction disciplinaire à l'encontre des deux agents harceleurs ; elle est fondée à demander réparation du préjudice moral et financier subi à raison de ces manquements.

Vu le jugement attaqué.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2018, la commune d'Aulnay-sous-Bois, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et par la voie l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée à verser à Mme G... la somme de 2 500 euros au titre du préjudice moral, et enfin à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- elle a immédiatement pris toutes les mesures appropriées afin de faire cesser le harcèlement ; la requérante a refusé une affectation au service des archives qui lui avait été proposée au mois de mai 2015 ;

- les faits dont se plaint la requérante ne sont pas constitutifs de harcèlement moral dès lors qu'elle n'était pas la cible unique et individualisée de leurs agissements ; elle a toujours adopté une position claire quant à la responsabilité des deux agents harceleurs et à la qualité de victime de la requérante ; elle n'était pas tenue d'engager l'action disciplinaire dès lors qu'elle avait le choix des moyens pour mettre fin au harcèlement ;

- elle ne peut demander la prise en charge des frais d'avocat qui n'auraient pas été exposés pour la présente instance ;

- la réalité du préjudice financier et du préjudice de carrière n'est pas établie ;

- la requérante ne justifie pas de l'existence d'un préjudice moral imputable à une faute de la commune dès lors que les mesures de protection étaient suffisantes et qu'elle a refusé une proposition de réaffectation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2006-1690 du 22 décembre 2006 ;

- les articles 7 et 12 de l'ordonnance n° 2020-305 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;

- le code de justice administrative.

En application de l'article 7 de l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020, les parties ont été régulièrement informées de la tenue d'une audience partiellement dématérialisée.

Ont été entendus au cours de l'audience publique partiellement dématérialisée :

- le rapport de Mme B... via un moyen de télécommunication audiovisuelle,

- les conclusions de Mme Méry, rapporteur public,

- et les observations de Me A... substituant Me F..., pour la commune d'Aulnay-sous-Bois.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G... est adjoint administratif territorial titulaire de la commune d'Aulnay-sous-Bois, exerçant les fonctions d'assistante documentaliste au sein du service documentation. Subissant, à partir de septembre 2014, des injures et humiliations de la part de deux collègues, Mme G... a demandé, par un courrier du 11 mai 2015, le bénéfice de la protection fonctionnelle. Dans ce cadre, le directeur général des services lui a proposé, le 21 mai 2015, une affectation au service des archives, qu'elle a refusée au motif que ce service allait être fusionné avec le service documentation et qu'elle allait ainsi retrouver ses deux agresseurs. Le 5 juin 2015, à la suite d'une altercation avec ses agresseurs, elle a déclaré un accident reconnu imputable au service, et a été placée en congé de maladie. Le 28 juillet 2015, la commune d'Aulnay-sous-Bois lui a accordé la protection fonctionnelle et rappelé les mesures déjà prises à ce titre. A sa reprise en mi-temps thérapeutique à la suite de son arrêt de travail, Mme G... a demandé à la commune, par un courrier du 9 mai 2016, de l'affecter sur un poste correspondant à ses compétences, de prendre des sanctions disciplinaires à l'encontre de deux de ses anciens collègues, de prendre en charge ses frais d'avocat aux fins de poursuite pénale desdits agents et de l'indemniser de ses préjudices. Cette demande a été rejetée par une décision de la commune d'Aulnay-sous-Bois du 6 juillet 2016. Mme G... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de l'annulation de cette décision et la condamnation de la commune d'Aulnay-sous-Bois à l'indemniser des préjudices qu'elle estimait avoir subis. Par la présente requête, Mme G... relève appel du jugement du 2 juin 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a condamné la commune d'Aulnay-sous-Bois à lui verser une somme de 2 500 euros en réparation de son préjudice moral et une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. La commune d'Aulnay-sous-Bois demande, par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement en tant qu'il la condamne au versement d'une indemnité de 2 500 euros en réparation d'un préjudice moral qu'elle contestait.

Sur la recevabilité du recours incident de la commune d'Aulnay-sous-Bois :

2. Le recours incident par lequel la commune d'Aulnay-sous-Bois tend à être déchargée de la condamnation prononcée contre elle au profit de Mme G... ne soulève pas un litige différent de celui qui fait l'objet de la requête principale. Il suit de là que ce recours est recevable.

Sur les conclusions indemnitaires de Mme G... :

3. Aux termes de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 : " (...) IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ".

En ce qui concerne les faits de nature à engager la responsabilité de la commune :

4. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'elle accorde la protection fonctionnelle à un agent territorial, l'autorité administrative doit apporter une réponse par tout moyen approprié et assurer notamment la juste réparation du préjudice subi par l'agent dans le cadre de ses fonctions. Le juge vérifie, dans le cadre de son contrôle juridictionnel, d'une part, le caractère approprié de la réponse apportée par l'autorité administrative à une demande de protection fonctionnelle, et d'autre part, le caractère suffisant des mesures prises par l'administration.

S'agissant de l'insuffisance de réponse de la commune à la demande de protection fonctionnelle :

5. En l'espèce, la commune d'Aulnay-sous-Bois a pris, dans le cadre de la mise en oeuvre de la protection fonctionnelle qu'elle a accordé à Mme G..., implicitement dès le 21 mai 2015 et explicitement par une décision du 28 juillet 2015, pour la protéger des injures et humiliations qu'elle a subies de la part de deux collègues de son service, des mesures consistant en trois réunions de médiation au sein du service, en septembre 2014, des rapports du supérieur hiérarchique de Mme G... qui demandent en octobre 2014 que les deux auteurs des agissements en cause soient l'objet de procédures disciplinaires, une réunion avec le maire en avril 2015, deux mesures de changement d'affectation au service des archives en mai 2015 puis au sein du Médiabus (réseau des bibliothèques) à la fin de son arrêt de travail en mai 2016, et la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 5 mai 2015.

6. Il résulte de l'instruction que Mme G... a effectué une déclaration de main courante dès le 26 septembre 2014, dénonçant les menaces, les insultes, parfois publiques qu'elle subissait de la part de deux de ses collègues, après avoir signalé à sa hiérarchie qu'elle avait besoin d'aide pour faire face à une situation dans laquelle elle se sentait dégradée et affaiblie, et que les agissements des deux auteurs de ces attaques ont été relayés par son supérieur hiérarchique, qui en soulignait le caractère systématique. Les éléments médicaux produits au dossier confirment que ces agissements ont eu pour effet une dégradation de son état de santé, et ont été reconnus comme imputable au service à compter du mois de juin 2015, la déclaration d'accident de service complétée par l'intéressée faisant état d'une agression verbale dans le contexte d'un harcèlement moral durant depuis près d'un an. Ainsi, contrairement à ce que fait valoir la commune en défense, la situation connue par Mme G... a dépassé le cadre de tensions conflictuelles épisodiques pouvant surgir entre collègues d'un même service, et revêt le caractère de harcèlement moral tel que défini par les dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 qui dispose que : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ". Si le supérieur hiérarchique de Mme G... précisait dans ses rapports que les attaques étaient également dirigées contre lui-même et plusieurs agents du service, cette circonstance n'est pas de nature à ôter aux agissements dont a été personnellement victime Mme G... le caractère de harcèlement moral. Dans ces conditions, en limitant les mesures de protection de Mme G... à un changement d'affectation sans que ne soit prise aucune mesure visant à empêcher les agresseurs de Mme G... d'exercer de tels agissements de harcèlement à son égard notamment par l'exercice de l'autorité hiérarchique pouvant conduire, si nécessaire, à leur mutation dans l'intérêt du service, et du pouvoir disciplinaire à leur encontre, la commune a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

S'agissant du délai de réaction de la commune :

7. En revanche, il n'est pas établi que la commune d'Aulnay-sous-Bois aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité, en ayant pris les mesures de protection fonctionnelle dans un délai anormalement long. En effet, il résulte de l'instruction qu'à la suite de deux signalements par mail le 24 septembre à Mme D..., première adjointe au maire et le 26 septembre à Mme E..., une réunion de médiation réunissant l'ensemble des agents du service a été organisée le 29 septembre 2014 sous la présidence de la directrice générale adjointe afin de mettre un terme aux comportements non professionnels de la part des deux agents du service, auteurs des agressions subies par Mme G.... Puis, il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas soutenu par l'intéressée, qu'il y aurait eu d'autres incidents avant le 5 mai 2015, à la suite desquels Mme G... a demandé, le 11 mai 2015, le bénéfice de la protection fonctionnelle. Elle a été reçue quelques jours plus tard à deux reprises par le directeur général adjoint des services du Pôle ressources, pour convenir des mesures à mettre en place pour qu'elle ne soit plus en contact avec ses agresseurs. Une affectation au service des archives lui a été proposée le 21 mai 2015, affectation qu'elle a refusée le lendemain. A la suite de l'accident de service intervenu le 5 juin 2015, Mme G... a été mise en congé de maladie jusqu'au 10 mai 2016. Dans le cadre de sa reprise en mi-temps thérapeutique, elle a été affectée le 10 mai 2016 au sein du service du Médiabus. Il résulte de la chronologie des faits ainsi établie que la commune a rapidement pris des mesures à la suite de la survenance des événements préjudiciables à Mme G... et qu'aucun retard dans la mise en oeuvre de la protection fonctionnelle, fût-elle inappropriée ou insuffisante, ne peut être imputée à la commune.

En ce qui concerne la réparation du préjudice :

S'agissant de la faute de la commune :

8. En premier lieu, le défaut de réponse suffisante et appropriée à la demande de protection fonctionnelle de Mme G..., a causé à l'intéressée un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en fixant le montant de la réparation à 2 500 euros.

9. En second lieu, la requérante établit avoir subi un préjudice financier en engageant des frais d'avocat aux fins de compléter les mesures de mise en oeuvre de sa protection fonctionnelle en raison de l'insuffisance de réponse de la commune, en avril 2016 à hauteur de 7 heures au tarif de 180 euros hors taxes. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en fixant le montant de la réparation à 1 500 euros[DA1].

S'agissant de la réparation du préjudice résultant du harcèlement :

10. Mme G... s'est vu accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle par la commune d'Aulnay-sous-Bois sur le fondement de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983. La réparation du préjudice résultant des agissements de tiers à raison desquels cette protection a été accordée, est, conformément à la lettre même de ces dispositions, un élément de la protection due par l'administration à son agent.

11. En premier lieu, la requérante demande la prise en charge par la commune de ses frais d'avocat aux fins de poursuite pénale de ses deux agresseurs. Toutefois, elle n'établit pas avoir engagé de procédure pénale, ni avoir engagé de tels frais. Il s'ensuit que cette demande ne peut qu'être rejetée.

12. En deuxième lieu, la requérante ne justifie pas avoir exposé des frais médicaux présentant un lien direct et certain avec son accident de service du 5 juin 2015 et non pris en charge par la commune. Par suite, elle n'est pas fondée à demander une indemnité à ce titre.

13. En troisième lieu, la requérante demande une indemnisation de son préjudice moral supérieure à la somme de 2 500 euros accordée en première instance. Toutefois, elle ne produit aucun élément de nature à établir que le montant de 2 500 euros serait insuffisant. Il s'ensuit que cette demande ne peut qu'être rejetée.

14. Pour sa part, la commune d'Aulnay-sous-Bois soutient, dans le cadre de son appel incident[BP2], que le préjudice moral de Mme G... n'est pas établi dès lors qu'elle a mis en oeuvre les moyens appropriés dès connaissance de la situation conflictuelle, et que l'intéressée est en partie responsable de la situation en ayant refusé la proposition de changement d'affectation au service des archives. Elle en conclut qu'ayant mis en oeuvre tous les moyens dont elle disposait pour protéger son agent, elle ne saurait être tenue d'indemniser l'agent du préjudice moral que cet agent estime avoir subi. Toutefois, le préjudice moral indemnisé par le Tribunal administratif de Montreuil ne résulte pas des carences de l'administration dans la mise en oeuvre de la protection fonctionnelle, mais de la situation de danger dont la commune a elle-même reconnu l'existence en accordant la protection fonctionnelle. Or, il résulte de l'instruction que les attaques dont Mme G... a été victime, et qui constituent, ainsi qu'il a été dit au point 6, des agissements de harcèlement moral, ont bien eu un retentissement sur sa vie au travail tant pendant la période où elle a subi les agressions de ses collègues, que pendant son arrêt de travail causé par un accident dont l'imputabilité au service a été reconnu par la commune, et à son retour dans ce cadre d'un changement d'affectation sur un poste correspondant moins que le précédent à ses aspirations. S'il est établi que l'accident de service est survenu alors que Mme G... avait refusé un premier changement d'affectation, cette circonstance est sans incidence sur la réparation du préjudice résultant du harcèlement moral dont Mme G... est victime. Il s'ensuit que la commune n'établit pas que la condamnation, par le jugement attaqué, au versement d'une indemnité de 2 500 euros en réparation du préjudice moral subi par Mme G... serait excessif.

15. En dernier lieu, la requérante demande une indemnisation de son préjudice de carrière, en faisant valoir que pendant la période où elle a subi les attaques de ses collègues, puis pendant la période de deux ans pendant laquelle elle a été en arrêt de travail à la suite de son accident de service, elle n'a pas pu s'investir dans son travail, ni suivre des formations qu'elle aurait dû suivre, ni postuler à de nouveaux postes, ni passer des examens professionnels. Toutefois, si elle établit avoir présenté le 15 septembre 2014 le test d'accès à la préparation au concours de rédacteur territorial, elle n'établit pas qu'elle aurait eu une chance sérieuse de le réussir puis de réussir le concours lui-même, si elle n'avait pas subi les attaques de ses collègues. En outre, il n'est pas établi que son absence du suivi de la formation organisée en décembre 2014 par le CNFPT à laquelle elle était inscrite, aurait eu des conséquences sa carrière, Enfin, il n'est pas établi qu'elle n'aurait pas pu postuler à des emplois qui lui auraient permis de développer sa carrière, alors qu'elle a effectivement postulé à un emploi de gestionnaire logement polyvalent en janvier 2016. Il s'ensuit que le préjudice de carrière invoqué par la requérante n'est pas établi.

16. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu, pour la Cour, de porter à la somme totale de 6 500 euros le montant que la commune d'Aulnay-sous-Bois a été condamnée à verser à Mme G... par le jugement attaqué.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

17. Mme G... n'a demandé en appel que l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a limité à 2 500 euros le montant accordé en réparation de son préjudice moral et rejeté le surplus de sa demande, et n'a formulé dans ces écritures devant la Cour, contrairement à ce qu'elle soutient, que des conclusions indemnitaires, sans soulever de moyen tendant à l'annulation de la décision du 6 juillet 2016 portant refus de mettre en oeuvre des mesures supplémentaires de protection fonctionnelle. Ainsi, en admettant même que Mme G... ait présenté en première instance des conclusions d'excès de pouvoir, elle n'a pas repris en appel ces conclusions. Il s'en suit qu'en l'absence de telles conclusions en annulation, les conclusions aux fins d'injonction, formulées à titre principal, sont irrecevables.

18. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Aulnay-sous-Bois n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil l'a condamnée au versement d'une somme de 2 500 euros en réparation du préjudice moral subi par Mme G....

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".

20. Mme G... n'étant pas la partie perdante principalement perdante, les conclusions de la commune d'Aulnay-sous-Bois tendant à ce que soit mise à sa charge une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune d'Aulnay-sous-Bois le versement à Mme G... d'une somme de 1 500 euros en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que la commune d'Aulnay-sous-Bois a été condamnée à verser à Mme G... par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Montreuil n° 1606758 du 2 juin 2017 est portée à 6 500 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil n° 1606758 2 juin 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune d'Aulnay-sous-Bois versera à Mme G... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme G... est rejeté.

[DA1]7 x 180 € HT = 1260 HT + TVA 20% = 1512 €

[BP2]

Il faut nécessairement statuer à ce stade-là sur l'appel incident de la commune.

On ne peut en effet dire, comme dans le projet initial, que la commune versera 6 500 euros de dommages-intérêts au point 15 du projet, puis examiner, ultérieurement, au point 17, les conclusions incidentes de la commune, qui sont susceptibles de faire baisser le montant de la réparation déjà accordée

2

N° 17VE02267


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17VE02267
Date de la décision : 22/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - violation directe de la règle de droit - Principes généraux du droit - Principes intéressant l'action administrative - Garanties diverses accordées aux agents publics.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers - Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Alice DIBIE
Rapporteur public ?: Mme MERY
Avocat(s) : SCP CLAISSE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-22;17ve02267 ?
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