Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... D... D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2018 par lequel le préfet de police de Paris a constaté la caducité de son droit au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination.
Par une ordonnance n°1810534 du 8 février 2019, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande comme tardive.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 mars 2019, M. D..., représenté par
Me E..., avocate, demande à la Cour :
1° d'annuler cette ordonnance ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3° de mettre à la charge de l'État au profit de Me E... la somme de
4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, en contrepartie de la renonciation de cette dernière à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 juillet 2018 du préfet de police de Paris a été introduite dans le délai de recours contentieux ; c'est donc à tort que la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté par ordonnance sa demande comme tardive ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente ;
- cette décision est entachée d'une erreur de fait concernant sa date d'entrée sur le territoire français, en ce qu'il était présent en France depuis moins de trois mois à la date de cet arrêté ; par ailleurs, il ne constitue pas une charge déraisonnable pour le système d'assurance sociale français au sens de l'article L. 121-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet ne rapporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, d'un séjour continu en France d'une durée supérieure à celle qu'il a déclarée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement qui lui a été opposée.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant roumain né le 8 juin 1980, a fait l'objet, le
25 juillet 2018, d'un arrêté du préfet de police de Paris l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à compter de la notification de cette décision et fixant son pays de destination. Il fait appel de l'ordonnance du 8 février 2019 par laquelle la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté, pour tardiveté, sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas (...) ". L'article L. 511-3-1 du même code précise : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 et L. 121-4-1 (...) ". L'article L. 512-1 de ce même code dispose, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou sur le fondement de l'article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l'article L. 511-3-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. (...) ". Enfin, l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique prévoit que l'introduction d'une demande d'aide juridictionnelle à l'occasion d'une instance devant une juridiction administrative statuant à charge de recours devant le Conseil d'État interrompt les délais de recours contentieux.
3. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de police de Paris a fondé la décision d'éloignement attaquée sur les dispositions précitées de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'a assortie du délai de départ volontaire de trente jours mentionné au sixième alinéa de cet article. M. D... disposait donc d'un délai de trente jours pour former une demande tendant à l'annulation de cette décision devant le tribunal administratif. En l'espèce, ce délai a été régulièrement interrompu par l'introduction,
le 3 août 2018, d'une demande d'aide juridictionnelle, admise le 1er octobre 2018 et notifiée le
9 octobre suivant, date à laquelle le délai de recours de trente jours a recommencé à courir.
M. D... a présenté sa demande d'annulation le 26 octobre 2018. Ainsi, et contrairement à ce qu'a jugé la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil, cette demande n'était pas tardive et ne pouvait être rejetée comme " manifestement irrecevable " sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Par suite, M. D... est fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée de la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil est entachée d'irrégularité et à en demander, pour ce motif, l'annulation.
4. Il y a lieu dans ces conditions pour la Cour de statuer, par la voie de l'évocation, sur l'ensemble des conclusions et moyens présentés par M. D... tant devant la Cour que devant le Tribunal administratif de Montreuil.
5. En premier lieu, par un arrêté n°2018-00380 du 25 mai 2018, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 1er juin 2018, le préfet de police a donné à Mme A... B..., attachée d'administration, signataire de la décision attaquée, délégation pour signer tous actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquels figurent les décisions relatives au séjour des étrangers. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise par une autorité incompétente manque en fait et doit être écarté.
6. En deuxième lieu, l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) ". L'article L. 121-4-1 du même code dispose pour sa part : " Tant qu'ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale, les citoyens de l'Union européenne (...), ont le droit de séjourner en France pour une durée maximale de trois mois, sans autre condition ou formalité que celles prévues pour l'entrée sur le territoire français ".
7. Il résulte de ces dispositions que le préfet peut prononcer, sur le fondement de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un ressortissant d'un État membre de l'Union européenne dans le cas où il constate que l'intéressé séjourne en France depuis plus de trois mois sans interruption et ne justifie plus d'aucun droit au séjour. Il incombe toutefois à l'administration, en cas de contestation sur la durée du séjour d'un citoyen de l'Union européenne dont elle a décidé l'éloignement, de faire valoir les éléments sur lesquels elle se fonde pour considérer qu'il ne remplit plus les conditions pour séjourner en France. Dans ce cas, l'administration peut, notamment, s'appuyer sur les déclarations préalablement faites par l'intéressé. Il appartient alors à l'étranger qui demande l'annulation de cette décision d'apporter tout élément de nature à en contester le bien-fondé, selon les modalités habituelles de l'administration de la preuve.
8. M. D... soutient être entré en France le 15 juin 2018, soit moins de trois mois avant l'édiction de l'arrêté attaqué. Toutefois, le préfet de police de Paris fait valoir qu'il avait fait l'objet, le 14 mars 2017, d'une décision portant obligation de quitter le territoire français qui n'a pas fait l'objet d'une exécution forcée et qu'à défaut de toute preuve du départ volontaire de M. D... du territoire français à la suite de la notification de cette décision d'éloignement, l'intéressé doit être regardé comme ayant continué à séjourner en France de manière continue après le 14 mars 2017 et ce jusqu'à l'intervention de l'arrêté attaqué.
M. D..., pour sa part, ne produit aucun élément de nature à établir qu'il aurait effectivement quitté provisoirement le territoire français pour se conformer à l'obligation de quitter le territoire français dont il faisait l'objet et qu'il serait ensuite revenu s'établir en France au cours du mois de juin 2018, comme il le prétend. Dans ces conditions, le préfet de police de Paris doit être regardé comme rapportant la preuve qui lui incombe du séjour en France de
M. D... pour une durée supérieure à trois mois. Enfin, M. D... ne fait état d'aucune ressource qui lui permettrait de séjourner en France pour une période supérieure à trois mois sans devenir une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale français. Le préfet de police de Paris pouvait donc légalement se fonder sur les dispositions de l'article
L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sur les dispositions précitées de l'article L. 511-3-1 du même code pour prendre à l'encontre de M. D... la mesure d'obligation de quitter le territoire français contestée. Le moyen tiré de l'erreur de fait que l'autorité administrative aurait commise dans l'appréciation de la durée de son séjour en France et de la charge qu'il ferait peser sur le système d'assistance sociale doit, par suite, être écarté.
9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment des mentions de l'arrêté attaquée relatives aux conditions du séjour en France de M. D..., que le préfet de police de Paris a procédé à l'examen de la situation personnelle de l'intéressé avant de prendre à son encontre l'arrêté attaqué.
10. En quatrième lieu, M. D... ne fait état d'aucune attache personnelle et familiale particulière sur le territoire français ou de toute autre circonstance propre à sa situation personnelle qui ferait obstacle à son retour en Roumanie. Ainsi, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet en prenant à son encontre l'arrêté attaqué eu égard à ses conséquences sur sa situation doit être écarté.
11. En cinquième et dernier lieu, à supposer que M. D... entende demander l'annulation, par voie de conséquence, de la décision fixant le pays de renvoi à raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, il ressort de ce qui est dit précédemment que M. D... n'établit pas que cette décision serait entachée d'illégalité.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 25 juillet 2018 du préfet de police de Paris l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n°1810534 de la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil du 8 février 2019 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Montreuil et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
N° 19VE00794 2