Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 4 mai 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans, et, d'autre part, d'enjoindre à cette même autorité de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de supprimer son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
Par un jugement n° 1805308 du 29 novembre 2018, le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir annulé la décision du 4 mai 2018 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a interdit à M. D... de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans, a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 7 et 31 janvier et le 28 février 2019, M. D..., représenté par Me C..., avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement dans la mesure où il rejette le surplus de ses conclusions ;
2° d'annuler l'arrêté du 4 mai 2018 en tant qu'il porte refus de séjour, obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination ;
3° à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4° à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation après saisine de la commission du titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
5° de mettre à la charge de l'État la somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier au regard des articles L. 9 et R. 741-2 du code de justice administrative ;
- le jugement est entaché d'une erreur de droit ;
- il est entaché d'erreurs de fait ;
- il est entaché d'une erreur de qualification juridique des faits ;
- il est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté attaqué a été pris au terme d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- il viole les dispositions des articles L. 313-11, 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les observations de Me C..., avocat de M. D....
Une note en délibéré, présentée par Me C..., a été enregistrée le 28 mai 2020.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant serbe né le 7 août 1964, a sollicité le 29 août 2017 la délivrance d'un titre de séjour. M. D... fait appel du jugement du 29 novembre 2018 en tant que le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions portées par l'arrêté du 4 mai 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est entré en France le 17 juillet 2002, ainsi que cela ressort du visa figurant sur son passeport, et qu'il n'a plus d'attache familiale dans son pays d'origine depuis le décès de son père et de sa mère, respectivement en 1991 et en 1968. A la date de l'édiction de l'arrêté en litige, son épouse, avec laquelle il est marié depuis 1984, était titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " valable jusqu'en février 2019, laquelle a par la suite été renouvelée. A la même date, le fils unique du requérant bénéficiait d'une carte de séjour pluriannuelle valable de septembre 2017 à septembre 2019 dont le titulaire a demandé le renouvellement. Le requérant établit également que le fils de son épouse, qui atteste héberger le couple depuis 2013 et a établi en faveur de son beau-père une promesse d'embauche en qualité de menuisier dans l'entreprise dont il est le gérant, bénéficie d'une carte de résident d'une durée de dix ans valable jusqu'en 2025. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué porte au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été édicté, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, il doit être annulé dans toutes ses dispositions.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. ".
5. Le motif d'annulation retenu au point 3 implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. D... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais relatifs à l'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1805308 du 29 novembre 2018 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 4 mai 2018 refusant un titre de séjour à M. D..., l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. D... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'État versera à M. D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.
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N° 19VE00039