Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL SB PRESTIGE AUTO a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été infligés pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 et des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 1501280 du 26 janvier 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 mars 2018, la SARL SB PRESTIGE AUTO, représentée par Me Naïm, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge de l'intégralité des rappels en droits, intérêts et pénalités ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les juges de première instance n'ont pas répondu au moyen tiré du fait que les factures établies par ses fournisseurs allemands ne remplissaient pas les conditions pour relever d'une opération d'acquisition intracommunautaire ;
- c'est à tort que l'administration a regardé les achats de 113 véhicules d'occasion, qu'elle a ensuite vendus au cours de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, comme étant des acquisitions intracommunautaires ;
-l'application des pénalités et amendes mises à sa charge n'est pas justifiée en l'espèce : son gérant n'avait aucune connaissance du traitement fiscal et comptable des achats et ventes des véhicules d'occasion, dont la gestion était déléguée à un expert-comptable lequel a seul décidé de l'application du régime de TVA sur marge ; le cabinet de cet expert a été appelé en garantie et ce dernier a été personnellement condamné par le Tribunal de grande instance de Paris ; de même, son gérant ignorait qu'elle procédait à des ventes à perte, les origines allemandes de son épouse n'étant pas de nature à l'éclairer sur la nature des opérations réalisées.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Deroc, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL SB PRESTIGE AUTO exerce une activité d'achat et de revente de véhicules automobiles neufs et d'occasion, acquis notamment auprès de fournisseurs situés au sein de l'Union européenne. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle deux propositions de rectification datées du 10 décembre 2013 lui ont été notifiées, aux termes desquelles le service a mis à sa charge, notamment, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, assortis de l'application de la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts ainsi que de l'amende prévue au 4° de l'article 1788 A du même code. Les réclamations de la SARL SB PRESTIGE AUTO ayant été rejetées par décisions du 12 décembre 2014, elle fait appel du jugement du 26 janvier 2018 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires, mises à sa charge ainsi que des majorations correspondantes.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
3. Il résulte des considérants 5 à 7 du jugement attaqué que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a répondu au moyen tiré de la contestation de la qualification d'" acquisitions intracommunautaires " au profit de celle d' " opérations internes " soulevé par la SARL SB PRESTIGE AUTO. Si cette dernière fait grief aux juges de première instance de ne pas s'être prononcés sur le fait que les factures établies par ses fournisseurs, notamment allemands, ne permettaient pas de caractériser l'existence d'acquisitions intracommunautaires, il ressort des pièces du dossier que la société requérante n'a produit aucune desdites factures. Par suite, les premiers juges, qui au demeurant n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments présentés par la requérante, ont suffisamment répondu au moyen soulevé devant eux. Par conséquent, le moyen d'appel tiré de l'omission à statuer doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
4. Aux termes du 2° bis du I de l'article 256 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006 / 112 / CE du Conseil du 28 novembre 2006 ". Aux termes du I de l'article 297 A du même code : " 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion, d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. (...) ". Aux termes de son article 297 E : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ".
5. Il résulte des dispositions précitées qu'un assujetti revendeur peut appliquer le régime de taxation sur la marge lorsqu'il revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur situé dans un autre État membre de l'Union européenne qui lui a délivré une facture conforme aux dispositions de l'article 297 E du code général des impôts.
6. En premier lieu, la SARL SB PRESTIGE AUTO ne conteste pas que c'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause l'application erronée du régime de taxation sur la marge aux reventes de véhicules neufs qu'elle a acquis auprès de ses fournisseurs, qui relèvent de l'application du régime général de la taxe sur la valeur ajoutée applicables aux acquisitions intracommunautaires prévu par l'article 256 du code général des impôts, ainsi qu'aux transactions portant sur des véhicules d'occasion au sujet desquelles la société SARL SB PERSTIGE AUTO ne remet pas en cause les constations opérées par le service et selon lesquelles les conditions dans lesquelles leur acquisition a été facturée par les fournisseurs de la société ne permettaient pas l'application du régime de taxation sur la marge.
7. En second lieu, si la SARL SB PRESTIGE AUTO conteste, pour la période comprise entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2011, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge à raison de la remise en cause de l'application du régime de taxation sur la marge à 110 ventes réalisées au cours de cette période, il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté par la société requérante que, d'une part, 100 des factures correspondant aux opérations litigieuses, qui ont trait à des acquisitions de véhicules d'occasion réalisées auprès de fournisseurs établies dans d'autres États de l'Union européenne, ne comportent aucune mention relative à l'application du régime de taxation sur la marge et se bornent à faire état de l'application du taux de taxe sur la valeur ajoutée nul et qu'elles doivent donc être regardées, en application des dispositions précitées du code général des impôts, comme se rapportant à des acquisitions intracommunautaires assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée selon le régime de droit commun. D'autre part, les 10 autres factures en litige, qui ont trait à des acquisitions de véhicules d'occasion auprès de sociétés allemandes, mentionnent l'application de la taxe sur la valeur ajoutée et faisaient donc obstacle à l'application du régime de taxation sur la marge à ces acquisitions, dès lors que la SARL SB PRESIGE AUTO, à qui cette preuve incombe en l'espèce, ne démontre pas que, comme elle l'affirme, ces factures auraient eu un caractère provisoire et auraient été corrigées par des factures définitives mentionnant l'application effective du régime de taxation sur la marge aux opérations en cause. Dans ces conditions, en l'absence de tout élément permettant d'infirmer les constats opérés par l'administration et synthétisés dans les tableaux produits en première instance, dont il n'est pas soutenu qu'ils feraient apparaitre des opérations ayant bénéficié du régime de la marge, c'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause l'application systématique par la SARL SB PRESTIGE AUTO du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge et appliqué à la revente de ces 110 véhicules le régime d'acquisition intracommunautaire.
En ce qui concerne les pénalités :
8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ". Et aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre (...) de la taxe sur la valeur ajoutée (...), la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".
9. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a assorti les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SARL SB PRESTIGE AUTO de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts. En sa qualité de professionnel du commerce international de véhicules exerçant depuis 2005, la société requérante ne pouvait ignorer que les mentions portées sur les factures d'achat, qui ressortent des mentions synthétisées par l'administration sans être contredites, ne lui permettaient pas de bénéficier du régime de taxation sur la marge. Dans ces conditions, compte tenu de l'importance des minorations affectant les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée souscrites par la société appelante et de leur caractère répété, l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe en vertu de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, du caractère délibéré du manquement dont a fait preuve la société requérante en plaçant les opérations en cause sous le régime de la taxation sur la marge et de l'intention délibérée du contribuable d'éluder l'impôt. En outre, la SARL SB PRESTIGE AUTO ne saurait invoquer, à l'appui de sa demande en décharge de cette majoration, le fait qu'elle s'en serait entièrement remis aux conseils de son expert-comptable dans la mesure où, si ce dernier a été condamné par un jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 17 mars 2017 à indemniser la SARL SB PRESTIGE AUTO du préjudice résultant des agissements en cause, cette juridiction n'a retenu la responsabilité de l'expert-comptable qu'à hauteur de 50 %, en se fondant sur l'attitude de la société requérante, soulignant notamment les connaissances élémentaires attendues de la part du gérant et la position de l'épouse de ce dernier, laquelle était en mesure comprendre la teneur des factures établies par les fournisseurs, ces constats n'étant pas sérieusement contredits dans le cadre de la présente instance. Dès lors, c'est à bon droit que la majoration de 40 % pour manquement délibéré a été appliquée aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige.
10. Il résulte de ce qui précède que la SARL SB PRESTIGE AUTO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL SB PRESTIGE AUTO est rejetée.
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N° 18VE01036