Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision n° 8434/DEF/SGA/DRH-MD/CMG-SGL-DGAP/BOEFP/DRFIP35/75 du ministre de la défense en date du 21 mai 2015 portant suspension de son indemnité compensatrice à compter du mois de juin 2015, et d'enjoindre au ministre de la défense de rétablir l'indemnisation compensatrice à compter du 1er juin 2015 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement et ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1508018 en date du 29 janvier 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté l'ensemble de ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 mars 2018, et un mémoire en réplique enregistré le 5 novembre 2018, M. D..., représenté par la Selarl Lex Publica, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler la décision susmentionnée ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
Il soutient que :
- il y a erreur de droit en ce que l'administration a retenu une prime de rendement calculée selon le taux moyen alloué en vertu d'une note n° 310057/DEF/SGA/DRH-MD/SR-RH du 21 janvier 2013, c'est-à-dire sur la base d'un taux de gestion correspondant à 12 % du traitement indiciaire de l'agent, alors que la prime de rendement allouée en qualité d'ingénieur aurait dû être calculée sur la base d'un taux moyen de 6 % ;
- l'arrêté litigieux méconnaît le principe d'égalité de traitement entre fonctionnaires appartenant à un même corps ou cadre d'emplois.
....................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- le décret n° 89-751 du 18 octobre 1989 relatif à l'attribution d'une prime de rendement aux techniciens supérieurs d'études et de fabrications du ministère de la défense ;
- le décret n° 89-754 du 18 octobre 1989 relatif à l'attribution d'une prime de rendement aux ingénieurs d'études et de fabrications du ministère de la défense ;
- le décret n° 2011-962 du 16 août 2011 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... ;
- les conclusions de Mme Méry, rapporteur public ;
- et les observations de Me A..., pour M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., technicien supérieur d'études et de fabrications de 1ère classe au centre d'essais des propulseurs de Saclay, a été intégré à compter du 1er janvier dans le corps des ingénieurs d'études et de fabrications. En cette qualité, il lui a été versé une indemnité compensatrice, basée sur la différence entre sa rémunération de technicien supérieur d'études et de fabrications au moment de son changement de corps et sa nouvelle rémunération d'ingénieur d'études et de fabrications. Par une décision du 21 mai 2015, le ministre de la défense a suspendu, à compter du mois de juin 2015, le versement de cette indemnité compensatrice au bénéfice de M. D..., au motif que sa rémunération d'ingénieur d'études et de fabrications dépassait alors le montant plafond lié au versement de cette indemnité. M. D... relève appel du jugement en date du 29 janvier 2018 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête :
2. Aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 24 septembre 2001 : " Les techniciens supérieurs d'études et de fabrications (...) nommés ingénieurs d'études et de fabrications qui recevaient dans leur ancienne situation une rémunération globale supérieure à celle qui résulte de leur classement dans le corps des ingénieurs d'études et de fabrications perçoivent une indemnité compensatrice dans les conditions fixées par le présent décret ". Et aux termes de l'article 2 du même décret : " Cette indemnité est égale à la différence existant entre les deux rémunérations, à l'exclusion des indemnités représentatives de frais et des éléments de rémunération liés à l'affectation en dehors du territoire européen de la France, en prenant en considération les éléments suivants : / Rémunération d'ingénieur d'études et de fabrications : / - traitement indiciaire ; / -indemnité de résidence ; / - allocation spéciale ; / - prime de rendement au taux moyen ; / Rémunération de technicien supérieur d'études et de fabrications : / - traitement indiciaire ; / -indemnité de résidence ; / - indemnité de fonctions techniques ; / - prime de rendement au taux moyen ; / - indemnité différentielle prévue par le décret du 23 novembre 1962 susvisé ; / - indemnité différentielle prévue par le décret du
18 octobre 1989 susvisé ; (...). Ces éléments sont déterminés, dans l'ancienne et la nouvelle situation, à la date où la nomination en qualité d'ingénieur d'études et de fabrications prend effet. / En aucun cas, l'attribution de l'indemnité compensatrice ne peut avoir pour effet de porter le total de cette allocation et de la rémunération globale perçue dans le nouveau grade à un montant supérieur à celui des émoluments déterminés suivant les conditions précisées ci-dessus et afférents à l'échelon le plus élevé du grade, catégorie ou groupe détenus à la date de nomination dans le corps des ingénieurs d'études et de fabrications. / L'indemnité compensatrice ainsi fixée est servie jusqu'au jour où ce dernier montant est atteint. A partir de ce moment, elle est réduite de plein droit du montant des augmentations de traitement et de la majoration des éléments de la rémunération dont les intéressés bénéficient dans leur nouveau corps ". L'article 3 du décret également susvisé du 18 octobre 1989 dispose que : " Les attributions individuelles de la prime de rendement sont déterminées dans la limite d'un crédit calculé annuellement sur la base de 6 p. 100 du traitement budgétaire moyen de chaque grade. / Le montant maximum annuel attribué ne peut excéder 12 p. 100 du traitement le plus élevé du grade du bénéficiaire (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que la prime de rendement doit être prise en compte, pour le calcul de l'indemnité compensatrice non au taux de l'indemnité réellement perçue par l'agent, mais à un taux moyen. Ce taux moyen de la prime de rendement, issu de la moyenne entre le taux minimal susceptible d'être attribué à l'agent, soit 0 %, et le taux maximal, soit 12% du traitement le plus élevé du grade du bénéficiaire, s'établit à 6 % de ce traitement. Il est constant que, pour le calcul de la prime de rendement de M. D..., le ministre de la défense a retenu un " taux de gestion " de 12 %, résultant d'une note administrative du 21 janvier 2013, qui dispose elle-même que, pour les ingénieurs d'études et de fabrication, elle atteint les plafonds réglementaires. S'il résulte des dispositions en cause que le montant total de la rémunération que perçoit un ingénieur d'études et de fabrications bénéficiant d'une indemnité compensatrice ne peut excéder un plafond qui correspond au montant des émoluments afférents à l'échelon le plus élevé du grade, catégorie ou groupe détenus à la date de nomination dans le corps des ingénieurs d'études et de fabrications, il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est pas allégué par le ministre, que ce plafond aurait été atteint par la rémunération de M. D.... Par suite, en retenant le taux de 12 % du traitement du requérant, dans la détermination du montant de la prime de rendement, au lieu du taux moyen de 6 %, l'administration a fait une application erronée des conditions réglementaires relatives à cette prime et a entaché sa décision d'une erreur de droit.
4. Il résulte de ce qui précède que M. D... est fondé à demander l'annulation du jugement du 29 janvier 2018 du Tribunal administratif de Versailles, et de la décision du ministre de la défense du 21 mai 2015. Il y a lieu de faire droit à ces conclusions de sa requête.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
5. Aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation "
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. D... tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le requérant et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La décision du ministre des armées du 21 mai 2015 est annulée.
Article 2 : Il est mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. D... au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
N° 18VE01008 2