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16/06/2020 | FRANCE | N°16VE02352

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 16 juin 2020, 16VE02352


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au Tribunal administratif de Toulouse qui a renvoyé l'affaire au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 22 mars 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision du 17 octobre 2012 de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser son licenciement, et a accordé cette autorisation.

Par un jugement n° 1602299 du 7 juin 2016, le Tribunal administratif Cergy-Pontoise a annulé la

décision du ministre du travail du 22 mars 2013.

Procédure devant la Cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au Tribunal administratif de Toulouse qui a renvoyé l'affaire au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 22 mars 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision du 17 octobre 2012 de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser son licenciement, et a accordé cette autorisation.

Par un jugement n° 1602299 du 7 juin 2016, le Tribunal administratif Cergy-Pontoise a annulé la décision du ministre du travail du 22 mars 2013.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et trois mémoires complémentaires enregistrés les 25 juillet et 7 novembre 2016 et le 12 juin 2018, la société Sofibel, représentée par Me Manca, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement du 7 juin 2016 ;

2° de rejeter la demande présentée par M. F... d'annulation de la décision du ministre du travail du 22 mars 2013 et de confirmer cette décision.

Elle soutient que :

- la décision du ministre est suffisamment motivée ;

- M. F... a eu communication de toutes les pièces produites devant l'administration ;

- le grief des gestes déplacés est établi, ainsi que celui des remarques désobligeantes, de la gestion critique des intérimaires et du comportement ambigu envers le personnel féminin.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,

- les observations de Me C... pour la société Sofibel, et celles de Me B... substituant Me D... pour M. F....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... F... a été embauché par la société Sofibel par contrat à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2009 en qualité de gestionnaire de stocks et responsable du conditionnement au sein du centre logistique de Revel, en Haute-Garonne, et a été membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail depuis décembre 2010. En septembre 2012, il a été mis à pied et a reçu une convocation à un entretien préalable pour un éventuel licenciement disciplinaire pouvant aller jusqu'à la faute grave. L'inspecteur du travail de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine a refusé, le 17 octobre 2012, d'accorder l'autorisation de licenciement demandée. Le ministre a annulé cette décision et accordé le 22 mars 2013 l'autorisation sollicitée. La société Sofibel relève appel du jugement du 7 juin 2016 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du ministre du travail du 22 mars 2013.

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

3. Par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail que, lorsqu'un doute subsiste au terme de l'instruction diligentée par le juge de l'excès de pouvoir sur l'exactitude matérielle des faits à la base des griefs formulés par l'employeur contre le salarié protégé, ce doute profite au salarié.

4. Il est reproché à M. F... d'avoir eu un comportement et des propos déplacés avec des salariés féminins, ainsi qu'une gestion critique du personnel intérimaire.

5. La société Sofibel produit plusieurs attestations relatant comme gestes déplacés de M. F... celui de passer sa main dans les cheveux de ses collègues féminins et de les prendre en photos à leur insu. La société produit en ce sens quelques attestations qui, bien que stéréotypées permettent de regarder comme établi le fait que M. F... a passé sa main dans les cheveux de certaines salariées. En revanche, il ne ressort pas des photos produites par la société qu'elles auraient été prises, même en dehors des moments conviviaux de l'entreprise, à l'insu des salariés photographiés, lesquels ne sont d'ailleurs pas exclusivement féminins. Dans ces conditions, aucun autre geste déplacé que celui d'avoir passé sa main dans les cheveux de certaines salariées ne peut être regardé comme établi.

6. Concernant la gestion des intérimaires, la directrice des ressources humaines a rappelé par courriel du 31 mars 2011 à M. F... de ne pas marquer de préférence à l'égard de certaines intérimaires, même ayant une compétence plus développée, cela pouvant être mal compris et engendrer des dissensions. La société produit des attestations de salariés reprochant à M. F... de s'intéresser " aux plus jolies ", ou de leur avoir laissé croire qu'il avait un pouvoir de décision sur le renouvellement de leur contrat. Toutefois M. F... produit également des attestations en sens inverse et faisant état d'une ambiance empreinte de rumeurs et de complot. L'attestation de la société d'intérim Adecco du 10 septembre 2012 selon laquelle plusieurs intérimaires se seraient plaintes depuis le mois d'avril 2012 d'un changement d'ambiance à l'atelier de conditionnement et d'un changement de comportement de leur responsable de production, et souhaitant par suite mettre fin à leur mission, ne permet pas, par son caractère vague, d'établir que M. F... aurait eu à leur égard un comportement inadapté ou qu'il serait à l'origine du changement d'ambiance. Dans ces conditions, le comportement déplacé de M. F... envers certaines intérimaires ne peut être regardé comme établi.

7. Enfin, plusieurs attestations produites par la société font état de la part de M. F... de propos déplacés, grossiers ou à caractère sexuel à l'égard de salariées de son service, attestations essentiellement recueillies lors de l'enquête interne à l'entreprise qui s'est déroulée les 11 et 12 septembre 2012 lors de la mise à pied de l'intéressé. Si M. F... reconnaît avoir lancé une insulte à la découverte d'erreurs d'étiquetage ou de conditionnement, et s'être emporté, lorsqu'une salariée n'était pas à son poste mais occupée à discuter avec une collègue, il conteste en revanche l'ensemble des propos reprochés à connotation sexuelle et produit de nombreuses attestations en sa faveur. Il ressort également du dossier que certaines attestations, émanant notamment d'intérimaires, ont été établies à la demande du responsable du centre logistique de Revel, que certains salariés dont les attestations à l'encontre de M. F... se corroborent mutuellement en reprenant des formulations très proches, entretenaient des liens personnels forts en dehors du cadre professionnel, et que des tensions relationnelles existaient au sein de l'atelier de conditionnement. Le doute profitant au salarié, le grief tiré de tels propos qui revêtiraient un caractère habituel ne peut, dans ces conditions et en l'absence d'avertissement antérieur, être regardé comme établi. L'insulte lancée par M. F... lors de la découverte d'une erreur d'étiquetage, et le geste particulièrement grossier à l'occasion d'un désaccord avec une collègue, pour inadmissibles qu'ils soient, ne sont pas à eux seuls, en l'absence de caractère répété, d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement.

8. Dans ces conditions, et alors même que M. F... a pu manifester des emportements et des écarts de langage inadmissibles dans le management de l'atelier de conditionnement dont il avait la responsabilité, les seuls éléments établis à son encontre aux points 5 et 7 du présent arrêt ne sauraient justifier légalement le licenciement envisagé par la société Sofibel.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Sofibel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision de la ministre du travail du 22 mars 2013.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la société Sobibel une somme de 2 000 euros à verser à M. F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE:

Article 1er : La requête de la société Sofibel est rejetée.

Article 2 : La société Sofibel versera à M. F... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 16VE02352 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE02352
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : Mme LE GARS
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine LE GARS
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : SCP AUGUST et DEBOUZY ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-16;16ve02352 ?
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