Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... E... a demandé au Tribunal administratif de Versailles :
- sous le n° 1207568, d'annuler la délibération du jury de master 1 " énergie nucléaire " de l'université Paris 11 - Paris-Sud du 12 juillet 2012 proclamant les résultants pour l'année universitaire 2011-2012, en tant qu'elle a prononcé son ajournement, d'enjoindre à l'université Paris 11 - Paris-Sud d'organiser une nouvelle réunion du jury de master 1 " énergie nucléaire " afin qu'il délibère à nouveau sur sa situation, dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'université Paris 11 - Paris-Sud la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- sous le n° 1507493, de condamner l'université Paris 11 - Paris-Sud à lui verser la somme de 60 000 euros, sauf à parfaire, en réparation des préjudices subis en raison de l'illégalité fautive de la délibération du 12 juillet 2012 par laquelle le jury du master 1 " énergie nucléaire " de l'université Paris 11 - Paris-Sud a prononcé son ajournement, d'assortir cette condamnation du versement des intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2015 et de leur capitalisation, et de mettre à la charge de l'université Paris 11 - Paris-Sud la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1207568-1507493 du 18 juillet 2017, le Tribunal administratif de Versailles a annulé la délibération du 12 juillet 2012, enjoint au jury du master 1 " énergie nucléaire " de l'université Paris 11 - Paris-Sud de délibérer à nouveau sur la situation de M. E... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, et rejeté le surplus des conclusions des demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 septembre 2017, M. E..., représenté par Me Hubert, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement, en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ;
2° de condamner l'université Paris 11 - Paris-Sud à lui verser la somme de 60 000 euros en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts à compter du 6 juillet 2015 et de la capitalisation ;
3° de mettre à la charge de l'université Paris 11 - Paris-Sud la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, dès lors que le tribunal a rejeté ses conclusions indemnitaires se fondant sur un moyen soulevé d'office, sans en avoir, au préalable, informé les parties, en méconnaissance de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit et dénaturé les faits de l'espèce ;
- l'illégalité de la décision du jury de master 1 " énergie nucléaire " de l'université Paris 11 - Paris-Sud du 12 juillet 2012 ayant prononcé son ajournement constitue une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- l'illégalité de cette décision lui a causé une perte de chance d'obtenir son diplôme de master 1 dès 2012 et de pouvoir intégrer une formation de master 2 la même année ;
- il a subi une perte de chance sérieuse d'obtenir une bourse d'étude annuelle de 8 000 euros, un stage et un contrat à durée indéterminée en pré-recrutement au sein de la société EDF, alors que son dossier avait été sélectionné et qu'il avait été convoqué à un entretien, le processus de recrutement n'ayant pu aboutir compte tenu de son ajournement ;
- il a subi un préjudice matériel important dès lors qu'il est entré avec une année de retard sur le marché du travail, ce qui l'a privé d'une année de salaire, ainsi que du bénéfice d'une année de cotisation à l'assurance chômage et à l'assurance retraite ;
- ses pertes de chance et ses préjudices matériels doivent être réparés à hauteur de la somme de 50 000 euros ;
- il a également subi un préjudice moral très important du fait de cet ajournement injustifié, qui peut être évalué à la somme de 10 000 euros.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Cabon, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., substitut de Me B..., pour l'université Paris 11 - Paris-Sud.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., inscrit à l'université Paris 11 - Paris-Sud en master 1 " énergie nucléaire " au titre de l'année universitaire 2011-2012, a effectué un stage au sein du laboratoire de mécanique des solides de l'École polytechnique du 10 avril 2012 au 29 juin 2012. A l'issue de la première session d'examen, et par une délibération du 12 juillet 2012, l'intéressé a été ajourné avec une moyenne générale de 10,257 sur 20, en ayant notamment obtenu la note de 4,58 sur 20 à son stage. Il a également été ajourné à l'issue de la seconde session d'examen, avec une moyenne générale de 10,594 sur 20, sa note de stage n'ayant pas été modifiée. Par un jugement n° 1207568-1507493 du 18 juillet 2017, le Tribunal administratif de Versailles a annulé la délibération susmentionnée du 12 juillet 2012, enjoint au jury du master 1 " énergie nucléaire " de l'université Paris 11 - Paris-Sud de délibérer à nouveau sur la situation de M. E... dans un délai de trois mois et rejeté les conclusions indemnitaires de M. E.... Celui-ci relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, pour rejeter les conclusions indemnitaires du requérant, le jugement attaqué a retenu qu'eu égard aux conséquences attachées à la commission d'une fraude ou d'une tentative de fraude à un examen, la non obtention de son diplôme par M. E... est sans lien de causalité directe avec le motif d'illégalité de la délibération du 12 juillet 2012 par laquelle le jury a prononcé son ajournement. En rejetant ainsi les conclusions indemnitaires de M. E..., le tribunal a seulement vérifié si les conditions d'engagement de la responsabilité de l'administration étaient satisfaites et n'a pas relevé d'office un moyen qui aurait dû faire l'objet de l'information prévue par les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative. Le moyen tiré de ce que le jugement serait irrégulier doit être écarté.
3. En second lieu, si M. E... soutient que les premiers juges ont commis une erreur de droit et dénaturé les faits de l'espèce, de tels moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal administratif, ne sont pas de nature à entacher ce jugement d'irrégularité.
Au fond :
4. Aux termes de l'article R. 811-10 du code de l'éducation : " En cas de flagrant délit de fraude ou tentative de fraude aux examens ou concours, le surveillant responsable de la salle prend toutes mesures pour faire cesser la fraude ou la tentative sans interrompre la participation à l'épreuve du ou des candidats. Il saisit les pièces ou matériels permettant d'établir ultérieurement la réalité des faits. Il dresse un procès-verbal contresigné par les autres surveillants et par le ou les auteurs de la fraude ou de la tentative de fraude. En cas de refus de contresigner, mention est portée au procès-verbal. (...) La section disciplinaire est saisie dans les conditions prévues aux articles R. 712-29 et R. 712-30 ". Aux termes de l'article R. 811-11 de ce code : " Les sanctions disciplinaires applicables aux usagers des établissements publics d'enseignement supérieur sont : 1° L'avertissement ; 2° Le blâme ; 3° L'exclusion de l'établissement pour une durée maximum de cinq ans. Cette sanction peut être prononcée avec sursis si l'exclusion n'excède pas deux ans ; 4° L'exclusion définitive de l'établissement ; 5° L'exclusion de tout établissement public d'enseignement supérieur pour une durée maximum de cinq ans ; 6° L'exclusion définitive de tout établissement public d'enseignement supérieur. (...) Toute sanction prévue au présent article et prononcée dans le cas d'une fraude ou d'une tentative de fraude commise à l'occasion d'une épreuve de contrôle continu, d'un examen ou d'un concours entraîne, pour l'intéressé, la nullité de l'épreuve correspondante. L'intéressé est réputé avoir été présent à l'épreuve sans l'avoir subie. La juridiction disciplinaire décide s'il y a lieu de prononcer, en outre, à l'égard de l'intéressé la nullité du groupe d'épreuves ou de la session d'examen ou du concours (...) ". Aux termes de l'article R. 811-13 de ce code : " Dans le cas prévu au premier alinéa de l'article R. 811-10, le jury délibère sur les résultats des candidats ayant fait l'objet du procès-verbal prévu à cet article, dans les mêmes conditions que pour tout autre candidat, sous réserve des dispositions prévues au troisième alinéa du présent article. Si l'examen comporte un second groupe d'épreuves, les candidats sont admis à y participer si leurs résultats le permettent. Aucun certificat de réussite ni de relevé de notes ne peuvent être délivrés avant que la formation de jugement ait statué. (...) En cas de nullité de l'épreuve ou du groupe d'épreuves correspondant résultant d'une sanction prononcée en application des articles R. 811-11 ou R. 811-12, l'autorité administrative saisit le jury pour une nouvelle délibération portant sur les résultats obtenus par l'intéressé ".
5. Pour annuler la délibération susmentionnée du 12 juillet 2012, le Tribunal a considéré que " faute de justifier des motifs de l'ajournement de M. E... aux deux sessions d'examen au regard des modalités de contrôle des connaissances applicables au diplôme de master 1 énergie nucléaire et de ce que la note attribuée à l'épreuve de stage était exclusivement fondée sur une appréciation de la qualité du travail de l'intéressé et n'avait pas pour objet de le sanctionner pour une fraude présumée ", l'université Paris 11 - Paris-Sud a commis une erreur de droit.
6. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre du stage de master 1 qu'il a effectué au sein du laboratoire de mécanique des solides de l'École polytechnique du 10 avril 2012 au 29 juin 2012, M. E... a remis un rapport qui a donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal de suspicion de fraude par son responsable de stage, celui-ci estimant que l'intéressé avait contrefait certains de ses résultats expérimentaux en substituant à ses propres données des données issues du travail non encore publié d'un doctorant, à son insu, et en falsifiant les dates et les conditions de travail apparaissant sur les clichés de microscopie concernés. A la suite de ce procès-verbal, la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université 11 - Paris-Sud, considérant que la fraude était avérée, a prononcé le 29 novembre 2012 l'exclusion de M. E... de cette université pour une durée de deux ans, dont un an assorti du sursis. Par une décision du 12 mai 2015, le conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, statuant en matière disciplinaire, a annulé cette décision du 29 novembre 2012 et prononcé à l'encontre de l'intéressé une sanction d'exclusion de tout établissement d'enseignement supérieur pour une durée d'un an. Si cette décision a été annulée par le Conseil d'Etat le 7 octobre 2016, c'est au seul motif que le conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche ne pouvait aggraver la sanction prononcée en première instance, dès lors que l'appel incident présenté en appel par l'université 11 - Paris-Sud n'était pas recevable. Il est constant que par une décision du 13 mars 2018, le conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, statuant en matière disciplinaire, a confirmé la sanction de la commission de discipline. En outre, dans une lettre d'excuses adressée au jury du master 1 énergie nucléaire, le requérant a reconnu de manière explicite et circonstanciée les faits qui lui étaient reprochés.
7. M. E... demande réparation de son préjudice matériel et moral résultant de l'illégalité de la délibération du 12 juillet 2012 prononçant son ajournement. Il soutient avoir perdu une chance d'obtenir son diplôme une année plus tôt, d'obtenir une bourse et un contrat à durée indéterminée en pré-recrutement au sein de la société EDF et fait valoir qu'il est entré sur le marché du travail avec une année de retard. Il invoque en outre le caractère brutal, humiliant et vexatoire de son ajournement.
8. Toutefois, la fraude commise par M. E... étant établie, il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même mesure d'ajournement si elle n'avait pas commis l'erreur de droit censurée par le tribunal. Dans ces conditions, la faute résultant de l'illégalité de la délibération du 12 juillet 2012 n'est pas en lien direct avec le préjudice matériel et moral dont M. E... demande réparation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions indemnitaires.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'université Paris 11 - Paris-Sud, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. E... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, les conclusions de même nature présentées par l'université Paris 11 - Paris-Sud peuvent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'université Paris 11 - Paris-Sud au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
N° 17VE02971 2