La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/06/2020 | FRANCE | N°17VE02856

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 15 juin 2020, 17VE02856


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 22 villa du Roule à Neuilly-sur-Seine a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler le titre de recettes n° 004708 du 4 septembre 2015 émis par la COMMUNE DE NEUILLY-SUR-SEINE, de le décharger de l'obligation de payer la somme de 29 033,91 euros, et de mettre à la charge de la COMMUNE DE NEUILLY-SUR-SEINE la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1511113 du 11 juil

let 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ce titre de re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 22 villa du Roule à Neuilly-sur-Seine a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler le titre de recettes n° 004708 du 4 septembre 2015 émis par la COMMUNE DE NEUILLY-SUR-SEINE, de le décharger de l'obligation de payer la somme de 29 033,91 euros, et de mettre à la charge de la COMMUNE DE NEUILLY-SUR-SEINE la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1511113 du 11 juillet 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ce titre de recettes, déchargé le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 22 villa du Roule à Neuilly-sur-Seine de l'obligation de payer la somme de 29 033,91 euros, et mis à la charge de la COMMUNE DE NEUILLY-SUR-SEINE la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 4 septembre 2017 et le 23 novembre 2017, la COMMUNE DE NEUILLY-SUR-SEINE, représentée par Me C..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande du syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 22 villa du Roule à Neuilly-sur-Seine ;

3° de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 22 villa du Roule à Neuilly-sur-Seine la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que la minute n'a pas été signée, en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- il est entaché d'une contradiction de motifs ;

- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier, commis des erreurs dans la qualification juridique des faits, ainsi que des erreurs de droit ;

- le titre de recettes litigieux respecte les dispositions de l'article L. 1617 du code général des collectivités territoriales, dès lors, d'une part, qu'il comporte le nom et la qualité de l'ordonnateur et, d'autre part, que le bordereau de ce titre comporte le nom et la signature de l'ordonnateur, à savoir Mme F... G..., adjointe au maire ;

- ce titre, qui indique les bases de la liquidation, est suffisamment motivé ; il mentionne notamment le rapport d'expertise du 6 décembre 2013 dont le syndicat a eu connaissance, et dont il ressort que la somme de 29 033,91 euros correspond aux travaux d'assèchement de l'appartement de Mme H..., pris en charge par la commune ;

- la créance est certaine, dès lors que les désordres qui ont affecté l'appartement de Mme H... ne sont pas imputables aux travaux de réhabilitation de l'ensemble immobilier situé 62 à 70 avenue du Roule, mais à des remontées capillaires anciennes qui n'ont été traitées ni par l'intéressée, ni par le syndicat des copropriétaires ; à cet égard, la responsabilité quasi-délictuelle du syndicat est engagée.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Cabon, rapporteur public,

- les observations de Me E..., substituant Me C..., pour la COMMUNE DE NEUILLY-SUR-SEINE, et celles de Me D..., substituant Me B..., pour le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 22 villa du Roule à Neuilly-sur-Seine.

Considérant ce qui suit :

1. Mme H..., née le 11 septembre 1927 et décédée le 25 octobre 2017, était propriétaire d'un appartement en rez-de-chaussée situé au 22 villa du Roule à Neuilly-sur-Seine. A compter du mois de juin 2008, la COMMUNE DE NEUILLY-SUR-SEINE a entrepris des travaux de réhabilitation d'un ensemble immobilier contigu situé 62 à 70 avenue du Roule afin d'y réaliser un équipement culturel et des logements sociaux. Les travaux ont été exécutés par la société Sogéa TPI, la COMMUNE DE NEUILLY-SUR-SEINE ayant assuré la maîtrise d'oeuvre de l'opération. Un expert a été désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Versailles le 25 juin 2007 dans le cadre d'un référé préventif afin de constater l'état des immeubles riverains du chantier avant et après les travaux. Il a établi un rapport définitif le 6 décembre 2013. Au cours des travaux de réhabilitation, une humidité très importante est apparue dans l'appartement de Mme H..., rendant celui-ci insalubre. Ces désordres ont nécessité des travaux d'assèchement du logement de l'intéressée, ainsi que son relogement provisoire, lesquels ont été pris en charge par la COMMUNE DE NEUILLY-SUR-SEINE pour un montant de 29 033,91 euros. La COMMUNE DE NEUILLY-SUR-SEINE a émis le 4 septembre 2015 un titre de recettes à l'encontre du syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 22 villa du Roule à Neuilly-sur-Seine, afin d'obtenir le remboursement de cette somme. La COMMUNE DE NEUILLY-SUR-SEINE relève appel du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 11 juillet 2017 annulant ce titre de recettes et déchargeant le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 22 villa du Roule à Neuilly-sur-Seine de l'obligation de payer la somme de 29 033,91 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier de l'audience. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement méconnaîtrait les dispositions précitées de cet article manque en fait et doit être écarté.

4. Si la COMMUNE DE NEUILLY-SUR-SEINE soutient que le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs, et que les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier, commis des erreurs dans la qualification juridique des faits, ainsi que des erreurs de droit, de tels moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal administratif, ne sont pas de nature à entacher ce jugement d'irrégularité.

Au fond :

5. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) 4° Une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable sous pli simple. (...) En application de l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours. Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation. (...) ".

6. D'autre part, aux termes du second alinéa de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, codifié depuis lors au premier alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) Toute décision prise par l'une des autorités mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ".

7. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures d'où les deux derniers alinéas sont issus, d'une part, que le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif doivent mentionner les nom, prénoms et qualité de l'auteur de cette décision, au sens des dispositions citées au point 6, de même, par voie de conséquence, que l'ampliation adressée au redevable, et d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative de justifier en cas de contestation que le bordereau de titre de recettes comporte la signature de cet auteur. Lorsque le bordereau est signé non par l'ordonnateur lui-même mais par une personne ayant reçu de lui une délégation de compétence ou de signature, ce sont, dès lors, les noms, prénoms et qualité de cette personne qui doivent être mentionnés sur le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif, de même que sur l'ampliation adressée au redevable.

8. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le titre de recettes adressé par la COMMUNE DE NEUILLY-SUR-SEINE au syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 22 villa du Roule est une " copie destinée au débiteur formant avis des sommes à payer ", laquelle ne mentionne ni les nom et prénom ni la qualité de la personne ayant émis ce titre. Si la COMMUNE DE NEUILLY-SUR-SEINE a produit le bordereau de titre de recettes comportant les nom, prénom, qualité et signature de la personne ayant émis le titre en litige, il n'est pas établi ni même allégué que ce bordereau a été notifié au syndicat des copropriétaires. La seule mention sur la copie adressée au débiteur du nom de la collectivité créancière est à cet égard insuffisante.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Dans les conditions prévues pour chaque catégorie d'entre elles, les recettes sont liquidées avant d'être recouvrées. La liquidation a pour objet de déterminer le montant de la dette des redevables. (...). Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ". Les collectivités publiques ne peuvent mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre de perception lui-même, soit par une référence précise à un document joint à ce titre ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels elles se sont fondées pour déterminer le montant de la créance.

10. Il résulte de l'instruction que l'extrait du bordereau de titres adressé au débiteur se borne à mentionner le montant total de la somme mise à sa charge et indique qu'il a pour objet le " référé préventif du théâtre des Sablons, Tribunal administratif de Versailles, ordonnances n° 0704962-0801329-0902749, ordonnances, rapport d'expertise 06/12/2013 ". Il n'est pas établi ni même allégué qu'un autre document adressé au débiteur aurait été joint à cet envoi. Les bases et éléments de calcul de la créance n'étant pas précisées, la motivation du titre est insuffisante.

11. Enfin, il résulte de l'instruction, en particulier de trois constats établis les 1er avril, 25 juillet et 8 septembre 2011 par l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Versailles, ainsi que d'un procès-verbal de constat établi par un huissier le 8 août 2011, qu'une humidité très importante est apparue dans l'appartement de Mme H... pendant les travaux, rendant celui-ci insalubre. Dans son rapport du 6 décembre 2013, l'expert a indiqué que cette humidité excessive trouvait sa cause dans l'installation, pendant les travaux, d'un isolant acoustique entre le mur de l'appartement et celui du nouveau bâtiment contigu, lequel isolant a bloqué l'évaporation des remontées capillaires qui ont, pour cette raison, reflué dans l'appartement, alors qu'elles s'évacuaient jusqu'alors naturellement par la face arrière du mur en moellons. L'expert a considéré que ces désordres, caractérisés notamment par la présence de salpêtre, de moisissures, de cloques et de déformation de cloisons, révélaient un défaut d'exécution imputable à l'entreprise ayant exécuté les travaux pour le compte de la COMMUNE DE NEUILLY-SUR-SEINE. Dans ces conditions, alors même que l'appartement de Mme H... subissait, avant ces travaux, des remontées capillaires se manifestant par des traces d'humidité en partie basse d'un mur du salon, l'existence d'un lien de causalité direct entre les travaux publics litigieux et les dommages invoqués doit être regardée comme établie. En outre, ces désordres présentaient, compte tenu de leur ampleur, un caractère anormal et spécial de nature à engager la responsabilité de la COMMUNE DE NEUILLY-SUR-SEINE. Dans ces conditions, la COMMUNE DE NEUILLY-SUR-SEINE n'est pas fondée à soutenir qu'il appartenait au syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 22 villa du Roule de prendre en charge les dépenses liées aux travaux d'assèchement du logement de Mme H... et au relogement temporaire de celle-ci. Par suite, la créance dont se prévaut la COMMUNE DE NEUILLY-SUR-SEINE n'est pas fondée.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE NEUILLY-SUR-SEINE n'est pas fondée à se soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son titre de recettes émis le 4 septembre 2015 et déchargé le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 22 villa du Roule à Neuilly-sur-Seine de l'obligation de payer la somme de 29 033,91 euros. Par suite, sa requête doit être rejetée.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

14. Les dispositions précitées font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce point par la COMMUNE DE NEUILLY-SUR-SEINE. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la COMMUNE DE NEUILLY-SUR-SEINE la somme de 1 500 euros, à verser au syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 22 villa du Roule à Neuilly-sur-Seine, au titre de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE NEUILLY-SUR-SEINE est rejetée.

Article 2 : La COMMUNE DE NEUILLY-SUR-SEINE versera la somme de 1 500 euros au syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 22 villa du Roule à Neuilly-sur-Seine, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 17VE02856 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE02856
Date de la décision : 15/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

18-03 Comptabilité publique et budget. Créances des collectivités publiques.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: M. CABON
Avocat(s) : CABINET JORION AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-15;17ve02856 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award