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12/06/2020 | FRANCE | N°19VE01036-19VE01037

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 12 juin 2020, 19VE01036-19VE01037


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... et M. E... B... ont demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler les arrêtés du 22 juin 2018 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de leur délivrer un titre de séjour et les a obligés à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1808239-1808838 du 8 mars 2019, le Tribunal administratif de Versailles a annulé les arrêtés du 22 juin 2018 pris à l'encontre de M. et Mme B... et a enjoint au préfet de l'Essonne, ou à tout autre préfet compétent au regard

du lieu de résidence actuel de M. et Mme B..., de délivrer à chacun d'eux un titre de s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... et M. E... B... ont demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler les arrêtés du 22 juin 2018 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de leur délivrer un titre de séjour et les a obligés à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1808239-1808838 du 8 mars 2019, le Tribunal administratif de Versailles a annulé les arrêtés du 22 juin 2018 pris à l'encontre de M. et Mme B... et a enjoint au préfet de l'Essonne, ou à tout autre préfet compétent au regard du lieu de résidence actuel de M. et Mme B..., de délivrer à chacun d'eux un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 21 mars 2019, sous le n° 19VE01036, et un mémoire, enregistré le 18 juin 2019, le préfet de l'Essonne demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de première instance.

Il soutient que :

- il est manifeste que la demande de première instance était tardive ;

- l'arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.

.....................................................................................................................

II. Par une requête, enregistrée le 21 mars 2019, sous le n° 19VE01037, et un mémoire, enregistré le 18 juin 2019, le préfet de l'Essonne demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de première instance.

Il soutient que :

- il est manifeste que la demande de première instance était tardive ;

- l'arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes présentées par le préfet de l'Essonne sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

2. Par deux arrêtés du 22 juin 2018 le préfet de l'Essonne a refusé de délivrer à M. et Mme B..., ressortissants arméniens, un titre de séjour et les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Le préfet de l'Essonne relève régulièrement appel du jugement du 8 mars 2019 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé ces deux arrêtés.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de première instance :

3. En premier lieu, le moyen tiré de la tardiveté de la demande de première instance, qui est un moyen d'ordre public, peut être soulevé pour la première fois en appel. Par suite, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de l'Essonne n'est pas recevable à invoquer en appel le moyen nouveau tiré de la tardiveté de leurs demandes présentées devant le Tribunal administratif de Versailles.

4. En second lieu, d'une part, l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " I. L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou sur le fondement de l'article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l'article L. 511-3-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. / L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. (...) ". Aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " I. - Conformément aux dispositions du I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 (...), fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

5. D'autre part, l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 dispose que " Lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée (...) ". L'article 40 du même décret dispose que " Lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle est adressée à un bureau par voie postale, sa date est celle de l'expédition de la lettre. La date de l'expédition est celle qui figure sur le cachet du bureau de poste d'émission. ".

6. Il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté d'une action introduite devant une juridiction administrative, d'établir la date à laquelle la décision attaquée a été régulièrement notifiée à l'intéressé. En cas de retour à l'administration, au terme du délai de mise en instance, d'un pli recommandé contenant la décision, la notification est réputée avoir été régulièrement accomplie à la date à laquelle ce pli a été présenté à l'adresse de l'intéressé, s'il résulte soit de mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation du service postal ou d'autres éléments de preuve, que le préposé a, conformément à la réglementation en vigueur, déposé un avis d'instance informant le destinataire que le pli était à sa disposition au bureau de poste.

7. En l'espèce, il ressort de la lecture de l'accusé de réception de la notification des décisions en litige que celles-ci ont été présentées chacune par un avis d'instance le 23 juin 2018 à M. et Mme B... qui n'ont pas réclamé le pli mis en instance. En réponse à une mesure d'instruction de la cour tendant à ce que M. et Mme B... produisent " tout élément justifiant que la préfecture était informée du changement d'adresse de M. et Mme B... avant l'intervention de l'arrêté du 22 juin 2018, ou bien tout élément démontrant que la date de dépôt de la demande d'aide juridictionnelle n'est pas celle du 28 juillet 2018 " figurant sur les décisions leur accordant cette aide, il n'a été produit qu'un courrier de La Poste mentionnant la prise d'effet d'un contrat de réexpédition à une autre adresse à compter seulement du 24 juin 2018. Dans ces conditions, l'arrêté du 22 juin 2018 doit ainsi être regardé comme ayant été régulièrement notifié le 23 juin 2018. Les intéressés disposaient alors d'un délai de trente jours de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour contester l'arrêté, qui comportait la mention des voies et délais de recours, devant le tribunal administratif ou pour former une demande d'aide juridictionnelle interrompant le délai de recours.

8. Si M. et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 septembre 2018, cette décision mentionne une date de demande du 28 juillet 2018, soit présentée au-delà du délai de trente jours suivant la notification du 23 juin 2018. Dans ces conditions, alors que M. et Mme B... n'ont pas informé le préfet de l'Essonne de leur changement d'adresse et n'ont demandé la réexpédition de leur courrier qu'après avoir été régulièrement avisés d'un pli mis en instance, le délai de recours à l'encontre de l'arrêté attaqué régulièrement notifié le 23 juin 2018, n'a pas été interrompu par la demande d'aide juridictionnelle déposée tardivement le 28 juillet 2018. Par suite, le préfet de l'Essonne est fondé à soutenir que la demande présentée le 23 novembre 2018 par Mme B... et celle présentée le 14 décembre 2018 par M. B... devant le Tribunal administratif de Versailles étaient tardives.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement n° 1808239-1808838 du 8 mars 2019 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé les arrêtés du 22 juin 2018 doit être annulé et les demandes de première instance de M. et Mme B... doivent être rejetées comme irrecevables en raison de leur tardiveté.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes demandées par M. et Mme B... au titre des frais exposés pour l'instance et non comprises dans les dépens soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1808239-1808838 du 8 mars 2019 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : Les demandes de première instance et les conclusions d'appel de M. et Mme B... sont rejetées.

N° 19VE01036... 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01036-19VE01037
Date de la décision : 12/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Procédure - Introduction de l'instance - Délais - Expiration des délais.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Moyens - Moyens d'ordre public à soulever d'office - Existence.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : PICQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-12;19ve01036.19ve01037 ?
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