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10/06/2020 | FRANCE | N°18VE00359

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 10 juin 2020, 18VE00359


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler, d'une part, l'arrêté du 7 août 2014 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a déclaré irrémédiablement insalubre l'immeuble correspondant au bâtiment A situé 54 avenue Pierre Brossolette à Malakoff, en a interdit l'habitation et l'utilisation commerciale et a ordonné sa démolition, et, d'autre part, la décision du 17 octobre 2014 par laquelle la déléguée territoriales des Hauts-de-Seine de l'agence régionale de santé d

'Île-de-France a rejeté son recours gracieux, et de mettre à la charge de l'Etat l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler, d'une part, l'arrêté du 7 août 2014 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a déclaré irrémédiablement insalubre l'immeuble correspondant au bâtiment A situé 54 avenue Pierre Brossolette à Malakoff, en a interdit l'habitation et l'utilisation commerciale et a ordonné sa démolition, et, d'autre part, la décision du 17 octobre 2014 par laquelle la déléguée territoriales des Hauts-de-Seine de l'agence régionale de santé d'Île-de-France a rejeté son recours gracieux, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1412334 du 30 novembre 2017, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 janvier 2018 et 19 mai 2020, M. C..., représenté par Me Vaysse, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 août 2014 et le rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'avis du conseil département de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CoDERST) est irrégulier dès lors qu'il n'est pas établi que chacun de ses membres a reçu sa convocation à la séance du 8 juillet 2014 ;

- la composition du conseil était irrégulière, dès lors que trois personnes ne semblent pas avoir reçu délégation pour participer à cette réunion, que trois autres personnes figurent parmi les présents ayant voix délibérative sans aucun titre pour cela, qu'une personne est intervenue à plusieurs reprises sans que sa fonction ne soit précisée et que des représentants de la commune sont arrivés en cours de séance, sans qu'aucune information sur leur identité, leur fonction et leur nombre ne soit apportée ;

- l'avis du CoDERST est irrégulier dès lors qu'il n'examine ni la réalité, ni les causes de l'insalubrité et se borne à indiquer que la commune est propriétaire de quasiment tous les lots ;

- la simple référence au rapport du directeur du service communal d'hygiène ne suffit pas à démontrer que le comité s'est exprimé à ce sujet ;

- l'avis est irrégulier faute d'avoir été signé ;

- l'arrêté d'insalubrité irrémédiable du 7 août 2014 est irrégulier, dès lors que son adoption n'a pas été précédé d'une saisine de l'architecte des bâtiments de France, alors que le bâtiment devant être démoli se situe dans le champ de visibilité d'un bâtiment classé ;

- le dossier n'a pas fait l'objet d'un examen particulier ni par l'agence régionale de santé d'Île-de-France, ni par le préfet des Hauts-de-Seine ;

- l'arrêté, comme l'avis du CoDERST, sont entaché d'un détournement de pouvoir, dès lors que la commune, qui est propriétaire de la majorité des lots au sein du bâtiment, s'est volontairement soustrait à ses obligations de copropriétaire pour acquérir à moindre prix un bien situé dans le périmètre d'une opération d'aménagement ;

- le calcul du coût de la résorption de l'insalubrité est entaché d'erreurs et a été surévalué, dès lors que la méthode d'estimation visuelle retenue n'est pas fiable, que sont pris en compte des frais d'études inutiles, ainsi que des dépenses sans lien avec la sortie d'insalubrité, et que certaines dépenses semblent manifestement erronées ;

- le coût de la reconstruction à neuf a été nettement sous-évalué, dès lors qu'il se fonde sur un coût déterminé arbitrairement et que la surface retenue ne tient pas compte des caves, dont la surface a été prise en compte pour le calcul de la résorption de l'insalubrité.

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le décret n° 2006-672 du 8 juin 2006 ;

- le règlement sanitaire des Hauts-de-Seine ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public,

- et les observations de Vaysse, pour M. C... et de Me E..., substituant Me A..., pour la commune de Malakoff.

Une note en délibéré, enregistrée le 29 mai 2020, a été présentée pour la commune de Malakoff.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet des Hauts-de-Seine a, par un arrêté du 7 août 2014, après avoir pris en compte le rapport établi par le service communal d'hygiène et de santé de la commune de Malakoff daté du 6 février 2014 et l'avis du conseil département de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques du 8 juillet 2014, déclaré insalubre de façon irrémédiable, interdit l'habitation et l'utilisation et ordonné la démolition du bâtiment A sur rue de l'immeuble situé 54 rue Pierre Brossolette à Malakoff. M. C..., propriétaire des lots n° 1, 501 et 502 de cet immeuble, fait appel du jugement du 30 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'intervention de la commune de Malakoff :

2. L'arrêt à rendre sur la requête de M. C... est susceptible de préjudicier aux droits de la commune de Malakoff. Dès lors, son intervention est recevable.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique : " Lorsqu'un immeuble, bâti ou non, vacant ou non, attenant ou non à la voie publique, un groupe d'immeubles, un îlot ou un groupe d'îlots constitue, soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé ou exploité, un danger pour la santé des occupants ou des voisins, le représentant de l'Etat dans le département, saisi d'un rapport motivé du directeur général de l'agence régionale de santé ou, par application du troisième alinéa de l'article L. 1422-1, du directeur du service communal d'hygiène et de santé concluant à l'insalubrité de l'immeuble concerné, invite la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques à donner son avis dans le délai de deux mois : / 1° Sur la réalité et les causes de l'insalubrité ; / 2° Sur les mesures propres à y remédier. / L'insalubrité d'un bâtiment doit être qualifiée d'irrémédiable lorsqu'il n'existe aucun moyen technique d'y mettre fin, ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction. [...] ". Aux termes de l'article L. 1331-28 de ce même code : " I. - Lorsque la commission ou le haut conseil conclut à l'impossibilité de remédier à l'insalubrité, le représentant de l'Etat dans le département déclare l'immeuble insalubre à titre irrémédiable, prononce l'interdiction définitive d'habiter et, le cas échéant, d'utiliser les lieux et précise, sur avis de la commission, la date d'effet de cette interdiction, qui ne peut être fixée au-delà d'un an. Il peut également ordonner la démolition de l'immeuble. [...] ". Aux termes de l'article R. 1331-4 du même code dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Avant d'ordonner la réparation ou la démolition d'un immeuble insalubre en application de l'article L. 1331-28, le préfet sollicite l'avis de l'architecte des Bâtiments de France dans les cas où cet immeuble est : / [...] 2° Soit situé dans le champ de visibilité d'un immeuble classé ou inscrit au sens de l'article L. 621-2 du même code ; [...] ".

4. En premier lieu, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

5. Il est constant que le bâtiment A sur rue de l'immeuble situé 54 rue Pierre Brossolette à Malakoff se situe dans le " champ de visibilité d'un bâtiment historique classé ". Il résulte, par ailleurs, des termes mêmes de l'arrêté en litige que le préfet des Hauts-de-Seine a déclaré ce bâtiment insalubre de façon irrémédiable et a ordonné, dans son article 2, la démolition de ce bâtiment dans un délai d'un an. Toutefois, il résulte des dispositions précitées de l'article R. 1331-4 du code de la santé publique qu'il ne pouvait le faire sans saisir au préalable l'architecte des Bâtiments de France pour avis. La méconnaissance de cette obligation doit être regardée comme ayant été susceptible d'exercer une influence sur le sens de l'arrêté en litige en tant qu'il a ordonné la démolition du bâtiment A sur rue de l'immeuble situé 54 rue Pierre Brossolette à Malakoff, et comme ayant privé M. C... d'une garantie. Elle a, par suite, constitué une irrégularité de nature à entacher la légalité de l'arrêté attaqué, en tant qu'il a ordonné la démolition du bâtiment en litige.

6. En second lieu, il résulte de l'instruction que pour prononcer l'insalubrité irrémédiable du bâtiment A sur rue de l'immeuble situé 54 rue Pierre Brossolette, le préfet des Hauts-de-Seine s'est fondé sur l'avis du CoDERST, rendu par les membres de ce-dernier après examen de la situation de cet immeuble, telle qu'elle résulte du rapport réalisé par le service communal d'hygiène et de santé de la commune de Malakoff à partir d'une étude du cabinet d'architectes EA+LLA. Cette étude conclut que le coût d'une reconstruction à neuf peut être estimé à la somme de 874 500 euros hors taxes, et celui d'une réhabilitation, à plus de 883 000 euros hors taxes, auquel il conviendra d'ajouter les frais de réhabilitation du commerce dont le requérant est propriétaire et qui n'a pas pu être visité. Si les défendeurs font valoir que le coût de la reconstruction a été fixée au regard de données statistiques de l'INSEE, ils ne produisent aucun élément au soutien de leurs allégations, alors qu'il résulte des termes mêmes de l'étude qu'un " coût arbitraire évalué à 1 250 € HT/m2 avec 20 % d'aléas soit 1 500 € HT / m2 a été pris comme référence " par le cabinet d'architectes. En outre, il résulte des données détaillées produites pour justifier du coût de la réhabilitation de l'immeuble qu'ont été inclues à ce titre des dépenses qui ont été évaluées de manière incohérente ou qui ne relèvent pas d'une sortie d'insalubrité. En particulier, les quantités de revêtement de sol, de carrelage, de peinture mais également de cloisons nécessaires retenues pour chacun des appartements sont dans plusieurs cas sans commune mesure avec la taille de l'appartement à réhabiliter. Il est également prévu d'installer une baignoire d'1m70 de long dans 3 appartements, d'une surface comprise entre 16 et 21 m2, ainsi que des fenêtres et portes fenêtres en bois exotique. Enfin, le coût de réhabilitation inclut des frais d'étude pour la vérification de l'état sanitaire des planchers et de la charpente bois pour les parties communes. Si le ministre fait valoir qu'il s'agit d'une étude déjà réalisée qui a eu pour objet de confirmer les désordres observés, la commune soutient qu'une telle étude préalable répond aux règles de l'art et est nécessaire pour connaître avec précision les éléments défaillants à replacer ou réparer, et choisir les matériaux les mieux adaptés à l'état et à la nature des éléments existants. En tout état de cause ces éléments sont indispensables pour évaluer le coût de la réhabilitation de l'immeuble déclaré insalubre. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les travaux à engager pour mettre fin à l'insalubrité de l'immeuble seraient plus coûteux que sa reconstruction.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés par M. C..., que ce-dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 août 2014 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a déclaré insalubre de façon irrémédiable, interdit l'habitation et l'utilisation et ordonné la démolition du bâtiment A sur rue de l'immeuble situé 54 rue Pierre Brossolette à Malakoff.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées sur ce fondement par la commune de Malakoff, au demeurant irrecevables, ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de la commune de Malakoff est admise.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n°1412334 du 30 novembre 2017 et l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 7 août 2014 sont annulés.

Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Malakoff au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00359
Date de la décision : 10/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

38-01-05 Logement. Règles de construction, de sécurité et de salubrité des immeubles.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Catherine BOBKO
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : VAYSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-10;18ve00359 ?
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