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10/06/2020 | FRANCE | N°18VE00034

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 10 juin 2020, 18VE00034


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI La Bretèche et M. B... ont demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2014 par lequel le préfet de l'Essonne a déclaré dangereux l'aménagement de locaux aux fins d'habitation de l'immeuble situé 6-10 chemin du Moulin par le Bas à Champlan, a interdit définitivement ces locaux à l'habitation et prescrit une utilisation conforme des lieux et, d'autre part, de condamner le préfet de l'Essonne à verser à la SCI La Bretèche et à M. B... une somme

de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI La Bretèche et M. B... ont demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2014 par lequel le préfet de l'Essonne a déclaré dangereux l'aménagement de locaux aux fins d'habitation de l'immeuble situé 6-10 chemin du Moulin par le Bas à Champlan, a interdit définitivement ces locaux à l'habitation et prescrit une utilisation conforme des lieux et, d'autre part, de condamner le préfet de l'Essonne à verser à la SCI La Bretèche et à M. B... une somme de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'arrêté en litige, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros à verser à la SCI et à M. B... au titre des frais de justice.

Par un jugement n° 1406708 du 14 novembre 2017, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 janvier 2018 et 25 février 2020, la SCI La Bretèche et M. C... B..., représentés par Me Mammar, avocat, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de condamner le préfet de l'Essonne à verser une somme de 100 000 euros à la SCI La Bretèche et une somme de 100 000 euros à M. B..., en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros à verser à la SCI La Bretèche et à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'arrêté du 10 juillet 2014 méconnaît le principe du contradictoire et les droits de la défense, posés par les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté en litige est entaché de plusieurs erreurs de fait ;

- il a été pris en violation du permis de construire qui avait été délivré à la SCI La Bretèche par l'arrêté municipal n° PC91113605P1021 du 27 juin 2006 ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que l'environnement extérieur du bâtiment ne présente aucun risque ;

- il est constitutif d'un détournement de pouvoir et porte atteinte à la liberté individuelle et au droit de propriété ;

- l'injonction qu'il porte est disproportionnée, dès lors que le préfet pouvait prendre une interdiction d'habiter temporaire et ordonner qu'il soit mis un terme aux désordres observés ;

- la décision de suspendre l'électricité sur le site en litige a été prise sur le fondement de l'arrêté en litige, qui est, par suite, à l'origine d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- cette faute a causé un dommage matériel à la SCI, évalué à 100 000 euros, ainsi qu'un dommage moral à M. B..., également évalué à la somme de 100 000 euros.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de l'Essonne a, par un arrêté du 10 juillet 2014, après avoir pris en compte le rapport établi par l'agence régionale de santé le 14 mai 2014 et l'avis de la commission départementale de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques du 19 juin 2014, déclaré dangereux l'aménagement des locaux aux fins d'habitation situés 6-10 chemin du Moulin par le Bas à Champlan, interdit définitivement ces locaux à l'habitation et prescrit une utilisation conforme aux lieux. La SCI La Bretèche, propriétaire des locaux, et M. B..., qui en est le gérant et associé, font appel du jugement du 14 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté en litige et à ce que l'Etat soit condamné à réparer les préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, auquel se sont substitués à compter du 1er janvier 2016 les articles L. 121-1, L. 121-2 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique. / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : / 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; / 2° Lorsque leur mise en oeuvre serait de nature à compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales ; / 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière. [...] ".

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, par un courrier du 27 mai 2014, le préfet de l'Essonne a informé la SCI La Bretèche et son gérant M. B... de ce qu'à la suite de l'enquête de salubrité réalisée, il apparaissait que deux de leurs logements et quatre bureaux occupés " sont justifiables de la procédure prévue par l'article L. 1331-24 du code de la santé publique relatif aux locaux dangereux en raison de l'utilisation qui en est faite ". Le courrier précisait, en outre, que les locaux visités présentaient " un danger pour la santé et la sécurité des occupants en raison de leur aménagement dans un hangar destiné à des activités industrielles ", et laissait la possibilité aux requérants de faire parvenir leurs remarques à destination de la commission départementale de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST). Si les requérants soutiennent ne pas avoir reçu ce courrier, il résulte de l'instruction qu'il leur a été envoyé avec accusé de réception qui a été retourné à l'administration avec la mention " pli avisé et non réclamé ". En outre, si la SCI La Bretèche et M. B... soutiennent qu'ils n'ont pas eu la possibilité de présenter utilement leurs observations dès lors que le rapport de l'agence régionale de santé ne leur a pas été transmis et qu'ils n'ont pu présenter des observations orales devant la CODERST, il résulte de l'instruction que les requérants n'ont pas demandé à consulter ce rapport ou à présenter des observations orales devant cette commission. Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit l'information du propriétaire des locaux d'une visite par des agents de l'agence régionale de santé préalablement à la rédaction d'un rapport. Enfin, les requérants ne soutiennent, ni même n'allèguent avoir demandé communication du procès-verbal de la CODERST, dont la communication automatique n'est prévue par aucune disposition législative ou réglementaire. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet aurait méconnu le principe du contradictoire et des droits de la défense.

4. En second lieu, si les requérants se prévalent des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de libertés fondamentales, l'arrêté du préfet déclarant un immeuble dangereux, interdisant son occupation à fin d'habitation et prescrivant une utilisation conforme des lieux ne constitue pas une sanction et n'est pas pris au terme d'une procédure judiciaire. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

5. Aux termes de l'article L. 1331-24 du code de la santé publique : " Lorsque l'utilisation qui est faite de locaux ou installations présente un danger pour la santé ou la sécurité de leurs occupants, le représentant de l'Etat dans le département, après avis de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires ou technologiques, peut enjoindre à la personne qui a mis ces locaux ou installations à disposition ou à celle qui en a l'usage de rendre leur utilisation conforme aux prescriptions qu'il édicte dans le délai qu'il fixe. / Les dispositions de l'article L. 521-2 du code de la construction et de l'habitation sont applicables aux locaux visés par l'injonction. / Si l'injonction est assortie d'une interdiction temporaire ou définitive d'habiter, la personne ayant mis ces locaux à disposition est tenue d'assurer l'hébergement ou le relogement des occupants dans les conditions prévues par l'article L. 521-3-1 du même code ; à défaut, les dispositions de l'article L. 521-3-2 sont applicables. / S'il n'est pas satisfait à l'injonction dans le délai fixé, le représentant de l'Etat dans le département prend, aux frais de la personne à laquelle elle a été faite, toutes mesures nécessaires pour ce faire. La créance de la collectivité publique est recouvrée comme en matière de contributions directes. ".

6. Le préfet de l'Essonne a, pour fonder l'arrêté en litige, notamment, considéré que la partie du bâtiment affectée à l'habitation présentait de nombreux désordres et que la partie affectée à un usage industriel et commercial représentait un environnement extérieur dangereux pour les occupants des logements et des bureaux aménagés en chambres, du fait de la présence de certains matériaux et outils mais également de l'absence d'entretien régulier des locaux. Ces différents éléments sont étayés par le rapport de l'agence régionale de santé du 12 mai 2014, mais également par le rapport de l'inspection des installations classées du 8 octobre 2013.

7. En premier lieu, si les requérants allèguent que le logement occupé par Mme D... depuis août 2010 ne présente aucun risque pour la santé et la sécurité, que les bureaux qui étaient habités au moment de la procédure ne font plus l'objet d'une occupation irrégulière dans des conditions dangereuses et que le bâtiment et les équipements intérieurs sont aujourd'hui régulièrement entretenus et qu'il n'y a pas de débris de verre, de stockage de matériaux combustibles, de déjections d'animaux ou d'épaves automobiles sur le site, ils ne produisent aucun élément de nature à établir la véracité de leurs allégations. En outre, s'ils soutiennent avoir fait cesser " l'utilisation irrégulière, ponctuelle et isolée de trois ou quatre bureaux comme chambres du fait de [leur]s locataires commerciaux ", ces affirmations, qui ne sont étayées par aucun document, sont contredites par le jugement du tribunal de grande instance d'Evry du 7 juin 2016 et l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 mars 2018, qui ont été confirmés par la cour de cassation. Par ailleurs, la seule circonstance que le bâtiment en litige ait été qualifié de " hangar " par le préfet de l'Essonne, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige, dès lors que cette seule qualification, à la supposer erronée, n'a pas servi de fondement à l'édiction de l'arrêté attaqué. Enfin, si les requérants soutiennent que l'environnement extérieur du bâtiment ne pouvait être regardé comme dangereux pour les occupants des logements, dès lors notamment que les appartements disposent d'un accès piéton indépendant et que les matériels ou solvants sont éloignés des habitations, ils ne produisent aucun élément au soutien de leurs allégations. Le rapport de la société BURGEAP, missionnée par la SCI La Bretèche, ne constituant qu'un diagnostic environnemental du milieu souterrain, à partir d'investigations sur les sols et les eaux souterraines, ses conclusions sont, par suite, sans incidence sur l'appréciation portée par le préfet sur la dangerosité de l'environnement extérieur du bâtiment, qui ne portait pas sur la pollution des sols et sous-sols. Au demeurant, la synthèse technique de ce rapport préconise " en complément de cette étude, compte tenu de la présence concomitante d'activité industrielle (RDC) et d'habitation (1er étage) dans le même bâtiment (hors périmètre d'étude) [...] la vérification des conditions d'hygiène et de sécurité ". Par suite, les moyens tirés de l'inexactitude matérielle des faits et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché l'arrêté du préfet de l'Essonne du 10 juillet 2014 doivent être écartés.

8. En deuxième lieu, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, la circonstance que la mairie de Champlan a délivré un permis de construire à la SCI La Bretèche le 27 juin 2006 l'autorisant à procéder à des travaux de transformation du bâtiment pour y accueillir des ateliers d'artistes, des commerces et des logements ne fait pas obstacle à ce que le préfet, sur le fondement des pouvoirs de police qu'il tient des dispositions des articles L. 1331-22 et suivants du code de la santé publique, interdise l'affectation de l'immeuble à un usage d'habitation, eu égard aux risques qu'il présente en termes de santé et de sécurité pour ses habitants. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige aurait été pris en méconnaissance du permis de construire délivré en 2006 doit être écarté.

9. En troisième lieu, si les requérants soutiennent que l'arrêté en litige est entaché de détournement de pouvoir et porte atteinte à la liberté individuelle et à la propriété, ces moyens ne sont pas assortis des précisions suffisantes permettant d'en apprécier la portée et le bien-fondé. Ils ne peuvent, par suite, qu'être écartés.

10. En dernier lieu, à supposer même que des travaux d'aménagement auraient permis d'améliorer les logements et de mettre un terme aux désordres observés, cette circonstance est sans incidence sur la dangerosité de l'environnement extérieur immédiat de ces logements en termes de santé et de sécurité pour leurs habitants. Par suite, le moyen tiré de ce que l'interdiction définitive de ces locaux à usage d'habitation prononcée par le préfet de l'Essonne serait disproportionnée doit être écartée.

11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par la SCI La Bretèche et M. B... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

12. Si les requérants demandent à être indemnisés des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'arrêté en litige, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que l'arrêté du préfet de l'Essonne du 10 juillet 2014 n'est entaché d'aucune illégalité. Au demeurant, cet arrêté ne comporte aucune injonction à suspendre l'électricité sur le site. Au surplus, les requérants n'établissent pas les préjudices dont ils se prévalent. Les conclusions indemnitaires présentées par la SCI La Bretèche et M. B... ne peuvent donc qu'être rejetées.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI La Bretèche et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Essonne du 10 juillet 2014 et la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'ils estiment avoir subis. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées, tout comme, en tout état de cause, celles tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI La Bretèche et de M. B... est rejetée.

N°18VE00034 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00034
Date de la décision : 10/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03-02 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Catherine BOBKO
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : MAMMAR

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-10;18ve00034 ?
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