Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux demandes distinctes, la SARL Les Délices de Portes aux Saints a sollicité auprès du tribunal administratif de Versailles l'annulation de l'arrêté du 13 décembre 2016 par lequel le maire de Mantes-la-Jolie a prononcé la fermeture de son établissement et la condamnation de cette commune à lui verser la somme de 197 780,75 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de cet arrêté.
Par un jugement n° 1700193, 1704382 du 22 décembre 2017, le tribunal administratif de Versailles, après avoir joint ces deux demandes, a annulé l'arrêté du maire de Mantes-la-Jolie du 13 décembre 2016 et rejeté la demande à fin d'indemnisation.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 15 février 2018 et le 4 décembre 2019, la SARL Les Délices de Portes aux Saints, représentée par Me Taron, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement portant rejet de ses conclusions indemnitaires ;
2°) de condamner la commune de Mantes-la-Jolie à lui verser la somme de 197 780,75 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 13 décembre 2016, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable, avec capitalisation annuelle de ceux-ci ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Mantes-la-Jolie la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- sa requête est recevable ;
- l'arrêté du maire de Mantes-la Jolie du 13 décembre 2016 a été pris par une autorité incompétente ;
- cet arrêté n'a pas été précédé de la communication des griefs retenus par son auteur ;
- il était, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, insuffisamment motivé ;
- il reposait sur des faits matériellement inexacts ;
- il était entaché d'une erreur d'appréciation et présentait un caractère disproportionné au regard des manquements constatés ;
- ces différentes illégalités fautives lui ont directement causé un préjudice économique lié à la perte d'un bénéfice net d'exploitation de son établissement, jusqu'à sa réouverture en exécution de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Versailles du 27 février 2017 suspendant l'exécution de l'arrêté en litige ;
- elles lui ont causé un préjudice financier distinct, tenant à la destruction des marchandises et denrées alimentaires à laquelle les forces de l'ordre ont procédé et fait procéder ;
- elles lui ont causé un préjudice d'image en portant atteinte au renom de l'établissement qu'elle venait alors d'inaugurer ;
- elles lui ont causé, en outre, des troubles dans ses conditions d'existence ;
- elles ont, enfin, causé un préjudice moral à son gérant.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la consommation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, d'exposer des conclusions à l'audience, en application de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Le rapport de M. Illouz, conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Les Délices de Portes aux Saints, qui exerce une activité de vente de nourriture à emporter à Mantes-la-Jolie (Yvelines), a fait l'objet d'un contrôle d'hygiène et de salubrité diligenté par les services municipaux, à l'issue duquel sa fermeture administrative a été prononcée par un arrêté du maire de Mantes-la-Jolie du 13 décembre 2016. Par une première demande, cette société a sollicité du tribunal administratif de Versailles l'annulation de cet arrêté. Par une seconde demande, elle a sollicité la condamnation de la commune à réparer les préjudices ayant résulté de la fermeture de son établissement, jusqu'à sa réouverture en exécution d'une ordonnance du juge des référés de ce tribunal du 27 février 2017. La SARL Les Délices de Portes aux Saints fait appel du jugement du 22 décembre 2017 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Versailles, après avoir joint les affaires et annulé l'arrêté municipal du 13 décembre 2017, a rejeté sa demande à fin d'indemnisation.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
2. Si l'intervention d'une décision illégale peut constituer une faute susceptible d'engager la responsabilité de la collectivité publique, elle ne saurait donner lieu à réparation si, selon des formes et dans le cas d'une procédure régulières, la même décision aurait pu légalement être prise.
3. L'arrêté du 13 décembre 2016 par lequel le maire de Mantes-la-Jolie a prononcé la fermeture de l'établissement exploité par la SARL Les délices de Portes aux Saints a été annulé par le tribunal administratif de Versailles, dont le jugement est revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée sur ce point, pour insuffisance de motivation. Toutefois, ni ce moyen tiré d'un vice de forme, ni aucun autre des moyens de légalité externe invoqués par l'appelante ne sont de nature à lui ouvrir droit à réparation du préjudice qui aurait résulté pour elle de l'illégalité de la décision litigieuse.
4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'agent de police municipale du 6 décembre 2016, auquel étaient jointes, contrairement à ce qui est soutenu, de nombreuses photographies, que la visite au sein de l'établissement exploité par la SARL Les Délices de Portes aux Saints a révélé une absence de produit bactéricide, de produit détersif, de récipient à couvercle pour les déchets alimentaires et de thermomètres dans le réfrigérateur et le congélateur. Ces absences doivent ainsi être tenues pour établies en dépit des dénégations vagues et peu circonstanciées de l'appelante. Il résulte également de l'instruction que cette visite a révélé, en outre, d'autres manquements dont la matérialité n'est pas contestée, tels que l'absence de registre pour le relevé des températures journalières des congélateurs et réfrigérateurs, du plan de nettoyage et de désinfection des locaux, de moyen de séchage réglementaire pour les ustensiles de cuisine, d'essuie-main à usage unique, de récipient à couvercle pour les essuie-mains, ainsi qu'un état de saleté de la surface du sol, la présence de produits d'entretien au contact des aliments, une température de congélation des aliments trop froide, des aliments dépourvus de protection individuelle, une absence de traçabilité et de date de conservation des produits stockés, la présence d'un seau d'eau usagée proche du congélateur, une fuite d'eau sous l'évier à proximité des prises électriques, un désordre parmi les produits destinés à la vente et ceux personnellement détenus par les employés, des vêtements personnels accrochés sur un porte-manteau dans le laboratoire, une absence de sanitaires dans le local commercial, un local libre d'accès depuis un couloir menant à des habitations privées, une absence d'accessibilité de l'établissement aux personnes à mobilité réduite, ou encore des branchements d'appareils sur plusieurs prises électriques. Au regard de la multiplicité de ces manquements, mais également de la nature de certains d'entre eux, propres à compromettre directement les conditions d'hygiène de confection et de conservation des denrées alimentaires vendues et ainsi à faire courir un risque sanitaire aux clients de l'établissement, et de l'absence d'autorisation délivrée à la société appelante pour cet établissement au titre de la législation régissant les établissements recevant du public, le maire de Mantes-la-Jolie n'avait pas pris une mesure disproportionnée au regard des buts de préservation de la santé et la salubrité publiques poursuivis en ordonnant sa fermeture jusqu'à l'obtention d'un avis favorable du service communal d'hygiène et de santé ainsi que d'une attestation de conformité électrique de l'installation. Dès lors, son arrêté, bien qu'entaché d'une insuffisance de motivation et annulé pour ce motif par les premiers juges, était justifié au fond et aurait légalement pu être pris dans des formes régulières. Par suite, cette seule illégalité externe fautive n'est pas de nature à engager, dans les circonstances de l'espèce, la responsabilité de la commune de Mantes-la-Jolie.
5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, la SARL Les Délices de Portes aux Saints n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande à fin d'indemnisation.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Mantes-la Jolie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SARL Les Délices de Portes aux Saints demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette société une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Mantes-la-Jolie sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Les Délices de Portes aux Saints est rejetée.
Article 2 : La SARL Les Délices de Portes aux Saints versera à la commune de Mantes-la-Jolie une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 18VE00561