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19/05/2020 | FRANCE | N°19VE02153

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 19 mai 2020, 19VE02153


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 6 août 2018 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a demandé la restitution de sa carte d'identité et de son passeport français.

Par un jugement n° 1809653 du 7 mai 2019, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juin 2019, Mme B... C..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1° d'annule

r le jugement susmentionné ;

2° d'annuler la décision du 6 août 2018 par laquelle le préfet de la Se...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 6 août 2018 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a demandé la restitution de sa carte d'identité et de son passeport français.

Par un jugement n° 1809653 du 7 mai 2019, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juin 2019, Mme B... C..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement susmentionné ;

2° d'annuler la décision du 6 août 2018 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a demandé la restitution de sa carte d'identité et de son passeport français ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme C... soutient que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur la conformité de l'article 1er de l'ordonnance du 21 juillet 1962 avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'article 1er de l'ordonnance du 21 juillet 1962 étant contraire aux stipulations de l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, son application doit être écartée ;

- la charge de la preuve de contestation de la nationalité relève du préfet ;

- la décision en litige méconnaît l'article 21-7 du code civil ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de la Conférence des Nations Unies.

Vu le jugement attaqué.

..................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de la conférence des Nations Unies sur la réduction des cas d'apatrides du 30 août 1961 ;

- le code civil ;

- la loi n° 66-945 du 20 décembre 1966 ;

- l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 ;

- le décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955 ;

- le décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Bobko, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 6 août 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis a demandé à Mme C..., née le 20 juillet 1957 à Coubron (93) de parents ressortissants d'Algérie, de se présenter en préfecture afin de restituer sa carte nationale d'identité et son passeport, au motif qu'elle n'établissait pas avoir conservé la nationalité française à l'indépendance de l'Algérie en 1962, soit de plein droit si l'un de ses parents relevait du statut civil de droit commun, soit par une souscription de nationalité française s'ils étaient de statut civil de droit local. Par la présente requête, Mme C... relève appel du jugement du 7 mai 2019 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant l'annulation de la décision susmentionnée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si Mme C... soutient que les premiers juges auraient omis de statuer sur la conformité de l'article 1er de l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 avec l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ressort des pièces du dossier que ce moyen n'avait pas été soulevé en première instance. En outre, et contrairement à ce que soutient la requérante, un tel moyen tiré de l'inconventionnalité d'une disposition législative ou réglementaire n'est pas d'ordre public et ne doit pas être soulevé d'office par le juge. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'omission à statuer des premiers juges doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. D'une part, aux termes de l'article 2 du décret du 22 octobre 1955 instituant la carte nationale d'identité : " la carte nationale d'identité est délivrée sans condition d'âge à tout Français qui en fait la demande. ". Et aux termes de l'article 4 du décret du 30 décembre 2005 relatif aux passeports " le passeport est délivré, sans condition d'âge, à tout Français qui en fait la demande. ".

4. La délivrance d'un passeport ou d'une carte nationalité d'identité présente un caractère purement recognitif et ne crée, par elle-même, aucun droit à la nationalité française en faveur du titulaire de ces documents. Pour l'application de ces dispositions, il appartient aux autorités administratives de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que les pièces produites à l'appui d'une demande de passeport ou d'une carte nationale d'identité sont de nature à établir l'identité et la nationalité du demandeur. Un doute suffisant sur l'identité ou la nationalité de l'intéressé peut justifier le refus de délivrance ou de renouvellement de carte d'identité ou de passeport ou une demande de restitution de ces mêmes documents.

5. D'autre part, l'ordonnance n° 62-821 du 21 juillet 1962 relatives à certaines dispositions concernant la nationalité française prise en application de la loi n° 62-421 du 13 avril 1962 dispose en son article 1 que : " les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l'annonce officielle des résultats du scrutin d'autodétermination conservent la nationalité française quelle que soit leur situation au regard de la nationalité algérienne " et en son article 2 que : " les personnes de statut civil de droit local originaires ainsi que leurs enfants peuvent, en France, se faire reconnaître la nationalité française selon les dispositions du titre VII du code de la nationalité française. ". Enfin, le 2ème alinéa de l'article 1er de la loi du 20 décembre 1966 modifiant l'ordonnance du 21 juillet 1962 relative à certaines dispositions concernant la nationalité française prévoit que : " les personnes de statut de droit local originaires d'Algérie qui n'ont pas souscrit à cette date la déclaration prévue à l'article 152 du code de la nationalité sont réputées avoir perdu la nationalité française au 1er janvier 1963. ".

6. Mme C... soutient, en premier lieu, que la décision en litige est illégale dès lors qu'elle fait application de l'article 1er de l'ordonnance du 21 juillet 1962, qui accorde le maintien de la nationalité française aux Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l'indépendance, et introduit une discrimination prohibée par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, qui stipule que : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale , la fortune, la naissance ou toute autre situation ". Toutefois, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-discrimination résultant de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement soulevé indépendamment de l'invocation du droit ou de la liberté garantie par la convention dont la jouissance serait affectée par la discrimination alléguée. Par suite, il doit être écarté comme inopérant.

7. La requérante soutient, en deuxième lieu, qu'il appartient au préfet qui conteste sa qualité de Française d'apporter la preuve qu'elle ne serait pas française, en application des dispositions de l'article 30 du code civil qui dispose que : " La charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause. / Toutefois, cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants. ". Toutefois, il résulte de ces dispositions que le renversement de la charge de la preuve n'est prévu que dans le cas où l'intéressé est titulaire d'un certificat de nationalité française. En l'espèce, Mme C... n'a pas produit de certificat de nationalité française en vue d'établir sa qualité de Française. Le moyen tiré de ce qu'il appartient au préfet d'apporter la preuve qu'elle ne serait pas française manque en droit.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 44 du code de la nationalité française applicable avant le 23 juillet 1993 : " Tout étranger né en France de parents étrangers peut, à partir de l'âge de seize ans et jusqu'à l'âge de vingt et un ans, acquérir la nationalité française à condition qu'il en manifeste la volonté, qu'il réside en France à la date de sa manifestation de volonté et qu'il justifie d'une résidence habituelle en France pendant les cinq années qui la précèdent. ".

9. Ces dispositions, qui ont été remplacées par les dispositions de l'article 21-7 du code civil invoquées par la requérante, régissent les conditions d'acquisition de la nationalité française des enfants mineurs nés en France de parents étrangers. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que Mme C... est née en France de parents français. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance par le préfet de ces dispositions doit être écarté comme inopérant.

10. Si la requérante invoque, en dernier lieu, la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de la Conférence des Nations Unies, il est établi que cette convention qui a été signée par la France le 31 mai 1962, n'a pas été ratifiée. Elle n'est, par suite, pas applicable en droit interne, et le moyen tiré de sa méconnaissance est inopérant.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté à fin d'annulation de la décision du 6 août 2018 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a demandé la restitution de sa carte d'identité et de son passeport français. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

2

N° 19VE02153


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19VE02153
Date de la décision : 19/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

26-01-01 Droits civils et individuels. État des personnes. Nationalité.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Alice DIBIE
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : TRAORE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-05-19;19ve02153 ?
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