Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le CITY GROUP PENSION PLAN a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, de prononcer la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française, au titre des années 2008 et 2009, à hauteur de 95 082,58 euros, et de lui accorder le bénéfice du versement des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ; à titre subsidiaire, de demander l'avis du Conseil d'Etat sur l'éventuelle contrariété de la retenue à la source prélevée sur les dividendes de source française au titre des années 2008 et 2009 à l'article 56 du Traité instituant la Communauté européenne, et de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'avis soit rendu et, à titre plus subsidiaire, de saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne d'une question préjudicielle sur l'éventuelle contrariété de la retenue à la source prélevée sur les dividendes de source française au titre des années 2008 et 2009 à l'article 56 du Traité instituant la Communauté européenne, et de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'une décision soit rendue.
Par un jugement n° 1309037 du 14 octobre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil, faisant partiellement droit à sa demande, a décidé de la restitution des retenues à la source prélevées au titre de l'année 2009, dans la limite du quantum demandé à l'appui de la réclamation préalable et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 janvier 2015, et deux mémoires enregistrés les 28 septembre 2015 et 18 février 2016, le fonds CITYGROUP PENSION PLAN, représenté par Me de Waal, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il rejette pour irrecevabilité ses conclusions tendant à la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française au titre de l'année 2008 ;
2° de prononcer la restitution des montants correspondant aux retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française au titre de l'année 2008 ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal administratif a retenu la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de sa réclamation au titre de l'année 2008, dont a fait état le rapporteur public, pour la première fois à l'audience et sans que l'administration fiscale n'en ait fait état dans ses écritures, violant ainsi le principe du contradictoire puisqu'il a dû présenter une note en délibéré afin de contester ces éléments ; pour le même motif, il a également été privé de son droit à un procès équitable ;
- sa réclamation au titre de l'année 2008 était recevable puisqu'elle a été introduite avant la date du 31 décembre 2011 qui correspond à l'expiration du délai nouveau ouvert par la décision Société Stichting Unilever Pensioenfonds Progress rendue par le Conseil d'Etat saisi d'un recours en excès de pouvoir, le 13 février 2009 sous le n° 298108, conformément à l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et au c) de l'article R. 196-1 du même livre, dans leur rédaction applicable aux décisions de justice intervenues avant le 1er janvier 2013, pour l'application desquels cette décision constitue un " évènement " ; la décision Société Rallye, ne saurait avoir la portée que lui prête l'administration, dès lors que dans cette décision, le
Conseil d'Etat conclut qu'une instruction fiscale qui ajoute illégalement à la loi n'est pas une règle de droit au sens des articles L. 190 du livre des procédures fiscales et R. 196-1 c) du même livre, alors que dans Stichting Unilever, le Conseil d'Etat censure au contraire l'absence d'une position à caractère réglementaire venant corriger une norme déficiente ; les décisions du Conseil d'Etat SA Canal+, 17 avril 2015, n° 373650 et Société Santander Asset Management SGIIC SA et autres, du 23 mai 2011, n° 344678 à 344687, mentionnent certes que " seules les décisions de la CJUE retenant une interprétation du droit de l'Union qui révèle directement une incompatibilité avec ce droit d'une règle applicable en France, sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un tel évènement, au sens et pour l'application de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales (...) ", mais que cet adverbe " directement " ne doit pas être compris trop strictement car il serait détourné de son objectif qui est de permettre la pleine application de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ;
- les instructions qui ne sont pas interprétatives et se bornent à rappeler l'état du droit positif entrent dans le champ d'application de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, ainsi que l'a affirmé le Conseil d'Etat dans sa décision Chauderlot du 2 juin 2006, n° 275416 ; or dans la décision Stichting Unilever, l'instruction en cause n'était en aucun cas interprétative et ne faisait que rappeler le principe de la retenue à la source prévu à l'article 119 bis 2 du code général des impôts ;
- sur le fond : les retenues à la source doivent lui être restituées dès lors que sa gestion est désintéressée, qu'il est géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation et, enfin, qu'il n'entretient pas de relation privilégiée avec des entreprises et pas davantage de relations de concurrence ; à cet effet il rappelle le principe de fonctionnement d'un fonds de pension américain, géré par un trustee auquel il est légalement interdit de tirer profit de la gestion des actifs du fonds.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2015 et un mémoire enregistré le 22 janvier 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le requérant a eu la possibilité de faire valoir ses arguments à l'encontre de la tardiveté soulevée par le rapporteur public à l'audience, au moyen d'une note en délibéré : le contradictoire a ainsi été respecté au sens de la jurisprudence CCI d'Angoulême du
19 avril 2013, n° 340093 ;
- la décision Stichting Unilever, qui annule pour excès de pouvoir les instructions fiscales 4-J-1-05 du 25 février 2005 et 4-J-2-05 du 28 avril 2005, n'a pas constaté la
non-conformité du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts au principe de libre circulation des capitaux ;
- sur le fond : l'appelant ne justifie pas qu'il remplit les critères cumulatifs requis pour bénéficier de la neutralisation de la retenue à la source qu'il sollicite, lesquels exigent que sa gestion soit désintéressée, qu'il soit géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation et, enfin, qu'il n'entretienne pas de relation privilégiée avec des entreprises et pas davantage de relations de concurrence.
Par un arrêt n°15VE00220 du 7 juin 2016, la Cour a partiellement annulé le jugement pour irrégularité, et rejeté la demande et le surplus des conclusions de la requête du
CITY GROUP PENSION PLAN tendant à la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source français perçus au cours de l'année 2008.
Procédure devant le Conseil d'Etat :
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 6 octobre 2016 et le 6 janvier 2017, le CITIGROUP PENSION PLAN a demandé au
Conseil d'État l'annulation de cet arrêt et le règlement au fond du litige.
Par un mémoire enregistré le 19 avril 2018, le ministre de l'action et les comptes publics s'en remet à la sagesse du Conseil d'État.
Par une ordonnance n°404160 du 29 août 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour, où elle a été réenregistrée sous le n° 18VE03038.
Procédure après renvoi :
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité instituant la Communauté européenne ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Soyez, président-assesseur ;
- et les conclusions de Mme Bobko, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le CITYGROUP PENSION PLAN (ci-après le TRUST) relève appel du jugement du Tribunal administratif de Montreuil en date du 14 octobre 2014 en tant qu'il n'a pas prononcé la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française qu'il a perçus au titre de l'année 2008.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué ".
3. Il est constant que le rapporteur public a soulevé pour la première fois au cours de l'audience la question de la recevabilité de la demande de première instance relative à la restitution des retenues à la source en 2008, au regard de l'expiration du délai de réclamation, résultant de la date d'intervention de la décision du Conseil d'Etat du 13 février 2009 " Société Stichting Unilever Pensioenfonds Progress et autres " et de la qualification de cette décision au sens des dispositions du c) de la première partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales. Eu égard aux exigences de la procédure contradictoire, le tribunal administratif, en se fondant, pour cette partie du litige qui lui était soumis, sur une question sur laquelle les parties n'avaient pas été mises à même de débattre avant la clôture de l'instruction, a entaché son jugement d'irrégularité. Ce jugement doit par suite être annulé, dans cette mesure.
4. Par suite, il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande tendant à la restitution de retenues à la source pour l'année 2008.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la recevabilité des conclusions tendant à la restitution des retenues à la source en 2008 :
5. S'agissant des décisions et avis rendus au contentieux, notamment, par le
Conseil d'État, seuls ceux qui révèlent directement l'incompatibilité avec une règle de droit supérieure de la règle de droit dont il a été fait application pour fonder l'imposition en litige sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un événement au sens du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ainsi que de la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application de l'article L. 190 du même livre. Une décision ou un avis qui se borne à retenir une interprétation des dispositions du droit de l'Union ou du droit national dont il a été fait application pour fonder l'imposition contestée différente de celle jusqu'alors formellement admise par l'administration dans ses instructions, ne peut constituer le point de départ de ce délai et de cette période, dès lors que l'imposition ne saurait être fondée sur l'interprétation de la loi fiscale que l'administration exprime dans ses instructions. Il peut toutefois en aller autrement lorsque l'instruction fiscale, dont l'illégalité a été révélée par une décision du Conseil d'État statuant au contentieux sur un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une instruction ou le refus de l'abroger, n'ajoute pas à la loi fiscale mais se borne à réitérer les termes de cette loi dont il a été fait application pour fonder l'imposition dont la restitution est demandée et que cette décision révèle alors directement la non-conformité de cette loi à une règle de droit supérieur au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales.
6. Par la décision déjà mentionnée " Société Stichting Unilever Pensionenfonds Progress et autres ", le Conseil d'État statuant au contentieux a annulé le refus d'abroger les instructions fiscales 4 J - 1 - 05 du 25 février 2005 et 4 J - 2 - 05 du 28 avril 2005, qui se bornait à tirer les conséquences de la suppression de l'avoir fiscal et à prescrire l'application du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, en tant qu'elles ne prévoyaient pas de neutraliser l'application de la retenue à la source prévue par les dispositions de cet article au paiement de dividendes de sociétés françaises à des organismes tels que des fonds de pension étrangers qui seraient en mesure d'apporter la preuve qu'ils pourraient bénéficier, s'ils étaient établis en France, de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévues au C du 5 de l'article 206 du même code, au motif que l'application de cette retenue à la source constitue une restriction à la liberté de circulation des capitaux prohibée par l'article 56 du traité instituant la communauté européenne. Ainsi, cette décision constitue le point de départ du délai et de la période mentionnée au paragraphe précédent. Par suite, ni au regard des dispositions de l'article R 196 -1 du livre des procédures fiscales ni au regard de celles de l'article L 190 du même livre, le délai de réclamation n'était expiré le 29 décembre 2011, date à laquelle le requérant a introduit sa réclamation contre les retenues à la source sur les dividendes perçus au cours des années 2008 et 2009. Contrairement à ce qu'objecte l'administration, les conclusions de la demande du TRUST tendant à la restitution des retenues à la source au titre de l'année 2008 présentées devant le Tribunal administratif de Montreuil le 14 octobre 2014, en l'absence de décision expresse de l'administration dans les six mois, sont dès lors recevables.
En ce qui concerne l'atteinte à la libre circulation des capitaux :
7. D'une part, aux termes du 1 de l'article 56 du Traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 63 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) Toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites ". Aux termes de l'article 58 du même traité, devenu l'article 65 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. L'article 56 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les Etats membres : a. d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis ; b. de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale (...) 3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l'article 56 ". Si ces stipulations n'imposent pas aux Etats membres qu'un organisme reconnu sans but lucratif dans son Etat d'origine bénéficie automatiquement de la même reconnaissance sur leur territoire, le pouvoir d'appréciation dont disposent les Etats membres doit s'exercer conformément au droit de l'Union européenne. En outre il appartient à chaque Etat membre d'organiser, dans le respect du droit de l'Union, son système d'imposition des bénéfices distribués. Lorsqu'une réglementation fiscale nationale établit un critère de distinction pour l'imposition des revenus de capitaux mobiliers, l'appréciation de la comparabilité des situations doit être effectuée en tenant compte dudit critère. La Cour de justice de l'Union européenne a précisé à cet égard dans l'arrêt du 10 mai 2012 " Santander Asset Management SGIIC et autres " (338/11 à 347/11) que seuls les critères de distinction pertinents établis par la réglementation en cause doivent être pris en compte aux fins d'apprécier si la différence de traitement résultant d'une telle réglementation reflète une différence de situation objective.
8. D'autre part, aux termes de l'article 206 du code général des impôts : " 5. Sous réserve des exonérations prévues aux articles 1382 et 1394, les établissements publics, autres que les établissements scientifiques, d'enseignement et d'assistance, ainsi que les associations et collectivités non soumis à l'impôt sur les sociétés en vertu d'une autre disposition sont assujettis audit impôt en raison : (...) c. Des revenus de capitaux mobiliers dont ils disposent, à l'exception des dividendes des sociétés françaises, lorsque ces revenus n'entrent pas dans le champ d'application de la retenue à la source visée à l'article 119 bis ; ces revenus sont comptés dans le revenu imposable pour leur montant brut (...) ". Aux termes de l'article 207 du même code : " 1. Sont exonérés de l'impôt sur les sociétés : (...) 5° bis. Les organismes sans but lucratif mentionnés au 1° du 7 de l'article 261, pour les opérations à raison desquelles ils sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée ". Aux termes de l'article 261 du même code : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 7. 1° b) Les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des oeuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l'autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient. (...) d. Le caractère désintéressé de la gestion résulte de la réunion des conditions ci-après : L'organisme doit, en principe, être géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation. Toutefois, lorsqu'une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association (...), une fondation reconnue d'utilité publique ou une fondation d'entreprise décide que l'exercice des fonctions dévolues à ses dirigeants justifie le versement d'une rémunération, le caractère désintéressé de sa gestion n'est pas remis en cause si ses statuts et ses modalités de fonctionnement assurent sa transparence financière, l'élection régulière et périodique de ses dirigeants, le contrôle effectif de sa gestion par ses membres et l'adéquation de la rémunération aux sujétions effectivement imposées aux dirigeants concernés ; cette disposition s'applique dans les conditions suivantes : (...) un tel organisme peut rémunérer trois de ses dirigeants si le montant annuel de ses ressources, majorées de celles des organismes qui lui sont affiliés et qui remplissent les conditions leur permettant de bénéficier de la présente disposition, hors ressources issues des versements effectués par des personnes morales de droit public, est supérieur à 1 000 000 € en moyenne sur les trois exercices clos précédant celui pendant lequel la rémunération est versée ; un tel organisme peut verser des rémunérations dans le cadre de la présente disposition uniquement si ses statuts le prévoient explicitement et si une décision de son organe délibérant l'a expressément décidé à la majorité des deux tiers de ses membres ; (...) le montant de toutes les rémunérations versées à chaque dirigeant au titre de la présente disposition ne peut en aucun cas excéder trois fois le montant du plafond visé à l'article L 241-3 du Code de la sécurité sociale ". S'agissant d'organismes de droit étranger, dont le régime, tel celui des " trusts qualifiés " américains gérant des fonds de pension, présente des spécificités que ne connaît pas le droit français et dont le législateur n'a pas pu ainsi tenir compte dans la définition qu'il a donnée des organismes mentionnés au troisième alinéa du d du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts, leur gestion doit être regardée comme désintéressée, si la rémunération versée à leurs dirigeants et le nombre de ceux-ci ne sont pas, eu égard aux sujétions qui leur sont imposées et compte tenu des règles spécifiques auxquelles les organismes sont soumis dans leur Etat de résidence, disproportionnés par rapport aux limites mentionnées
ci-dessus.
9. Il résulte de l'instruction que le TRUST a été créé par la société Citigroup Incoporated pour la gestion de plans de retraites de ses salariés, plans qui sont abondés par cette société et par les cotisations de ses salariés, et que l'administration de ce trust a été confiée, par un accord en date du 1er janvier 2006 à un trustee, la State Street Bank and Trust Company. L'administration ne conteste ni le caractère non lucratif de l'objet statutaire du TRUST ni son mode d'exploitation sans rapport avec celui d'une entreprise commerciale. En revanche, elle met en doute le caractère désintéressé de sa gestion. A cet effet, elle fait valoir que la circonstance que le TRUST soit " qualifié " au sens de la section 401 (a) de l'Internal Revenue Code, ne suffit pas à elle seule à établir sa gestion désintéressée au regard des dispositions précitées de la loi fiscale française. Elle relève que le TRUST ne fournit pas d'informations claires et suffisantes permettant de déterminer, d'une part, la responsabilité de ses différents acteurs, l'identité de ses dirigeants, l'absence de rémunération de ces derniers, d'autre part, au cas où ils seraient rémunérés, l'adéquation de leurs rémunérations à leurs responsabilités, les conditions de leur désignation et d'exercice de leurs fonctions.
10. Aux termes de l'article 403 (a) de l'Employee Retirement Income Security Act (ERISA) : " Le plan prévoit expressément que le trust ou les trustees sont soumis à la direction d'un named fiduciary, qui n'est pas un trustee, auquel cas le ou les trustees sont soumis aux directives de ce named fiduciary qui sont données conformément aux modalités prévue s par le plan qui ne sont pas contraires à ce chapitre ". Il résulte de ces dispositions que le trustee n'est que le gestionnaire du trust, sous l'autorité d'un " named fiduciary ", qui est, en l'espèce, la société, ce que confirment dans la présente affaire les stipulations de l'accord du
1er janvier 2006. Selon ces stipulations, le trustee n'agit que sur directives et selon les instructions de ce " named fiduciary ", tant dans ses fonctions propres que dans ses relations avec les opérateurs sur les marchés, les " investment managers ". S'il s'est conformé aux directives de ce dernier, il est exonéré de toute responsabilité. Comme le soutient expressément le TRUST, ni le trustee ni les investment managers ne peuvent donc être tenus pour son organe dirigeant. Au demeurant, quoique le montant des rémunérations versées au trustee et aux investment managers s'élève à environ en 2008 à 46,1 millions d'euros, montant sans commune mesure avec les seuils tolérés par le code général des impôts, cette rémunération ne représente que 0,5 % des actifs du plan géré - 8,7 milliards d'euros en 2008 -. Ainsi, et en tout état de cause, à supposer même que, dans certains de ses actes, le trustee puisse être regardé comme un dirigeant, comme l'estime l'administration, sa rémunération, compte tenu de l'importance des fonds gérés et de la technicité des fonctions confiées, n'apparaît pas disproportionnée.
11. En vertu des dispositions du B de l'article 1106 du Code US, reprises dans les stipulations de l'accord : " (B) Des transactions entre le plan et les personnes soumises à une obligation fiduciaire : / une personne soumise à une obligation fiduciaire ne doit pas / (1) utiliser les actifs du plan dans son propre intérêt ou pour son propre compte, / (2) intervenir à titre individuel ou à tout autre titre, à toute transaction impliquant le plan, pour le compte d'une partie dans les intérêts divers avec ceux du plan ceux de ses affiliés ou bénéficiaire, ou / (3) percevoir pour son propre compte, une quelconque rémunération émanant d'une personne agissant pour le plan et provenant d'une opération impliquant les actifs de ce plan. ". Si ces dispositions qui concernent, selon le titre de l'article, des " transactions prohibées ", ont pour objet d'interdire toute collusion entre les dirigeants du TRUST et les opérateurs proposant des placements, elles n'interdisent pas, en tant que telles, comme le fait valoir l'administration, la rémunération de ces dirigeants en cette qualité. Pareillement, l'accord entre la société City Group et le TRUST ne stipule nulle interdiction de rémunération de ces dirigeants.
12. Le TRUST expose que ses dirigeants de fait sont des salariés de la société Citygroup Incoporated, son " named fiduciary ". Pour établir l'activité bénévole de ces dirigeants, il se prévaut de l'attestation du 31 janvier 2019, de M. A..., qui s'exprime au nom du TRUST sans autre précision, selon laquelle les salariés de cette société désignés pour diriger le TRUST ne recevaient aucune rémunération de ce dernier. Cette absence de rémunération par le TRUST est confirmée par le formulaire fiscal 5500 Schedule C, qui ne recense pas ces dirigeants parmi les bénéficiaires de rémunérations. Si l'administration objecte que ces personnes sont également les bénéficiaires futurs d'une pension de retraite, et qu'ainsi ils auraient un intérêt direct dans les résultats de l'exploitation, cette circonstance ne suffit pas à conférer à la gestion du TRUST un caractère intéressé. Toutefois, comme le fait valoir l'administration, l'attestation mentionnée plus haut n'exclut pas la possibilité d'une rémunération par la société Citygroup Incoporated des dirigeants du TRUST au titre de leurs fonctions dans cette instance, ni le fait que leur salaire puisse rémunérer leur activité au service à la fois de la société et du TRUST. Dès lors que ni les contrats de travail de ces salariés de la société Citigroup Incoporated ni le montant de leurs rémunérations ne sont communiqués, il n'est pas possible d'apprécier l'objet de ces rémunérations, ni, s'il y a lieu, l'adéquation de ces rémunérations aux responsabilités des intéressés dans le TRUST. Celui-ci qui n'expose pas non plus les règles et les critères de désignation de ses dirigeants, ni les conditions d'exercice de leurs fonctions, ne satisfait pas aux exigences de transparence, qui découlent des dispositions précitées de l'article 261 du code général des impôts, en cas de rémunération des dirigeants. Dès lors, le moyen tiré du caractère désintéressé de la gestion du TRUST doit être écarté sur le terrain de la loi fiscale.
13. Il suit de là que la situation du TRUST n'est pas objectivement comparable à celle des organismes sans but lucratif français. Dans ces conditions, la différence de traitement, résultant de l'application de la retenue à la source sur les dividendes versés au TRUST par des sociétés françaises, alors que des organismes sans but lucratif français placés dans la même situation en seraient exonérés, ne porte pas atteinte à l'exercice par le TRUST de la liberté de circulation des capitaux, ni ne constitue une restriction à ladite liberté. Par suite, sans qu'il soit besoin de solliciter l'avis du Conseil d'Etat ou de saisir d'une question préjudicielle relativement à l'éventuelle contrariété de la retenue à la source prélevée sur les dividendes de source française avec l'article 56 du Traité instituant la Communauté européenne, l'application au TRUST des retenues à la source litigieuses ne méconnaît ni l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne ni l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le CITYGROUP PENSION PLAN est seulement fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a déclaré irrecevables ses conclusions en restitution de retenues à la source de l'année 2008. Par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions présentées par le CITYGROUP PENSION PLAN, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que, en tout état de cause, celles tendant au versement d'intérêts moratoires.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil n° 1309037 en date du 14 octobre 2014 est annulé en tant qu'il a rejeté comme irrecevables les conclusions du CITYGROUP PENSION PLAN en restitution de retenues à la source de l'année 2008.
Article 2 : La demande du CITYGROUP PENSION PLAN tendant à la restitution des retenues à la source de l'année 2008 et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
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18VE03038