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04/02/2020 | FRANCE | N°19VE03084

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 04 février 2020, 19VE03084


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté, en date du 3 juillet 2019, par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a prononcé son transfert aux autorités croates pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement no 1908543 du 6 août 2019, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 août 2019, M. B..., représenté par Me Tahinti, avocat, demande à la Cour

:

1° de prononcer son admission provisoire à l'aide juridictionnelle ;

2° d'annuler le jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté, en date du 3 juillet 2019, par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a prononcé son transfert aux autorités croates pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement no 1908543 du 6 août 2019, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 août 2019, M. B..., représenté par Me Tahinti, avocat, demande à la Cour :

1° de prononcer son admission provisoire à l'aide juridictionnelle ;

2° d'annuler le jugement attaqué ;

3° d'annuler l'arrêté en litige ;

4° d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de l'examen de sa demande d'asile ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de 24 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5° de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut de motivation, alors que la réglementation européenne prévoit une information du demandeur sur le processus de détermination de l'État responsable de l'examen d'une demande d'asile ;

- l'arrêté en litige n'a pas été précédé d'un examen particulier de sa situation ;

- il a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- il a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan, né le 2 janvier 1993, relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 juillet 2019, prononçant son transfert aux autorités croates pour l'examen de sa demande d'asile.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Selon l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, susvisée : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président. ".

3. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de prononcer l'admission provisoire de M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, précité.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine :

4. En premier lieu, en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul Etat, parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet Etat, dit Etat membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun Etat membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de son article 3 du chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet Etat, qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement.

5. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

6. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

7. L'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 3 juillet 2019 a été pris au motif qu'au cours de l'instruction de la demande d'asile de M. B... la consultation du fichier Eurodac a fait apparaître que ce dernier avait effectué antérieurement à sa demande d'asile en France, plusieurs demandes d'asile, successivement en Bulgarie, en Croatie et en Slovénie, d'une part, et au motif que si les autorités bulgares et slovènes ont refusé de reprendre en charge le demandeur, les autorités croates ont accepté la responsabilité de l'examen de la demande de M. B... sur le fondement du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013, d'autre part. S'agissant d'une décision de transfert intervenant dans le cadre d'une reprise en charge par un autre État membre, la décision devait faire apparaître les éléments de fait au vu desquels l'État de destination a été déterminé. Les éléments de fait relevés par l'arrêté attaqué cités précédemment et les éléments de droit qu'il mentionne permettent de comprendre quel est le critère appliqué. En conséquence, l'arrêté litigieux est suffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En deuxième lieu, si M. B... soutient que l'arrêté attaqué n'a pas été précédé d'un examen particulier de sa situation, il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier ni des termes de l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine, que l'autorité administrative, qui a exposé les motifs de sa décision de transfert de l'intéressé aux autorités croates, et fait mention des éléments relatifs à la vie privée et familiale de ce dernier au regard desquels elle a pris sa décision, n'aurait pas fait précéder son arrêté d'un tel examen.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement susvisé (UE) n° 604/2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...). 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".

10. Aucune disposition n'impose la mention, sur le compte-rendu de l'entretien individuel prévu à l'article 5 précité, de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien. En vertu des dispositions combinées des articles L. 741-1 et R. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'arrêté du 20 octobre 2015 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'État responsable de leur traitement, le préfet des Hauts-de-Seine était compétent pour enregistrer la demande d'asile de M. B... et procéder à la détermination de l'État membre responsable de l'examen de cette demande. Par suite, les services de la préfecture des Hauts-de-Seine, et en particulier les agents recevant les étrangers, doivent être regardés comme ayant la qualité, au sens de l'article 5 précité du règlement n° 604/2013, de " personne qualifiée en vertu du droit national " pour mener l'entretien prévu à cet article. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été reçu en entretien par un agent de la préfecture des Hauts-de-Seine le 4 juin 2019. Le procès-verbal d'entretien, sur lequel est apposé le cachet de la préfecture, mentionne que l'entretien a été mené par un agent de la préfecture, qui a revêtu le document de ses initiales, ce qui est suffisant pour établir que l'entretien a été mené par une personne qualifiée au sens du droit national. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision du préfet des Hauts-de-Seine méconnaîtrait les dispositions sus rappelées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dès lors qu'aucune des mentions du compte-rendu d'entretien individuel réalisé au sein de la préfecture des Hauts-de-Seine, par un agent de ladite préfecture, ne permettrait de s'assurer que cet entretien aurait été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national, n'est pas fondé.

11. En quatrième et dernier lieu, si M. B... soutient que l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant aux juges d'en apprécier la portée et le bien-fondé.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine prononçant son transfert aux autorités croates pour l'examen de sa demande d'asile. En conséquence, ses conclusions présentées à titre accessoire, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être également rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : M. B... est admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

2

N° 19VE03084


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19VE03084
Date de la décision : 04/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Fabienne MERY
Rapporteur public ?: M. CHAYVIALLE
Avocat(s) : TAHINTI

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-02-04;19ve03084 ?
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