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04/02/2020 | FRANCE | N°19VE01419

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 04 février 2020, 19VE01419


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du préfet de l'Essonne du 9 novembre 2018 en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1900082 du 29 mars 2019, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 avril 2019, Mme A..., représentée par Me Netry, avocat, demande à la Cour :

d'annuler le jugement du 29 mars 2019 ;

2° d'annuler les décisions du préfet de l'Essonne du 9 novemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du préfet de l'Essonne du 9 novembre 2018 en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1900082 du 29 mars 2019, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 avril 2019, Mme A..., représentée par Me Netry, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement du 29 mars 2019 ;

2° d'annuler les décisions du préfet de l'Essonne du 9 novembre 2018 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

3° d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou à défaut de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans l'attente de ce réexamen ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- les décisions litigieuses méconnaissent l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle ne représente pas une menace pour l'ordre public, est intégrée en France par sa compréhension du français et la constitution d'un réseau amical, y a sa famille, y réside depuis 8 ans et y est prise en charge financièrement par son frère Mehmet ;

- le tribunal a statué ultra petita en retenant l'existence de liens avec la famille dans le pays d'origine ;

- le tribunal a omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation compte tenu de la présence ininterrompue de l'intéressée sur le territoire français ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée, faute de mention de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de motivation de la décision de refus de séjour ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour sur laquelle elle se fonde ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît le principe général du droit de l'Union européenne de respect des droits de la défense faute pour l'intéressée d'avoir pu présenter des observations avant l'édiction de la décision de refus de séjour.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., ressortissante turque, a demandé au Tribunal administratif de Versailles l'annulation des décisions du 9 novembre 2018 par lesquelles le préfet de l'Essonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement n° 1900082 du 29 mars 2019, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ce recours. Mme A... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, si Mme A... a entendu soutenir que le tribunal a, à tort, soulevé d'office un moyen de défense tiré de son absence d'isolement dans son pays d'origine, il ressort du jugement attaqué que les premiers juges se sont bornés à constater que la requérante ne contestait pas le motif de l'arrêté attaqué selon lequel elle " n'établit pas être totalement dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses trois soeurs et son frère " pour apprécier si le centre de ses intérêts privés se trouve en France, ainsi qu'elle le prétend. Par conséquent, le moyen, qui manque en fait, ne peut qu'être écarté.

3. En second lieu, si Mme A... a entendu soutenir que le tribunal a omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation compte tenu de sa présence ininterrompue sur le territoire français, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'a pas invoqué ce moyen en première instance, où elle s'est bornée à invoquer, au titre de la légalité interne de la décision de refus de séjour, les moyens, auquel les premiers juges ont répondu, tirés de la méconnaissance de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers, soutenant que le préfet de l'Essonne aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en mettant en oeuvre ces dispositions, d'une part, et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'autre. Par conséquent, le moyen, qui manque en fait, ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour :

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

5. Mme A... ne conteste pas le motif de l'arrêté attaqué selon lequel elle est " sans charge de famille en France " et déclare vivre séparée de son époux. Elle a vécu en Turquie au moins jusqu'à l'âge de 45 ans et ne conteste pas y avoir trois soeurs et un frère, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges. Dans ces conditions, et à supposer même qu'elle résiderait en France de manière ininterrompue depuis qu'elle y est entrée en 2012 auprès de deux de ses frères qui y sont titulaires de titres de séjour et qu'elle y serait intégrée par la maîtrise de la langue française et par un réseau amical, elle ne saurait être regardée comme ayant en France le centre de ses intérêts privés. Par conséquent, comme l'ont retenu à bon droit les premiers juges, la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme A... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que ces décisions auraient méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

6. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, qui sont suffisamment circonstanciés et qui ne sont pas critiqués en appel, d'écarter le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée.

7. Aux termes du I de l'article L. 511-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. (...) ". Lorsqu'un refus de séjour est assorti d'une obligation de quitter le territoire français, la motivation de cette dernière se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé, de mention spécifique pour respecter l'exigence de motivation.

8. Il ressort des pièces du dossier que la décision de refus de séjour, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée et que l'arrêté attaqué mentionne dans son titre que l'obligation de quitter le territoire français a été prise " sur le fondement du I (...) de l'article L. 511-1 du CESEDA " dont le 3° énonce la possibilité d'édiction d'une telle décision " si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) ".

9. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, qui sont suffisamment circonstanciés et qui ne sont pas critiqués en appel, d'écarter les moyens tirés de l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Mme A... soutient que la décision aurait été édictée en méconnaissance du principe de respect des droits de la défense protégé par le droit de l'Union européenne. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.

11. En l'espèce, l'obligation de quitter le territoire français ayant été édictée concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de respect des droits de la défense protégé par le droit de l'Union européenne n'est pas fondé et ne peut, par suite, qu'être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation des décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français. Il en résulte également que ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de réexaminer sa situation administrative doivent être rejetées.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". Ces dispositions font obstacle à ce que la somme demandée par Mme A... soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

N° 19VE01419 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01419
Date de la décision : 04/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Caroline GROSSHOLZ
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : NETRY

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-02-04;19ve01419 ?
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