La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/01/2020 | FRANCE | N°18VE00059,18VE02329

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 28 janvier 2020, 18VE00059,18VE02329


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

I°) La SAS GROUPE LAGASSE EUROPE, représentée par Me D..., en sa qualité de mandataire liquidateur de cette société, a demandé au Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n°1608818 du 15 novembre 2017, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté cett

e demande.

II°) La SAS GROUPE LAGASSE EUROPE, représentée par Me D..., en sa qualité de mandatair...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

I°) La SAS GROUPE LAGASSE EUROPE, représentée par Me D..., en sa qualité de mandataire liquidateur de cette société, a demandé au Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n°1608818 du 15 novembre 2017, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

II°) La SAS GROUPE LAGASSE EUROPE, représentée par Me D..., en sa qualité de mandataire liquidateur de cette société, a demandé au Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise de déclarer " nul et non avenu " l'avis de mise en recouvrement émis à son encontre le 21 février 2013 et de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n°1503374 du 17 mai 2018, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédures devant la Cour :

I°) Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2018, sous le n° 18VE00059, et un mémoire en réplique, enregistré le 14 décembre 2018, Me D..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE, représenté par Me Captier, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1608818 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

2° de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière faute d'avoir donné lieu à un débat oral et contradictoire ; le contrôle a duré moins de quatre semaines, ce qui constituait une durée insuffisante pour obtenir la production des pièces comptables par la société-mère de la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE et engager un échange sur la situation comptable et fiscale de la société vérifiée, et n'a donné lieu à aucun échange avec le vérificateur au cours des deux réunions tenues au siège du mandataire liquidateur ; ce défaut de contradictoire est confirmé par la poursuite des investigations par le service après la fin des opérations de contrôle ; en outre, l'agent vérificateur aurait, au cours de la vérification, eu des échanges, non démontrés, avec une personne qui n'était pas régulièrement mandatée pour représenter la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE pendant la vérification ;

- c'est à tort que l'administration fiscale a estimé que les sommes versées par la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE à la société de droit canadien Gestion Portland Vimy (GPV) étaient dépourvues de contrepartie et constituaient un transfert indirect de bénéfices au sens de l'article 57 du code général des impôts ; c'est la société Groupe Lagassé Inc. et non la société GPV qui détenait l'intégralité de parts sociales de la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE au cours des deux exercices en cause ; en outre, il a été justifié de la nature et de la réalité des prestations de management, de gestion des ressources humaines, et d'administration générale fournies par la société GPV à la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE à destination des filiales française et allemande de cette dernière ; ni le lien de dépendance de la société vérifiée avec une société étrangère, ni l'absence de contrepartie aux sommes versées à cette dernière ne sont donc établis ;

- il y a lieu de prononcer la décharge de la majoration pour manquement délibéré dont sont assortis les rappels d'impôt sur les sociétés mis à sa charge par voie de conséquence de l'absence de bien-fondé de ces rappels.

..........................................................................................................

II°) Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2018, sous le n° 18VE02329, et des mémoires en réplique, enregistrés les 24 septembre et 14 décembre 2018, Me D..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE, représenté par

Me Captier, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1503374 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

2° de déclarer " nul et non avenu " l'avis de mise en recouvrement du 21 février 2013 ;

3° de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

4° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'avis de mise en recouvrement du 21 février 2013, qui était entaché d'une irrégularité substantielle, ne pouvait qu'être annulé, comme l'a fait l'administration fiscale, sans que la procédure ne soit reprise à partir du rejet des observations que la société vérifiée avait émises sur les redressements envisagés ; telle est d'ailleurs le sens des énonciations des commentaires administratifs publiés au bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-REC-PREA-10-10-20 au paragraphe 330 ; à ce titre, c'est à bon droit qu'elle a formé une nouvelle réclamation préalable après l'intervention du nouvel avis de mise en recouvrement émis le 9 mars 2015 puis une seconde demande devant le tribunal ; toutefois, les premiers juges, qui n'ont pas joint ses deux demandes et ont statué au fond sur celles-ci, ne pouvaient s'abstenir de constater la nullité du premier avis de mise en recouvrement, sauf à laisser perdurer deux titres de créance relatifs à la même imposition ;

- la procédure d'imposition est irrégulière faute d'avoir donné lieu à un débat oral et contradictoire ; le contrôle a duré moins de quatre semaines, ce qui constituait une durée insuffisante pour obtenir la production des pièces comptables par la société-mère de la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE et engager un échange sur la situation comptable et fiscale de la société vérifiée, et n'a donné lieu à aucun échange avec le vérificateur au cours des deux réunions tenues au siège du mandataire liquidateur ; ce défaut de contradictoire est confirmé par la poursuite des investigations par le service après la fin des opérations de contrôle ; en outre, l'agent vérificateur aurait au cours de la vérification eu des échanges, non démontrés, avec une personne qui n'était pas régulièrement mandatée pour représenter la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE pendant la vérification ;

- c'est à tort que l'administration fiscale a estimé que les sommes versées par la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE par la société de droit canadien Gestion Portland Vimy (GPV) étaient dépourvues de contrepartie et constituaient un transfert indirect de bénéfices au sens de l'article 57 du code général des impôts ; c'est la société Groupe Lagassé Inc. et non la société GPV qui détenait l'intégralité de parts sociales de la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE au cours des deux exercices en cause ; il a été justifié de la nature et de la réalité des prestations de management, de gestion des ressources humaines, et d'administration générale fournies par la société GPV à la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE à destination des filiales française et allemande de cette dernière ; ni le lien de dépendance de la société vérifiée avec une société étrangère, ni l'absence de contrepartie aux sommes versées à cette dernière ne sont donc établies ;

- il y a lieu de prononcer la décharge de la majoration pour manquement délibéré dont sont assortis les rappels d'impôt sur les sociétés mis à sa charge par voie de conséquence de l'absence de bien-fondé de ces rappels.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 18VE00059 et 18VE02329 présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

2. La holding SAS GROUPE LAGASSE EUROPE a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2009 et 2010. A l'issue de ce contrôle, le service lui a notifié des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés au titre de ces deux exercices, résultant de la remise en cause de la déductibilité en charge des sommes versées par cette société à la société de droit canadien Gestion Portland Vimy (GPV) au titre de prestations de management et d'administration générale que celle-ci aurait fourni à la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE à destination des filiales française et allemande de cette dernière, auxquelles la société vérifiée refacturait le montant des prestations en cause. Me D..., en qualité de mandataire liquidateur de la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE, fait appel, par les deux présentes requêtes, des jugements n° 1608818 et n° 1503374 par lesquels le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes mises à sa charge consécutivement à ces rehaussements.

Sur la recevabilité des conclusions tendant à ce que l'avis de mise en recouvrement du 21 février 2013 soit déclaré " nul et non avenu " :

3. Aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis (...) ". Lorsqu'un avis de mise en recouvrement est entaché, non d'une irrégularité qui aurait entaché la procédure d'imposition, mais d'un vice de forme ou d'une simple erreur matérielle, l'administration peut, dès lors, à l'égard d'impositions non prescrites, émettre de nouveaux avis de mise en recouvrement répondant aux exigences prévues par les dispositions précitées du livre des procédures fiscales, sans recourir à une nouvelle procédure d'imposition ou accorder au contribuable concerné le dégrèvement des impositions mises à sa charge par l'avis de mise en recouvrement entaché d'un tel vice ou d'une telle erreur avant d'émettre à son encontre un nouveau titre de créance.

4. Il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement du 21 février 2013 adressé à la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE était entaché d'une erreur matérielle concernant la date du courrier par lequel cette société, prise en qualité de société mère d'un groupe fiscalement intégré, a été informée des conséquences fiscales sur son résultat d'ensemble de redressements d'impôt notifiés à ses filiales. L'administration fiscale pouvait ainsi, compte tenu de ce motif, annuler ce titre et y substituer un nouvel avis de mise en recouvrement le

9 mars 2015, mettant à la charge de la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE les mêmes impositions que précédemment, pour la même période et le même montant, sans qu'il soit besoin pour elle, et contrairement à ce que soutient le requérant, de reprendre la procédure d'imposition à compter de la réponse faite par le service à ses observations sur les rehaussements d'impôt envisagés. Dès lors, l'avis de mise en recouvrement du 21 février 2013 ne pouvant plus produire aucun effet de droit avant même l'introduction des présentes requêtes, les conclusions du requérant tendant à ce que ce titre soit déclaré par la Cour " nul et non avenu ", alors même au surplus que le juge de l'impôt ne peut être utilement saisi, dans le cadre d'un recours de pleine juridiction que de conclusions tendant à la décharge ou à la réduction de l'impôt mis à la charge du requérant, doivent être rejetées comme irrecevables.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

5. Aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables (...) ".

6. D'une part, dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.

7. Il résulte de l'instruction que le vérificateur a rencontré à deux reprises M. B..., désigné par Me D..., mandataire liquidateur de la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE, pour faire partie des personnes habilitées à représenter cette dernière dans le cadre des opérations de contrôle, le 10 février 2012 et le 6 mars 2012 au cabinet du mandataire liquidateur. Le requérant n'établit pas qu'il aurait été privé, dans ces circonstances, de la possibilité de tenir un débat contradictoire en se bornant à faire état de la brièveté des opérations de contrôle, qui est exclusivement imputable au comportement du représentant de la société vérifiée et particulièrement à l'impossibilité pour lui de produire l'ensemble de la comptabilité de la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE qui, d'une part, avait été rapatriée au Canada à la date de l'engagement de la procédure de contrôle et qui, d'autre part, n'a pas été produite par l'expert-comptable français de cette société avant que le vérificateur ne fasse usage à l'encontre de cet expert-comptable du droit de communication prévu par l'article L. 16 du livre des procédures fiscales.

8. Le requérant ne justifie pas davantage du caractère vicié du débat oral et contradictoire en soutenant que le vérificateur aurait eu, dans le cadre du contrôle, des échanges téléphoniques avec M. A...'h, lequel n'aurait pas été habilité à représenter la SAS lors des opérations de contrôle, alors que, d'une part, M. A...'h est bien au nombre des personnes mandatées par Me D... pour représenter la société dans le cadre du contrôle, sans que la régularité de ce mandat ne soit remise en cause par la seule absence de date du mandat en cause, et que, d'autre part et en tout état de cause, le requérant produit dans le dernier état de ses écritures une attestation signée de M. A...'h selon laquelle il n'aurait eu aucun échange avec l'agent chargé du contrôle pendant la vérification de comptabilité litigieuse.

9. D'autre part, lorsqu'après la fin des opérations de contrôle sur place, le vérificateur obtient des pièces nouvelles, celles-ci sont présumées ne pas avoir fait l'objet d'un débat oral et contradictoire, sauf preuve contraire rapportée par l'administration. L'absence de débat, dans une telle hypothèse, n'est en principe pas de nature à affecter la régularité de la procédure d'imposition, sauf s'il apparaît que les pièces recueillies après la fin des opérations de vérification, en raison de leur teneur, de leur portée et de l'usage qui en a été fait par l'administration, impliquaient la réouverture du débat oral et contradictoire sur la comptabilité de l'entreprise.

10. L'administration fiscale, au vu de documents complémentaires adressés par la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE à l'appui de ses observations sur les redressements envisagés, a annulé la proposition de rectification initialement adressée au requérant et y a substitué un document qui, bien que répondant aux observations du contribuable, a été intitulé " proposition de rectification rectificative " le 12 novembre 2012, sans modifier toutefois, à cette occasion, le fondement légal et les motifs de fait justifiant les redressements envisagés ainsi que l'assiette et le montant de ceux-ci. Si ces documents complémentaires précisent la nature des relations entretenues par la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE et la société GPV, leur production, qui n'a pas modifié les termes du débat entre le service et le contribuable vérifié tel qu'ils étaient arrêtés à la clôture des opérations de vérification, n'impliquait donc pas en l'espèce que l'administration fiscale rouvre la procédure contradictoire à cette occasion. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la procédure d'imposition serait irrégulière à raison de l'absence de débat oral et contradictoire.

Sur le bien-fondé des impositions :

11. Aux termes de l'article 57 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités (...) ". Ces dispositions, qui prévoient la prise en compte, pour l'établissement de l'impôt, des bénéfices indirectement transférés à une entreprise étrangère qui lui est liée, instituent, dès lors que l'administration établit l'existence d'un lien de dépendance et d'une pratique entrant dans leurs prévisions, une présomption de transfert indirect de bénéfices qui ne peut utilement être combattue par l'entreprise imposable en France que si celle-ci apporte la preuve que les avantages qu'elle a consentis ont été justifiés par l'obtention de contreparties.

12. En outre, aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée.

13. En premier lieu, la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE et la société GPV étaient, au cours des années 2009 et 2010, toutes deux les filiales de la société de droit canadien Lagassé Groupe Inc., avec laquelle elles partageaient le même dirigeant. En outre, il résulte de l'instruction et en particulier du rapport de Me D..., présenté en sa qualité de liquidateur de la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE auprès du Tribunal de commerce de Nanterre, que les titres de cette société étaient intégralement détenus, au titre des exercices clos en 2009 et 2010, par la société GPV, quoi que celle-ci était réputée être en cours de fusion avec la société Lagassé Groupe Inc. au cours de l'année 2011. Les mentions de ce rapport ne sont pas sérieusement contredites par l'approbation des comptes de la SAS pour l'exercice clos en 2010 intervenue au mois de décembre 2011, mois au cours duquel la société Groupe Lagassé Inc. se présentait comme associé unique de la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE. Enfin, l'instruction révèle également que les charges supportées par cette société étaient, pour l'essentiel, constituées des sommes qui lui étaient facturées par la société GPV et ses recettes constituées par la refacturation des prestations correspondantes à ses filiales. L'ensemble de ces circonstances caractérise l'existence d'un lien de dépendance entre la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE et la société GPV.

14. En deuxième lieu, la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE et la société GPV, prestataire, ont signé, le 17 mai 2005, une convention de prestations qui prévoit que " le prestataire s'engage envers le bénéficiaire, qui l'accepte, à fournir son assistance et ses conseils dans l'accomplissement des prestations ci-dessous énumérées étant précisé que cette énumération n'est pas limitative ". Les prestations dues par la société GPV à la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE sont définies à l'article 2 de la convention et concernaient l'assistance et le conseil dans les domaines de la prospection commerciale et du marketing, de l'informatique, de la finance, du développement des affaires des filiales de la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE et de l'administration générale.

15. L'administration fiscale a remis en cause la déductibilité des sommes versées dans le cadre de l'exécution de cette convention à la société GPV par la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE en relevant que cette société, qui n'a pour chiffre d'affaires que les " management fees " versés par ses filiales française et allemande, les sociétés LCetI et LCetI GmbH et pour produits financiers que les dividendes distribués par la société LCetI, a réalisé des résultats d'exploitation respectifs de 604 239 euros et de 1 394 256 euros durant les années 2009 et 2010, en raison du coût très élevé des honoraires facturés par la société GPV, à hauteur de

937 901 euros en 2009 et de 1 237 526 euros en 2010, alors même qu'elle refacturait pour partie ces honoraires à ses filiales, sans que la réalité des prestations facturées par la société GPV ne soit réellement établie.

16. Si le requérant a produit un certain nombre de factures émises par la société GPV et se rapportant, soit à des prestations de la nature de celles prévues par la convention précitée du 17 mai 2005, soit à des frais de déplacement ou de séjour qui auraient été exposés pour la réalisation de ces prestations, il ne fournit en revanche aucun élément, tel que, par exemple, des agendas, des comptes rendus de réunion, des actes juridiques relatifs à la gestion et à l'administration des filiales concernées ou plus généralement tout autre document relatif aux prestations en cause, qui serait de nature à justifier de leur exécution réelle. La matérialité de ces prestations n'est pas davantage établie par l'attestation obtenue des services fiscaux de la province de Québec et les termes du mémorandum et du rapport rédigés, postérieurement à la période vérifiée, par le cabinet de conseil, " Cinq Mars Conseil ", qui n'ont trait qu'aux rapports entretenus par la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE avec sa filiale française, la société LCetI sans justifier de l'existence de prestations rendues au profit de cette filiale par la société GPV et de la prise en charge du coût de telles prestations par la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE. Dans ces conditions, l'existence d'une contrepartie réelle aux sommes versées par cette société à la société GPV ne peut être regardée comme démontrée.

17. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a regardé les sommes versées à la société GPV comme ayant la nature d'un transfert indirect de bénéfices au sens de l'article 57 du code général des impôts et les a réintégrées dans le résultat imposable de la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE en application de ces dispositions et de celles de l'article 39 du même code.

Sur les pénalités :

18. Le requérant se bornant à soutenir que la majoration de 40 % dont sont assorties les cotisations d'impôt sur les sociétés en litige en application de l'article 1729 du code général des impôts doivent faire l'objet d'une décharge par voie de conséquence de l'absence de

bien-fondé des impositions supplémentaires en cause, il résulte de ce qui est précédemment que ses conclusions aux fins de décharge de cette majoration ne peuvent qu'être rejetées.

19. Il résulte de tout ce qui précède que Me D..., en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal de Cergy-Pontoise a refusé de faire droit à ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de Me D..., en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS GROUPE LAGASSE EUROPE, sont rejetées.

Nos 18VE00059... 8


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00059,18VE02329
Date de la décision : 28/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net.


Composition du Tribunal
Président : M. LIVENAIS
Rapporteur ?: M. Yann LIVENAIS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : CAPTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-01-28;18ve00059.18ve02329 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award