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23/01/2020 | FRANCE | N°19VE00148

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 23 janvier 2020, 19VE00148


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 7 août 2017 par lequel le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour.

Par un jugement n° 1709207 du 14 décembre 2018, le tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté et enjoint au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 janv

ier 2019, le préfet du Val-d'Oise demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 7 août 2017 par lequel le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour.

Par un jugement n° 1709207 du 14 décembre 2018, le tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté et enjoint au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 janvier 2019, le préfet du Val-d'Oise demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Il soutient que :

- il disposait d'un faisceau d'indices suffisamment précis et concordants permettant d'établir le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité de l'enfant de Mme B... par M. C..., ressortissant français ;

- c'est, dès lors, à tort que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de la méconnaissance du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Illouz, conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante de la République démocratique du Congo née en 1985, a donné naissance le 22 juillet 2016 à un enfant sur le territoire français. Elle a présenté le 12 janvier 2017 une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 7 août 2017, le préfet du Val-d'Oise a rejeté cette demande. Ce dernier relève régulièrement appel du jugement du 14 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, à la demande de Mme B..., a annulé cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ".

3. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.

4. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mme B..., le préfet du Val-d'Oise a estimé que l'enfant de celle-ci tirait sa nationalité française d'une reconnaissance de paternité par un ressortissant français et que cette reconnaissance présentait un caractère frauduleux. Il est constant que Mme B..., entrée en France au cours de l'année 2014, est la mère d'un enfant né le 22 juillet 2016 ayant fait l'objet d'une reconnaissance de paternité par anticipation, le 9 mars 2016, par un ressortissant français, M. C.... Le préfet du Val-d'Oise fait valoir que Mme B... et M. C... n'ont jamais partagé leur vie ni entretenu une relation, résident dans des départements différents, que le père de l'enfant ne justifie pas contribuer à son entretien et à son éducation, et qu'il serait connu de ses services pour avoir reconnu treize autres enfants nés de femmes différentes, ce qui aurait conduit au dépôt d'un signalement auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Pontoise ainsi qu'à ce qu'une enquête interne soit diligentée par les services du ministère de l'intérieur. Toutefois, le préfet se borne à produire des courriels de signalement de l'intéressé par ses services et ceux d'autres préfectures, et ne verse aux débats aucun élément de nature à révéler que l'enquête administrative en cours aurait établi la matérialité des faits allégués ou que l'autorité judiciaire aurait donné une suite à ces signalements. Il n'est, par ailleurs, pas contesté que Mme B..., qui soutient élever seule son enfant, était déjà présente en France lors de la conception de celui-ci et réside dans un département limitrophe de celui de M. C.... Dès lors, et ainsi que l'ont estimé les premiers juges, les éléments avancés par le préfet du Val-d'Oise ne sont pas suffisamment précis et concordants pour caractériser l'existence d'une fraude, qu'il appartient à l'autorité préfectorale d'établir, entachant la reconnaissance de l'enfant par M. C.... C'est, par suite, à bon droit que le tribunal a regardé l'intimée comme ayant la qualité de parent d'un enfant français pour accueillir le moyen tiré de la méconnaissance, par l'arrêté en litige, des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Val-d'Oise n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 7 août 2017 rejetant la demande de titre de séjour de Mme B....

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du préfet du Val-d'Oise est rejetée.

Article 2 : L'État versera à Mme B... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 19VE00148


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00148
Date de la décision : 23/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. TRONEL
Rapporteur ?: M. Julien ILLOUZ
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : AUCHER-FAGBEMI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-01-23;19ve00148 ?
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