Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a implicitement rejeté sa demande de titre de séjour.
Par un jugement n° 1706943 du 13 septembre 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 3 novembre 2018, M. A..., représenté par Me C..., avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un certificat de résidence ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'aucune décision implicite de rejet de sa demande de titre n'était née pour rejeter sa requête comme irrecevable ;
- en l'absence de preuve de réception du courrier du préfet l'invitant à se présenter personnellement en sous-préfecture pour déposer une demande de titre de séjour, l'ensemble des moyens de sa requête dirigés contre le refus implicite de titre de séjour en litige sont opérants ;
- le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas répondu à sa demande de communication des motifs de cette décision implicite ;
- cette décision est, dès lors, insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa demande ;
- il a également commis une erreur de droit en s'abstenant de rechercher s'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure de régularisation de sa situation administrative, à supposer non remplies l'ensemble des conditions de délivrance d'un titre de séjour de plein droit.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Illouz, conseiller,
- et les observations de Me C..., représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né le 22 décembre 1996, entré en France en 2014, a présenté une demande de certificat de résidence sur le fondement du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 par un courrier reçu par le préfet de la
Seine-Saint-Denis le 3 novembre 2016. L'intéressé relève régulièrement appel du jugement du 13 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de la
Seine-Saint-Denis sur cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans (...), est tenu de se présenter, à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de titre de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour introduire valablement une demande de titre de séjour, il est nécessaire, sauf si l'une des exceptions définies à l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité est applicable, que l'intéressé se présente physiquement à la préfecture. A défaut de disposition expresse en sens contraire, une demande de titre de séjour présentée par un ressortissant étranger en méconnaissance de la règle de présentation personnelle du demandeur en préfecture fait naître, en cas de silence gardé par l'administration pendant plus de quatre mois, délai fixé par l'article R. 311-12-1 du même code, une décision implicite de rejet susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.
3. Pour rejeter comme irrecevable la demande de M. A..., les premiers juges ont relevé que celui-ci ne s'était pas personnellement présenté en préfecture afin de déposer sa demande de titre de séjour, dont il avait saisi le préfet de la Seine-Saint-Denis par courrier. Toutefois, cette circonstance était, par elle-même et conformément aux principes rappelés au point 2, sans incidence sur la naissance, quatre mois après la réception par le préfet de la demande de titre présentée par voie postale, d'une décision implicite de rejet de cette demande susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir. Dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil s'est fondé sur ce motif pour estimer qu'aucune décision implicite de rejet susceptible de lui être déférée n'était née et rejeter comme irrecevable la demande dont il était saisi. Son jugement doit, par suite, être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil.
Sur les conclusions à fin d'annulation du rejet implicite de la demande de titre de séjour :
5. Le préfet, dans les circonstances décrites au point 2, n'est pas en situation de compétence liée pour rejeter la demande de titre de séjour et peut, le cas échéant, procéder à la régularisation de la situation de l'intéressé. Toutefois, lorsque le refus de titre de séjour est fondé à bon droit sur l'absence de comparution personnelle du demandeur, ce dernier ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision de rejet de sa demande de titre de séjour, de moyens autres que ceux tirés d'un vice propre de cette décision.
6. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". L'article L. 232-4 de ce code précise : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. (...) ".
7. M. A..., qui soutient que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas répondu à sa demande de communication des motifs du rejet implicite de sa demande de certificat de résidence, invoque ainsi un vice propre de cette décision tiré de son défaut de motivation. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a sollicité du préfet la communication des motifs de cette décision implicite née le 3 mars 2017 par un courrier réceptionné en préfecture le 3 mai suivant. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait communiqué à l'intéressé les motifs de sa décision dans le mois suivant la réception de cette demande. Si le préfet produit, par ailleurs, un courrier daté du 15 décembre 2016 par lequel il indiquait au conseil de M. A... qu'il appartenait à son client de se présenter personnellement devant les services de la sous-préfecture du Raincy afin de déposer sa demande de titre, l'administration ne produit aucun accusé de réception postal de ce courrier, que l'intéressé conteste avoir reçu. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision implicite en litige doit être accueilli.
8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à demander l'annulation de la décision par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a implicitement rejeté sa demande de certificat de résidence.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Eu égard au motif d'annulation de la décision attaquée ci-dessus retenu, l'exécution du présent arrêt n'implique pas nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à M. A... un titre de séjour. En revanche, il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la demande de certificat de résidence présentée par M. A... sur le fondement des dispositions du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, et de le munir, dans cette attente, d'une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais liés au litige :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 1706943 du 13 septembre 2018 et la décision par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a implicitement rejeté la demande de certificat de résidence présentée par M. A... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de la demande de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, et de munir l'intéressé, dans cette attente, d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'État versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et de la demande de M. A... est rejeté.
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N° 18VE03644