Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... A... ont demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 12 avril 2016 par laquelle le maire de la commune d'Itteville a fait usage du droit de préemption sur la propriété cadastrée AO n °402, 414, 1340, 1423 et 1424 leur appartenant ainsi que la décision du maire de la commune d'Itteville rejetant le recours gracieux dirigé contre cette décision.
Par un jugement n° 1607237 du 16 juillet 2018, le Tribunal administratif de Versailles a annulé ces deux décisions.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 5 septembre 2018, la commune d'Itteville, représentée par Me Chaussade, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter la demande de M. et Mme A... ;
3° de mettre à la charge de M. et Mme A... le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune d'Itteville soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la demande adressée au service des domaines pour l'évaluation du bien préempté n'aurait été reçue que le 18 mars 2016 dès lors d'une part, que la mention de sa réception à cette date indiquée dans l'avis rendue par le service des domaines résulte d'une erreur de plume et, d'autre part, que le maire de la commune ayant formé une demande de visite le 11 mars 2016, le service des domaines avait nécessairement été saisi à cette date ;
- en tout état de cause, le tribunal, en application de la jurisprudence Danthony, devait se prononcer sur la question de l'éventuelle incidence de l'erreur affectant la procédure sur le sens de la décision litigieuse ;
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la motivation de l'arrêté litigieux ne permettait pas de connaître ses objectifs alors qu'il s'agissait clairement de créer des logements, notamment sociaux, tout en veillant à la préservation du coeur de village à proximité de l'église classée et du tissu urbain existant.
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Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Colrat, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. La commune d'Itteville relève appel du jugement susvisé par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 12 avril 2016 par lequel son maire a fait usage du droit de préemption sur une propriété appartenant à M. et Mme A... située 18, rue du Billoy au lieu-dit " Les Faubourgs " sur le territoire de la commune.
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 213-21 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date des décisions litigieuses : " Le titulaire du droit de préemption doit recueillir l'avis du service des domaines sur le prix de l'immeuble dont il envisage de faire l'acquisition dès lors que le prix ou l'estimation figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner ou que le prix que le titulaire envisage de proposer excède le montant fixé par l'arrêté du ministre chargé du domaine prévu à l'article R. 1211-2 du code général de la propriété des personnes publiques. / (...) L'avis du directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques doit être formulé dans le délai d'un mois à compter de la date de réception de la demande d'avis. Passé ce délai, il peut être procédé librement à l'acquisition... / ". Le montant auquel il est fait référence par ces dispositions, est fixé à 75 000 euros par l'arrêté du 17 décembre 2001 modifiant l'arrêté du 5 septembre 1986 relatif aux opérations immobilières poursuivies par les collectivités et organismes publics.
3. Il ressort de l'avis émis par le service des domaines le 14 avril 2016 que la demande adressée par la commune sur le fondement des dispositions précitées a été reçue par ce service le 18 mars 2016. Si la commune produit un registre manuscrit des départs de courrier indiquant que ladite demande aurait été expédiée par ses soins le 22 février 2016, elle ne dispose d'aucun élément permettant d'attester que la réception de ce courrier par l'administration des domaines serait intervenue avant la date du 18 mars 2016. Ni la circonstance que cet avis mentionne par erreur que la demande était datée du 18 mars 2016, ni celle que le maire de la commune a formé une demande de visite des lieux le 11 mars 2016, en présence d'un représentant du service des domaines, n'est de nature à contredire la mention précitée d'une réception le 18 mars 2016. Ainsi, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient commis une erreur de fait relative à la date de réception de la demande d'avis adressée par la commune d'Itteville doit être écarté.
4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. La consultation du service des domaines préalablement à l'exercice du droit de préemption par le titulaire de ce droit constitue une garantie tant pour ce dernier que pour l'auteur de la déclaration d'intention d'aliéner. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la circonstance que le délai d'un mois à compter de la réception de la demande d'avis par le service des domaines prévu par les dispositions précitées permettant au titulaire du droit de préemption de procéder librement à l'acquisition du bien en cause n'était pas expiré à la date de l'arrêté litigieux du maire d'Itteville pour estimer que la procédure était irrégulière et que cette irrégularité était de nature à justifier l'annulation de l'arrêté litigieux.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) ". Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.
6. Il ressort des termes de la décision litigieuse que le maire d'Itteville s'est fondé sur la loi de solidarité et de renouvellement urbain, le souci de développer le logement social, la volonté de préserver le tissu urbain actuel ainsi que la volonté de préserver l'environnement des sites classés. Cette motivation, qui ne renvoie à aucun objectif ou orientation défini par le plan local d'urbanisme ni à un plan local de l'habitat, ne fait état d'aucun projet d'action ou d'aménagement, même encore imprécis, au sens des dispositions précitées du code de l'urbanisme. Par suite, la commune d'Itteville n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu ce second motif pour annuler l'arrêté litigieux.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Itteville n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté de son maire en date du 12 avril 2016. Par suite, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune d'Itteville la somme de 2 000 euros à verser à M. et Mme A... sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune d'Itteville est rejetée.
Article 2 : La commune d'Itteville versera à M. et Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 18VE03130