Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de reconnaître les agissements de harcèlement moral qu'il allègue avoir subis de la part de plusieurs agents du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie avec lesquels il a travaillé et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 150 000 euros en réparation des préjudices d'ordre moral et professionnel résultant de ces faits fautifs de harcèlement moral.
Par un jugement n° 1505793 du 9 mai 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 26 juin 2018, M. F... C..., représenté par Me Gomar, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de reconnaître les agissements de harcèlement moral et professionnel qu'il estime avoir subis dans l'exercice de ses fonctions ;
3° de condamner l'Etat à lui verser la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices moral et professionnel subis, assortie des intérêts au taux légal à compter de ses réclamations préalables, respectivement formées le 2 avril 2015, s'agissant de la somme de 60 000 euros, et le 27 juillet 2016, s'agissant de la somme de 150 000 euros, et de la capitalisation des intérêts ;
4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a été victime de faits répétés de harcèlement moral de la part de ses deux supérieurs hiérarchiques directs et d'une collègue chargée de son compagnonnage, qui se sont traduits par une dégradation de ses conditions de travail et une altération de son état de santé, comme en attestent l'accumulation de faits répétés établis par sa saisine d'un représentant syndical en 2011, les nombreux documents médicaux produits, l'absence de validation de sa hiérarchie de son inscription à une formation et de remise de son entretien d'évaluation pour 2011, l'intervention de la commission d'accès aux documents administratifs pour lui permettre d'accéder à son dossier dans le cadre de la procédure disciplinaire engagée à son encontre et sa mutation d'office dans un emploi où il n'a eu aucune tâche à accomplir ;
- les premiers juges n'ont pas pris en compte les constatations médicales relatives à son état anxio-dépressif ;
- ils se sont contentés de souscrire à la thèse de l'administration quant au défaut de sanction déguisée de sa mutation sans rechercher en quoi une telle mutation pouvait avoir été effectuée dans l'intérêt du service alors qu'il n'a eu aucune tâche à accomplir dans son nouvel emploi et que cette situation s'est prolongée plusieurs années ;
- ils n'ont pas analysé la justification par l'administration par des éléments objectifs exclusifs de tout harcèlement, des faits dénoncés par lui ;
- il appartenait aux premiers juges s'ils estimaient les éléments présentés par lui insuffisants pour établir la réalité du harcèlement moral subi, d'ordonner toute mesure d'instruction utile ;
- son employeur, alerté de cette situation, a commis une faute caractérisée par l'absence de mesures prises pour faire cesser ces agissements ;
- les préjudices d'ordre moral et professionnel qui en résultent seront indemnisés à hauteur de 150 000 euros.
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Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- et les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., adjoint administratif de 1ère classe du ministère chargé de l'écologie, estime avoir été victime à compter de 2009, dans le cadre notamment de l'exercice de ses fonctions de chargé d'études et gestionnaire de crédits au sein de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), d'agissements de harcèlement moral commis par une collègue et sa hiérarchie. Il relève appel du jugement du 9 mai 2018 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 150 000 euros en réparation des préjudices subis à raison de ces agissements.
2. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". Il appartient à un agent public, qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
3. En premier lieu, M. C... soutient qu'il a subi entre 2010 et 2014 des agissements constitutifs de harcèlement moral de sa collègue de travail chargée de son compagnonnage et de ses deux supérieurs hiérarchiques qui se sont manifestés par des insultes et humiliations quotidiennes et par l'inertie de sa hiérarchie. Toutefois, ainsi qu'il a été dit en première instance, M. C... ne produit au soutien de ses allégations que des documents dont il est l'auteur, dans lesquels il rapporte les injures et humiliations prétendument subies. En outre ces éléments, ainsi que les courriels que l'intéressé a échangés avec ses supérieurs hiérarchiques, révèlent que M. C... rencontrait des difficultés dans l'exercice des fonctions de gestionnaire qu'il exerçait depuis l'année 2008. Ses difficultés, qui ont été évoquées par sa hiérarchie, de manière objective et dans des termes appropriés, ont été prises en compte, tandis qu'un dispositif de compagnonnage sur la base d'un portefeuille allégé et de suivi, notamment par une psychologue du travail, a été mis en place. En outre, il résulte de l'instruction que les accusations que ce dernier a portées à l'encontre de Mme D..., de Mme B... et de M. A... se sont avérées infondées, ainsi que cela ressort tant du classement sans suite de la plainte qu'il a déposée le 20 avril 2013 à l'encontre de ces trois personnes, que des conclusions des deux enquêtes administratives qui ont été diligentées par son administration employeur à l'issue de ce dépôt de plainte. Enfin, à supposer même que l'entretien d'évaluation professionnel relatif à l'année 2011 de M. C... ne lui a jamais été remis, malgré des demandes répétées de sa part en ce sens, cette circonstance ne suffit pas à caractériser un évènement qualifiable de harcèlement moral. Il résulte de ce qui précède que M. C... ne soumet pas au juge des éléments suffisants permettant de présumer les faits de dénigrement et d'inertie allégués constitutifs de harcèlement moral.
4. En deuxième lieu, les arrêts de travail, les prescriptions médicales, ainsi que les certificats médicaux rédigés par la psychiatre de M. C..., témoignent de ce que celui-ci souffre depuis 2014 d'un état dépressif sévère qualifié de secondaire à des difficultés professionnelles, donnant lieu à un suivi et un traitement médicamenteux. Toutefois, ils ne permettent pas, compte tenu de ce qui a été dit au point 3, de faire présumer l'existence d'agissements répétés de harcèlement moral au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983, alors qu'il résulte d'une décision du ministre chargé de l'écologie du 23 octobre 2017, qu'à la suite d'une expertise médicale effectuée par un expert agrée et de l'avis défavorable de la commission de réforme, l'imputabilité au service de cette pathologie n'a pas été reconnue.
5. En troisième lieu, M. C... a été affecté à compter du 12 novembre 2014 à la direction des ressources humaines, dans l'attente pour ordre d'une nouvelle affectation. Cette affectation n'a entraîné ni perte de rémunération, ni changement de résidence, et a été motivée par l'intérêt du service, dans la mesure où, dans un contexte de relations de travail dégradées faisant suite au dépôt de plainte de l'intéressé contre ses collègues, le déménagement de la DGITM dans de nouveaux locaux aurait conduit l'un d'eux à partager son bureau avec l'intéressé. Si M. C... fait valoir que cette situation s'est prolongée et qu'il ne s'est depuis lors vu attribuer aucune tâche, il résulte de l'instruction qu'il a refusé un poste à l'Institut de formation de l'environnement en mars 2015 et qu'il n'a plus présenté de candidature au cours de l'année 2016, durant laquelle il a été absent du service pour raisons de santé. Cette nouvelle affectation ne procède ainsi d'aucune volonté de sanctionner M. C... et n'a pas été prise pour des motifs étrangers à l'intérêt du service. Elle ne constitue dès lors pas une sanction disciplinaire déguisée. En outre, les circonstances que le requérant n'a pas été évalué dans le cadre d'un entretien professionnel au cours de cette période et que sa hiérarchie n'a pas validé une formation qu'il avait sollicitée ne sont pas davantage de nature à caractériser un évènement qualifiable d'acte de harcèlement moral. Enfin, il résulte de l'instruction que l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre répond aux préconisations du rapport d'enquête administrative qui a été remis le 1er septembre 2014, compte tenu en particulier des accusations infondées qu'il a portées contre trois de ses collègues. La production d'un avis favorable de la commission d'accès aux documents administratifs à la communication de son entier dossier administratif n'est pas de nature à établir, en l'absence de toutes précisions sur les pièces manquantes, que l'administration aurait cherché à se soustraire à ses obligations dans le cadre de la procédure disciplinaire qu'elle a initiée, alors en outre que la séance du conseil de discipline a finalement été ajournée compte tenu de l'état de santé du requérant. L'autorité administrative, en engageant une procédure disciplinaire à l'encontre de M. C..., n'a ainsi pas excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique au point que ces agissements puissent être qualifiés d'agissements constitutifs de harcèlement moral.
6. Ainsi, au vu d'une part des éléments de fait avancés par M. C... et susceptibles selon lui de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral et d'autre part de l'argumentation de l'administration et de l'ensemble des pièces du dossier, le tribunal, qui n'a pas fait peser indument sur M. C... une charge de la preuve qui ne lui incombait pas, et qui a bien pris en compte l'ensemble des faits qui lui étaient soumis, a pu sans méconnaitre les règles de preuve applicables en matière de harcèlement moral, écarter l'existence d'un tel harcèlement, et par suite rejeter les demandes indemnitaires de M. C.... Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
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N° 18VE02203