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21/01/2020 | FRANCE | N°16VE01804

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 21 janvier 2020, 16VE01804


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner le centre hospitalier de Gonesse à lui verser la somme de 142 980 euros en réparation des préjudices causés par le défaut de prescription d'une rééducation immédiate à la suite de son intervention chirurgicale.

Par un jugement n°1407617 du 19 mai 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné le centre hospitalier de Gonesse à verser à la requérante la somme de 18 500 euros, et la somme de 45 544,04

euros assortie des intérêts à compter du 22 septembre 2014 à verser à la Caisse Pri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner le centre hospitalier de Gonesse à lui verser la somme de 142 980 euros en réparation des préjudices causés par le défaut de prescription d'une rééducation immédiate à la suite de son intervention chirurgicale.

Par un jugement n°1407617 du 19 mai 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné le centre hospitalier de Gonesse à verser à la requérante la somme de 18 500 euros, et la somme de 45 544,04 euros assortie des intérêts à compter du 22 septembre 2014 à verser à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de la Seine-Saint-Denis ainsi que la somme de 1 047 euros en application de l'article L.376-1 du code de sécurité sociale, et a mis à la charge définitive du centre hospitalier les frais d'expertise.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 juin 2016, Mme A... B..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1° de confirmer ce jugement en tant qu'il retient la responsabilité du centre hospitalier et de porter l'indemnité réparatrice à la somme 142 980 euros ;

2° de condamner le centre hospitalier de Gonesse à lui rembourser les frais d'expertises qui s'élèvent à la somme de 3 454 euros ;

3° de mettre à la charge du centre hospitalier une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens ;

4° d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à venir.

Elle soutient que :

- l'hôpital a commis une faute en ne prescrivant pas une rééducation quotidienne avec un kinésithérapeute immédiatement après son opération ;

- son préjudice lié aux souffrances endurées estimé à 4,5 sur 7 doit être réparé en portant la somme de 4 000 euros allouée par le tribunal à 12 000 euros ;

- son préjudice esthétique estimé à 3,5 sur 7 doit être évalué à la somme de 18 000 euros ;

- son préjudice d'agrément dans la vie courante doit être évalué à la somme de 10 000 euros ;

- son incapacité temporaire totale et son préjudice scolaire doivent être évalués à la somme de 50 000 euros ;

- son incapacité permanente partielle estimé à 10% doit être évalué à la somme de 39 960 euros ;

- son préjudice lié au besoin d'une tierce personne doit être évalué à la somme de 13 020 euros ;

- les dépenses consécutives d'achat d'un véhicule devront être capitalisées comme des frais futurs.

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Victime le 12 septembre 2008 d'un accident domestique qui a causé une profonde coupure à la face palmaire du troisième doigt de sa main droite, Mme B..., alors âgée de 21 ans, a été conduite dans le service d'orthopédie du centre hospitalier de Gonesse où elle a subi, le même jour, une suture du tendon fléchisseur de son doigt blessé. Dans les suites opératoires, Mme B... a ressenti des douleurs pendant la période de port de son plâtre de la main, du 12 septembre 2008 au 13 octobre 2008. Puis, après le retrait de son plâtre, il a été constaté une absence de récupération de la mobilité du doigt, ainsi que des douleurs d'une intensité constante. Mme B... a subi de nouvelles interventions chirurgicales le 14 mai 2009, le 11 décembre 2009, et le 12 février 2010, complétées de séances de rééducation, à l'issue desquelles persistaient un enraidissement du doigt atteint, des douleurs et une difficulté de préhension. Par jugement en date du 19 mai 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, s'appuyant sur les rapports d'expertise, a considéré que le centre hospitalier avait commis une faute en ne prescrivant pas immédiatement après l'opération de suture du tendon, des séances de rééducation, ayant ainsi fait perdre une chance à la requérante de retrouver toute la flexibilité de son doigt. Il a condamné le centre hospitalier de Gonesse à verser à Mme B... une indemnité de 18500 euros en réparation des divers préjudices subis, et à la CPAM de la Seine-Saint-Denis une somme de 45 544,04 euros, assortie des intérêts. Mme B... demande que le montant de son indemnité soit porté à la somme de 142 980 euros. Le centre hospitalier demande par la voie de l'appel incident, que le taux de perte de chance retenu par le jugement attaqué soit ramené de 50 à 30%. La CPAM demande que la somme à verser par le centre hospitalier soit portée, compte tenu du taux de perte de chance retenu, à 45 631,61 euros.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier :

2. Le centre hospitalier fait valoir que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie tendant à ce que sa créance soit actualisée sont irrecevables dès lors qu'elles excèdent la somme sollicitée en première instance. La CPAM n'établit pas en produisant l'attestation de débours indiquant des prestations au cours des années 2009, 2010 et 2011 qu'elle n'aurait pas été mesure de faire valoir ses droits devant le tribunal administratif. Elle n'est, par suite, pas recevable à demander que le montant de sa créance soit ainsi augmenté.

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur le taux de perte de chance :

3. Il résulte de l'instruction que le premier expert désigné par le tribunal s'est prononcé sur la perte de chance résultant de l'absence de prescription de séances de rééducation par un kinésithérapeute immédiatement après la première opération pour l'évaluer à 50%. En revanche, pour estimer à 30% le taux de perte de chance, le second expert désigné par le tribunal s'est notamment fondé sur les difficultés à traiter les réparations des sections des tendons fléchisseurs profonds, sur les résultats imparfaits et sur le pourcentage de " résultat imparfait nécessitant une intervention de ténolyse ". Ainsi, compte tenu du caractère décisif des séances de rééducation immédiatement après l'opération pour permettre d'obtenir les meilleures chances de retrouver la souplesse du doigt, un taux de perte de chance de 50% doit être retenu. Par suite, l'appel incident présenté par le centre hospitalier tendant à ce que le taux de perte de chance fixé à bon droit à 50% par les premiers juges soit ramené à 30% doit être rejeté.

Sur l'évaluation des préjudices subis par Mme B... :

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

Sur l'assistance d'une tierce personne :

4. Si Mme B... fait valoir qu'elle était dépendante de son entourage dans la vie quotidienne en raison de la raideur de son majeur droit et des difficultés de préhension, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que ces difficultés résultant de la faute du centre hospitalier justifiaient l'assistance d'une tierce personne. Elle ne peut dès lors solliciter d'indemnité à ce titre.

Sur le préjudice scolaire :

5. La requérante n'établit pas davantage en appel qu'en première instance que les opérations et les séances de rééducation nécessaires lui auraient fait perdre cinq années d'études. En estimant à deux ans le retard subi imputable à la faute du centre hospitalier, et en évaluant le préjudice à la somme de 10 000 euros, soit 5 000 euros après application du taux de perte de chance, le tribunal a justement apprécié ce chef de préjudice.

Sur le remplacement de sa voiture :

6. Il ne résulte pas de l'instruction que les séquelles résultant de la faute du centre hospitalier nécessiterait le remplacement du véhicule de la requérante. Par suite, ce chef de préjudice, au demeurant non présenté en première instance, ne peut en tout état de cause être retenu.

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :

7. Le tribunal n'a pas fait une inexacte appréciation des souffrances endurées par Mme B... en lui allouant la somme de 4 000 euros après application du taux de perte de chance de 50%.

8. Le tribunal administratif a fait une juste évaluation du préjudice esthétique lié aux cicatrices sur la main droite et un pied résultant des trois dernières opérations chirurgicales, en accordant à l'intéressée la somme de 2 500 euros après application du taux de perte de chance de 50%.

9. Le préjudice fonctionnel permanent estimé à 10% par l'expert a été justement évalué à la somme de 14 000 euros par les premiers juges compte tenu de l'âge de l'intéressée, indemnisé par une somme de 7 000 euros après application du taux de perte de chance de 50%.

10. Mme B... n'établit pas plus en appel qu'en première instance la pratique de la danse ou d'un instrument de musique avant ses opérations. Les difficultés invoquées dans la vie quotidienne, pour conduire un véhicule ou prendre des notes ne relèvent pas d'un tel chef de préjudice et ont été indemnisés au titre du déficit fonctionnel permanent. Elle n'est, par suite, pas fondée à demander une indemnisation à ce titre.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a fixé à 18 500 euros le montant de l'indemnité que le centre hospitalier de Gonesse a été condamné à lui verser.

Sur les frais d'expertise :

12. Le jugement attaqué ayant déjà mis à la charge définitive du centre hospitalier les frais d'expertise s'élevant à la somme de 3 454 euros, les conclusions présentées par Mme B... tendant au remboursement de ces frais sont par suite, irrecevables.

Sur les frais liés au litige :

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : L'appel incident du centre hospitalier de Gonesse et les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis de la Seine-Saint-Denis sont rejetés.

2

N°16VE01804


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE01804
Date de la décision : 21/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine LE GARS
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : SIMSEK

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-01-21;16ve01804 ?
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