Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Prudence Créole a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge des suppléments de taxe sur les excédents de provision auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 2008 et 2009, à hauteur de 147 786 euros.
Par un jugement no 1602222 du 4 juillet 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société des suppléments de taxe en litige.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 31 octobre 2017, le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de mettre à nouveau à la charge de la société Prudence Créole les suppléments de taxe dont elle a été déchargée, à hauteur de 147 786 euros.
Le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS soutient que :
- la méthode forfaitaire de calcul de la taxe sur les excédents de provision constitue un avantage pour les assujettis, qui a pour contrepartie la limitation de la réduction du taux ; l'instruction administrative du 20 septembre 1983 référencée 4 L-5-83 prévoit à cet égard, dans son paragraphe 19, que cette réduction ne peut excéder quatre années ; le dispositif ainsi prévu ne peut conduire qu'à retenir les exercices déficitaires parmi les exercices individualisés de la période N-4 à N-1 pour assurer la cohérence du dispositif ;
- la société Prudence Créole ne peut se prévaloir, dans le cadre de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, d'une interprétation antérieure de l'instruction en cause, qui aurait été donnée lors d'une précédente vérification, dès lors que ladite vérification n'a pas porté sur le décompte de la période à retenir pour le calcul de la taxe.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code des assurances ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... ;
- et les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Prudence Créole, société anonyme exerçant une activité d'assurance dommages, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices 2008 et 2009, à la suite de laquelle il lui a été notifié des rehaussements en matière de taxe sur les excédents de provision, par une proposition de rectifications du 8 décembre 2011. Le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS relève appel du jugement du Tribunal administratif de Montreuil par lequel celui-ci a déchargé la société des suppléments de taxe auxquels elle a été assujettie, pour un montant total de 147 786 euros, en droits et intérêts de retard. , société Prudence Créole
Sur le bien-fondé des suppléments de taxe en litige :
2. D'une part, l'article 235 ter X du code général des impôts, dans sa version applicable au présent litige, dispose que : " Les entreprises d'assurance de dommages de toute nature doivent, lorsqu'elles rapportent au résultat imposable d'un exercice l'excédent des provisions constituées pour faire face au règlement des sinistres advenus au cours d'un exercice antérieur, acquitter une taxe représentative de l'intérêt correspondant à l'avantage de trésorerie ainsi obtenu. /La taxe est assise sur le montant de l'impôt sur les sociétés qui aurait dû être acquitté l'année de la constitution des provisions en l'absence d'excédent. Pour le calcul de cet impôt, les excédents des provisions réintégrés sont diminués, d'une part, d'une franchise égale, pour chaque excédent, à 3 % du montant de celui-ci et des règlements de sinistres effectués au cours de l'exercice par prélèvement sur la provision correspondante, d'autre part, des dotations complémentaires constituées à la clôture du même exercice en vue de faire face à l'aggravation du coût estimé des sinistres advenus au cours d'autres exercices antérieurs. Chaque excédent de provision, après application de la franchise, et chaque dotation complémentaire sont rattachés à l'exercice au titre duquel la provision initiale a été constituée. La taxe est calculée au taux de 0,40 % par mois écoulé depuis la constitution de la provision en faisant abstraction du nombre d'années correspondant au nombre d'exercices au titre desquels il n'était pas dû d'impôt sur les sociétés. (...) ". Aux termes de l'instruction administrative référencée 4 L-5-83 du 20 septembre 1983, alors en vigueur, reprise au BOI-IS-GEO-20-20 : " 14. En pratique, le décompte de la période à retenir est effectué à partir des états B-10. Lorsque l'exploitation du tableau D des états B-10 ne permet pas de connaître l'exercice de constitution de la provision (sur les B-10, les provisions afférentes à l'exercice N-5 et aux exercices antérieurs sont regroupées en une seule colonne), chaque entreprise peut opter pour un calcul forfaitaire. Les provisions afférentes aux exercices N-5 et antérieurs sont alors réputées avoir été constituées à la clôture du septième exercice précédant celui au titre duquel la taxe est due ; le taux applicable, à condition que tous les exercices aient donné lieu au paiement de l'impôt sur les sociétés, sera donc en principe limité à 84 % pour ces exercices. (...) 18. Il résulte du deuxième alinéa du paragraphe I-1 de l'article 14, que la période à retenir pour le calcul de la taxe, déterminée ainsi qu'il est précisé ci-dessus, est diminuée du nombre d'années correspondant au nombre d'exercices au titre desquels il n'était pas dû d'impôt sur les sociétés. (...) 19. Il est souligné que, lorsque l'entreprise a opté pour la méthode de calcul forfaitaire, la réduction du taux applicable à l'assiette, constituée par les éléments afférents aux exercices N-5 et antérieurs, ne peut excéder quatre années. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " (...) Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) ".
4. Il résulte de l'instruction que la société Prudence Créole a appliqué la méthode de calcul forfaitaire de la taxe due sur les excédents de provision, prévue par le paragraphe 14 de l'instruction administrative citée au point 2. Dans le cadre de ce calcul, pour obtenir le taux applicable aux excédents de provision rapportés au cours des exercices 2008 et 2009, elle a décompté l'année 2002 pour laquelle l'impôt sur les sociétés n'était pas dû. L'administration lui a opposé, dans la proposition de rectifications du 8 décembre 2011, qui lui a été adressée, que les exercices déficitaires pouvant être pris en compte dans le cadre de la méthode de calcul forfaitaire de la taxe étaient les exercices compris dans la période N-4 à N-1, et non les exercices antérieurs de la période N-7 à N-5. Toutefois, contrairement à ce que soutient le
MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS, les termes de l'instruction fiscale en cause n'excluent en rien que les exercices déficitaires venant en réduction du taux applicable dans le cadre de la méthode forfaitaire de calcul soient antérieurs à l'exercice N-4, la seule restriction prévue par les termes de l'instruction étant celle relative au nombre d'exercices déficitaires pouvant être inclus dans le calcul forfaitaire, qui est limité à quatre. En outre, si le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS se prévaut de ce que la lecture qu'il fait de l'instruction est une lecture logique qui découle des modalités de calcul et de la globalisation sur laquelle elles se fondent, en l'absence d'éléments permettant de corroborer cette lecture dans la rédaction de l'instruction en litige ou dans sa logique d'ensemble, il n'est pas fondé à soutenir que la société Prudence Créole ne pouvait déduire, au titre des exercices déficitaires, l'année 2002, qui correspondait respectivement aux exercices N-6 et N-7 des exercices 2008 et 2009, dans le calcul forfaitaire du taux de la taxe due au titre des excédents de provision rapportés au cours de ces exercices.
5. Il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société Prudence Créole des suppléments de taxe sur les excédents de provision auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 2008 et 2009 à hauteur de 147 786 euros, en droits et intérêts de retard.
Sur les conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires :
6. Les conclusions de la société intimée tendant au versement d'intérêts moratoires sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales sont irrecevables faute de litige né et actuel avec le comptable public. Par suite, elles ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'État, partie perdante, la somme de 1 500 euros à verser à la société Prudence Créole au titre des frais exposés par elle dans le cadre de la présente instance et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS est rejetée.
Article 2 : L'État versera la somme de 1 500 euros à la société Prudence Créole en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la société Prudence Créole est rejeté.
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N° 17VE03208