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17/12/2019 | FRANCE | N°18VE02436

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 17 décembre 2019, 18VE02436


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer, d'une part, la décharge de l'obligation de payer les cotisations d'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux au titre des 2001, 2002 et 2003, ainsi que les majorations correspondantes, pour un montant total de 885 798 euros, faisant l'objet d'une mise en demeure du 24 novembre 2016, d'autre part, la décharge de l'obligation de payer les prélèvements sociaux au titre des 2000 et 2003, ainsi que les majorations correspondantes,

pour un montant total de 253 031 euros, faisant l'objet d'une mise en ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer, d'une part, la décharge de l'obligation de payer les cotisations d'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux au titre des 2001, 2002 et 2003, ainsi que les majorations correspondantes, pour un montant total de 885 798 euros, faisant l'objet d'une mise en demeure du 24 novembre 2016, d'autre part, la décharge de l'obligation de payer les prélèvements sociaux au titre des 2000 et 2003, ainsi que les majorations correspondantes, pour un montant total de 253 031 euros, faisant l'objet d'une mise en demeure du 24 novembre 2016, enfin, la décharge de l'obligation de payer les prélèvements sociaux au titre des 2001 et 2002, pour un montant total de 177 453 euros, faisant l'objet d'une mise en demeure du 24 novembre 2016.

Par un jugement n° 1745060 du 16 mai 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 juillet 2018 et 18 juillet 2019, M. D... B..., représenté par Me A..., doit être regardé comme demandant à la Cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de le décharger de l'obligation de payer la somme de 1 298 282 euros en principal, due au titre de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux des années 2000 à 2003 ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que l'action en recouvrement du comptable public était prescrite.

Vu le jugement attaqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code civil ;

- le code de procédure civile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... relève appel du jugement du 16 mai 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de décharge de l'obligation de payer les cotisations d'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux au titre des 2001, 2002 et 2003, ainsi que les majorations correspondantes, pour un montant total de 885 798 euros, faisant l'objet de trois mises en demeure du 24 novembre 2016.

Sur l'exception d'incompétence opposées par le ministre de l'action de l'action et des comptes publics en défense :

2. Le ministre estime que la Cour est saisie de conclusions tendent à l'annulation des actes de poursuite, qui sont des actes délivrés par le comptable afin de recouvrer sa créance, qui ressortissent de la compétence du juge judiciaire. Toutefois, il résulte de l'instruction que les conclusions de la requête tendent à la décharge de l'obligation de payer résultant de ces actes de poursuite et relèvent, en vertu des dispositions combinées des articles L. 281 et L. 199 du livre des procédures fiscales, de la compétence du juge administratif. Il s'ensuit que l'exception d'incompétence opposée par le ministre doit être rejetée.

Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'action de l'action et des comptes publics en défense :

3. Le ministre fait valoir, en premier lieu, que les conclusions de M. B... tendant à la décharge des impositions litigieuses sont irrecevables dès lors que l'argumentation de l'intéressé porte sur la prescription de l'action en recouvrement. Toutefois, il résulte de l'instruction que les conclusions de M. B..., en dépit de maladresses de rédaction, portent non sur l'assiette de l'imposition mais sur le recouvrement. Il s'ensuit que cette fin de non-recevoir.

4. Le ministre fait valoir, en second lieu, que les conclusions relevant du contentieux du recouvrement n'ont pas fait l'objet d'une réclamation préalable régulière. Toutefois contrairement à ce que prétend le ministre, la réclamation présentée en janvier 2017 mentionne bien les actes de poursuite litigieux ainsi que le motif de la contestation à savoir la prescription. La fin de non-recevoir ainsi opposée doit être écartée comme manquant en fait.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, dans sa version alors en vigueur : " Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. / Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de la prescription. ". Ces dispositions doivent être interprétées comme renvoyant aux causes d'interruption de la prescription extinctives définies par le code civil, et notamment son article 2244 qui prévoit que : " Le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée. ".

6. M. B... a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2001, 2002 et 2003, qui ont été mises en recouvrement le 28 février 2005, le 31 juillet 2005 et le 31 octobre 2005. Il a contesté ces impositions, avec une demande de sursis de paiement, par une réclamation enregistrée le 2 janvier 2006, puis une requête rejetée par le Tribunal administratif de Lille le 6 décembre 2007. L'administration a ensuite émis trois avis à tiers détenteur les 16 juin, 15 octobre et 27 octobre 2008, notifiés à M. B... les 19 juin, 18 octobre et 4 novembre 2008. Elle a ensuite assigné M. B... devant le Tribunal de grande instance de Lille dans le cadre d'une action en déclaration de simulation à l'issue de laquelle le tribunal a prononcé, le 29 août 2011, la réintégration dans le patrimoine de M. B... de l'immeuble sis 16, rue de Chevreul à Paris. L'administration a ensuite signifié à M. B..., par un huissier de finances publiques, trois mises en demeure de payer datées du 25 avril 2012. Il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté que chacun de ces actes émis par l'administration a interrompu la prescription de l'action en recouvrement des impositions mises à la charge de M. B... jusqu'au 25 avril 2016.

7. A à la suite d'une demande de saisie-vente des biens de M. B... situés à l'adresse du 83 rue Manuel à Lille, demandée par le comptable public responsable du service des impôts des particuliers de Grand Lille Est, pour le recouvrement des sommes mises à la charge de M. B..., un procès-verbal de perquisition a été établi le 16 mai 2014 par l'huissier des finances publiques, le requérant soutient que ce procès-verbal de perquisition n'a pu interrompre la prescription.

8. Aux termes de l'article L. 258 du livre des procédures fiscales : " (...) Les poursuites sont effectuées dans les formes prévues par le nouveau code de procédure civile pour le recouvrement des créances. Elles sont opérées par huissier de justice ou par tout agent de l'administration habilité à exercer des poursuites au nom du comptable ". Aux termes de l'article 659 du nouveau code de procédure civile : " Lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'il est fait usage du procès-verbal qu'elles mentionnent, l'huissier, ou l'agent de l'administration commissionné à cet effet, doit avoir au préalable effectué des diligences suffisantes pour rechercher l'adresse du redevable de l'impôt ;

9. Si un procès-verbal de perquisition ne constitue pas une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ni un acte d'exécution forcée, et ne peut, contrairement à ce que soutient le ministre en défense, être assimilé à un procès-verbal de carence, il constitue toutefois un acte de poursuite susceptible d'interrompre la prescription de l'action en recouvrement s'il est régulièrement notifié.

10. En l'espèce, il est établi, le procès-verbal de perquisition, établi le 16 mai 2014 par l'huissier des finances publiques, fait état d'un domicile connu du requérant au 83 rue Manuel à Lille et précise que ce dernier est parti sans laisser d'adresse à la suite d'une expulsion judiciaire en avril 2013. Il résulte de l'instruction que cette adresse était celle à laquelle l'administration avait notifié divers actes de procédure à l'intéressé, et que ce dernier ne justifie pas avoir déclaré de nouvelle adresse au service à la date du procès-verbal litigieux. Ainsi, M. B... pouvait être regardé comme n'ayant ni domicile, ni résidence ni lieu de travail connu de l'administration fiscale au sens et pour l'application de l'article 659 du nouveau code de procédure civile précité. Toutefois, le procès-verbal litigieux ne fait état d'aucune diligence précise accomplie par l'huissier des finances publiques, la circonstance que le redevable ait fait l'objet d'une expulsion locative ne dispensant pas l'auteur du procès-verbal d'accomplir de telles démarches. Dès lors, et contrairement à ce que soutient le ministre en défense, le procès-verbal de perquisition établi le 16 mai 2014 n'a pu avoir pour effet d'interrompre le cours de la prescription de l'action en recouvrement des impositions en litige.

11. M. B... a enfin été destinataire d'un avis à tiers détenteur en date du 18 juin 2014 et de trois mises en demeure datées du 19 juin 2014 qui lui été notifiées au 14 rue Emile Dubois à Paris 14ème mais qui ont été retournées au service avec la mention " pli avisé - non réclamé ". M. B... soutient que ces actes, qui ne lui ont pas été régulièrement notifiés, n'ont pas pu interrompre la prescription. Le ministre fait valoir qu'après avoir constaté, dans le cadre de la procédure de saisie-vente, que M. B... avait quitté son domicile lillois sans laisser d'adresse, a adressé les actes litigieux à une adresse mentionnée au fichier des comptes bancaires. Cependant, les informations figurant au fichier des comptes bancaires n'ont qu'une valeur déclarative insuffisante pour établir l'adresse de l'intéressé. Il résulte de l'instruction que M. B..., qui établit être domicilié .... Dans ces conditions, l'administration fiscale ne peut être regardée comme ayant notifié les actes litigieux à la dernière adresse connue du redevable. Dès lors, et contrairement à ce que soutient le ministre en défense, l'avis à tiers détenteur en date du 18 juin 2014 et les trois mises en demeure datées du 19 juin 2014, qui n'ont pas été régulièrement notifiées, n'ont pu avoir pour effet d'interrompre le cours de la prescription de l'action en recouvrement des impositions en litige.

12. L'administration ne se prévalant d'aucun autre acte interruptif de prescription dans le délai de quatre ans à compter de la mise en recouvrement, M. B... soutient, à bon droit, que la prescription lui était acquise à la date à laquelle les trois mises en demeure du 24 novembre 2016 ont été émis.

13. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions présentées par M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil en date du 16 mai 2018 est annulé.

Article 2 : M. B... est déchargé de l'obligation de payer la somme de 1 298 282 euros en principal, due au titre de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux des années 2000 à 2003.

Article 3 : Le surplus de la requête de M. B... est rejeté.

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N° 18VE02436


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18VE02436
Date de la décision : 17/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Recouvrement - Action en recouvrement - Prescription.

Contributions et taxes - Généralités - Recouvrement - Action en recouvrement - Actes de poursuite.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Alice DIBIE
Rapporteur public ?: M. CHAYVIALLE
Avocat(s) : LEW

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-12-17;18ve02436 ?
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