Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête enregistrée le 15 avril 2016, la SOCIÉTÉ SANOFI WINTHROP INDUSTRIE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 ainsi que des majorations correspondantes, pour un montant global de 375 142 euros.
Par un jugement n° 1602816 du 13 avril 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 15 juin 2017 et 31 mai 2018, la SOCIÉTÉ SANOFI WINTHROP INDUSTRIE, représentée par Me Gréteau, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 pour un montant total de 375 142 euros ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SOCIÉTÉ SANOFI WINTHROP INDUSTRIE soutient que :
- ses dépenses de mécénat doivent être comptabilisées comme " services extérieurs " dans le compte 623 en application de l'article 1586 sexies du code général des impôts, de l'article 38 quater de l'annexe III de ce code et du plan comptable général, qui prévoit l'inscription au compte 6238 dans les charges d'exploitation de ces dépenses lorsqu'elles sont récurrentes, comme en l'espèce, puisque la régularité des dons à l'OMS est établie par les relations suivies entretenues avec cette organisation internationale avec laquelle des contrats comportant des engagements précis sont conclus depuis 2001 pour des durées de 5 ans, en dernier lieu pour les périodes 2006-2011 et 2012-2016 ; aucune autre comptabilisation qu'au compte 6238 n'est possible ; l'administration s'écarte à tort des prescriptions comptables et du principe de la connexion fiscalo-comptable en dissociant parmi les services extérieurs ceux correspondant à des services fournis par des tiers des autres charges externes ;
- elle peut se prévaloir de la doctrine BOI-CVAE-BASE-20-20140923 n° 250 sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales ; cette doctrine exclut de la base taxable à la CVAE l'ensemble des charges à comptabiliser dans les comptes 611 et 613 à 629, incluant donc le compte 623, sans limitation ;
- à titre subsidiaire, les opérations de mécénat qu'elle a réalisées l'ont été dans son intérêt propre et ne sauraient constituer une libéralité ; elles ont, contrairement au mécénat des particuliers, de multiples contreparties : contrepartie financière sous la forme d'une réduction d'impôt sur les sociétés, promotion du nom de l'entreprise et effets de marque, promotion de la politique de responsabilité sociale et environnementale de l'entreprise (RSE), mobilisation des salariés et construction d'une culture d'entreprise ;
- enfin, il y a lieu de tenir compte de la particularité du mécénat en nature : les charges de sortie des stocks consécutives aux opérations de mécénat doivent être retenues en minoration de la valeur ajoutée servant d'assiette à la CVAE comme l'a jugé le Conseil d'Etat dans une décision du 16 mars 2016 n° 383536 SA Guyenne et Gascogne ; l'article 1586 sexies du code général des impôts dispose en effet que, parmi les comptes retenus pour sa détermination, la valeur ajoutée doit être minorée de la variation négative des stocks (débit du compte 6037 et crédit du compte de stocks 37) ;
- elle entend se prévaloir d'une décision du 9 mai 2018 n° 388209 Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Pyrénées Gascogne, par laquelle le Conseil d'Etat donne raison aux contribuables qui se sont appuyés sur les prescriptions comptables pour déduire les dépenses de mécénat inscrites en charges d'exploitation pour le calcul de la valeur ajoutée ;
- la réalité comme le montant des dons en nature ont été validés par le service d'assiette au stade de la procédure de contrôle sans être contestés (pièce 12) ; la société a pu présenter la régularité de ses écritures : dans son montant, le don en nature a porté sur un montant de 1 341 595 euros ; dans son principe, le don a été inscrit en transfert de charges (791) et a été déduit en charges d'exploitation par le compte d'exploitation 6238 ; contrairement à ce que soutient l'administration, les dons en nature s'inscrivent dans une pratique récurrente, correspondant à l'activité normale de la société.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le règlement n° 99-03 du 29 avril 1999 du comité de la réglementation comptable ;
- le règlement n° 2002-03 du 12 décembre 2002 du comité de la réglementation comptable ;
- le règlement n° 2005-04 du 3 novembre 2005 du comité de la réglementation comptable ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dibie, rapporteur,
- et les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. À la suite d'une vérification de sa comptabilité, la SOCIÉTÉ SANOFI WINTHROP INDUSTRIE a été notamment assujettie à des cotisations supplémentaires de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises résultant de la remise en cause par le service de l'exclusion du calcul de la valeur ajoutée de dépenses de mécénat à laquelle elle avait procédé au titre des années 2010 et 2011. Elle relève appel du jugement du 13 avril 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête tendant à la décharge de ces impositions.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes du 1 du II de l'article 1586 ter du code général des impôts : " La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à une fraction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie à l'article 1586 sexies ". Aux termes du 4 de l'article 1586 sexies de ce code : " La valeur ajoutée est égale à la différence entre : / a) D'une part, le chiffre d'affaires (...) b) Et, d'autre part : (...) - les services extérieurs diminués des rabais, remises et ristournes obtenus (...) ". Ces dispositions fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée en fonction de laquelle est calculée la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, il y a lieu de se reporter aux dispositions du plan comptable général dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée.
3. En l'absence de dispositions spécifiques pour la comptabilisation des dépenses de mécénat, il y a lieu de rattacher de telles dépenses aux dons. Le règlement du comité de la réglementation comptable du 23 avril 1999 prescrit un enregistrement des dons, selon le cas, dans les charges d'exploitation mentionnées au compte de " services extérieurs " 6238 " divers (pourboires, dons courants...) ", ou dans les charges exceptionnelles mentionnées au compte 6713 " dons, libéralités ". Les dépenses de mécénat réalisées par une entreprise doivent ainsi être comptabilisées en charges exceptionnelles lorsqu'elles ne peuvent pas être regardées, compte tenu des circonstances de fait, notamment de leur absence de caractère récurrent, comme relevant de l'activité habituelle et ordinaire de l'entreprise et en charges d'exploitation dans le cas contraire.
4. La SOCIÉTÉ SANOFI WINTHROP INDUSTRIE soutient qu'elle a comptabilisé les dépenses litigieuses à hauteur de 21 600 487 euros au titre de son exercice clos en 2010 et 1 056 226 euros au titre de son exercice clos en 2011 au débit du compte 6238 " Divers (pourboires, dons courants) ", subdivision du compte 623 " Publicité, publications, relations publiques ", rattaché au compte 62 " Autres services extérieurs ", correspondant à des charges d'exploitation. Elle affirme que ces sommes correspondent à l'exécution d'opérations de mécénat menées avec l'Organisation mondiale de la santé (OMS), institution spécialisée de l'Organisation des Nations Unies (ONU) pour la santé publique, sous la forme notamment de dons en nature.
5. En premier lieu, dans le cadre d'un contrat conclu le 10 octobre 2006 avec l'Organisation mondiale de la santé, et couvrant les années 2006 0 2010, la société requérante s'est engagée à faire don de 16 millions d'euros en numéraire sur cinq ans, soit une moyenne de 320 000 euros par an, aucune information n'étant par ailleurs fournie sur les montants effectivement versés au titre des années précédentes. Un montant de 3 300 215 euros a été versé en décembre 2010, dernier exercice d'application de ce contrat, et comptabilisé au titre de l'exercice clos en 2010 au compte d'exploitation 6238 " Divers (pourboires, dons courants ". Toutefois, cette seule circonstance ne permet pas d'établir que cette somme de 3 3000 215 euros est en lien avec l'exécution du contrat sur ladite période, ni, par suite, d'établir le caractère récurrent de ce don de 3 300 215 euros.
6. En deuxième lieu, il résulte encore de l'instruction que la société requérante a conclu le 28 février 2011 avec l'Organisation mondiale de la santé un second contrat, stipulant une donation en numéraire et en nature de 25 millions de dollars américains équivalant à 18 300 270 euros, sur cinq ans. La société requérante soutient que le montant intégral de cette donation a été comptabilisée au titre de l'exercice clos en 2010 au même compte d'exploitation 6238 " Divers (pourboires, dons courants ". Toutefois, la société requérante n'établit pas, par les pièces produites devant le juge d'appel, que ce don, dont les stipulations contractuelles, confirmées par un courrier de son directeur général du 15 décembre 2010, prévoyaient une répartition sur cinq années pour un montant annuel moyen de 5 millions de dollars américains équivalant à 3 660 054 euros, correspondrait à l'exécution de ce contrat, et n'explique ni les motifs pour lesquels elle aurait versé en une seule fois la totalité de cette somme ni pourquoi cette somme a été versée en 2010 antérieurement à la signature du contrat qu'elle prétendait exécuter et à la période d'exécution dudit contrat.
7. En dernier lieu, il résulte enfin de l'instruction que dans le cadre de ce second contrat, un montant en numéraire de 3 millions de dollars (2 803 186 euros) a été enregistré au titre de l'exercice clos en 2011 au compte 6238 " Divers (pourboires, dons courants) ", et un montant de 1 341 595 euros de dons de médicaments a été enregistré au même compte. Toutefois, ce montant ne correspond ni aux écritures de la société requérante qui font état de 1 056 226 euros de dons exclusivement en nature, ni aux mentions figurant dans un tableau de l'Organisation mondiale de la santé indiquant que les dons en espèces de la fondation Sanofi en 2011 se sont élevés à 3,8 millions de dollars soit 2 803 186 euros, et les dons en nature pour un montant de 1 341 595 euros. Dans ces conditions, la nature des sommes enregistrées en comptabilité n'est pas justifiée.
8. Il résulte de ce qui précède que la SOCIÉTÉ SANOFI WINTHROP INDUSTRIE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIÉTÉ SANOFI WINTHROP INDUSTRIE est rejetée.
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N° 17VE01886