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03/12/2019 | FRANCE | N°18VE03461

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 03 décembre 2019, 18VE03461


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société NABET DECOR RENOVATION a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 14 septembre 2015 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge, d'une part, la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et, d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'e

ntrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour des montants respect...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société NABET DECOR RENOVATION a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 14 septembre 2015 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge, d'une part, la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et, d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour des montants respectifs de 35 100 euros et 2 124 euros.

Par un jugement n° 1600318 du 4 octobre 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 octobre 2018, la société NABET DECOR RENOVATION, représentée par Me Meurou, avocat, demande à la Cour d'annuler ce jugement et la décision du 14 septembre 2015.

Elle soutient que :

- la décision du 14 septembre 2015 a été prise par un auteur incompétent ;

- elle n'a pas employé l'un des deux ressortissants étrangers en cause ;

- elle a effectué la déclaration préalable à l'embauche de l'autre des deux ressortissants étrangers en cause et fait preuve de bonne foi ;

- la décision du 14 septembre 2015 est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la société, dont elle menace la survie.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'occasion d'un contrôle effectué par les services de police le 18 novembre 2014 sur un chantier situé sur la commune d'Ermont (95), l'administration a relevé la présence de deux ressortissants égyptiens dépourvus de titres les autorisant à séjourner et à travailler en France. Par une décision du 14 septembre 2015, le directeur général de l'OFII a mis à la charge de la société NABET DECOR RENOVATION la somme de 35 100 euros correspondant à la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail et celle de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La société NABET DECOR RENOVATION relève appel du jugement du 4 octobre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 14 septembre 2015.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe de la décision litigieuse :

2. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, qui sont suffisamment circonstanciés et qui ne sont pas critiqués en appel, d'écarter le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée.

En ce qui concerne la légalité interne de la décision litigieuse :

3. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. (...) ". Aux termes de l'article R. 8253-2 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-467 du 4 juin 2013 : " I. - Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II.-Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7 (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine (...) ".

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction, particulièrement des déclarations du gérant de la société requérante, en date du 22 janvier 2015, qu'il a embauché l'un des deux étrangers en cause en le sachant dépourvu de titre l'autorisant à travailler en France. La société requérante a par conséquent manqué aux obligations lui incombant en application des dispositions ci-dessus mentionnées, de sorte que son moyen tiré de leur violation ne peut qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, si la requérante conteste avoir employé l'autre étranger en cause, il ressort du compte rendu d'enquête après identification, dressé par les services de police, dont les constatations font foi jusqu'à preuve du contraire, ainsi qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 8113-7 premier alinéa et L. 8271-17 premier alinéa du code du travail, que l'intéressé a été trouvé, lors du contrôle du 18 novembre 2014, en train de peindre en compagnie du salarié de la requérante mentionné au point 4 du présent arrêt, sur le chantier de rénovation situé sur la commune d'Ermont où la société requérante effectuait des travaux d'enduit et de peinture comme l'a déclaré son gérant lors de son audition du 22 janvier 2015. Ces faits suffisent à établir l'existence d'une relation de travail entre la société requérante et l'étranger en cause. La circonstance qu'un tiers ait attesté, le 20 septembre 2015, avoir fait appel aux services de cet étranger pour effectuer des travaux de peinture dans son appartement sans passer par la société requérante n'est pas de nature à remettre en cause ces faits. Par conséquent, le moyen tiré de l'erreur sur la matérialité des faits ne peut qu'être écarté.

6. En dernier lieu, les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail et celles de l'article R. 8253-2, dans sa rédaction issue de l'article 1er du décret du 4 juin 2013, n'autorisent l'administration à minorer le montant de la contribution spéciale que dans le cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Ainsi, le moyen tiré de ce que les sommes réclamées auraient pour conséquence de mettre en péril la survie de la société ne peut être utilement soulevé pour demander la modulation des contributions mises à la charge de la société requérante.

7. Il résulte de ce qui précède que la société NABET DECOR RENOVATION n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société NABET DECOR RENOVATION une somme de 1 500 euros à verser à l'OFII au titre des frais qu'il a exposés, non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société NABET DECOR RENOVATION est rejetée.

Article 2 : La société NABET DECOR RENOVATION versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est rejeté.

N° 18VE03461 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03461
Date de la décision : 03/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles. Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Caroline GROSSHOLZ
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : MEUROU

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-12-03;18ve03461 ?
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