Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2010.
Par un jugement no 1601969 du 28 mars 2018, le Tribunal administratif de
Cergy-Pontoise a prononcé la décharge de la cotisation en litige.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 juin 2018, un mémoire complémentaire, enregistré le 3 avril 2019, et une pièce complémentaire, enregistrée le 17 septembre 2019, le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de remettre à la charge de M. C... la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2010.
Le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS soutient que :
- les conditions tenant à l'exigence d'un débat oral et contradictoire ont été respectées ;
- la proposition de rectification est suffisamment motivée ;
- l'article L. 169 du livre des procédures fiscales s'applique en combinaison avec les articles 1649 quater E et 1649 quater H du code général des impôts et la limitation du délai de reprise qu'il prévoit ne concerne que les déclarations de résultats ;
- le raisonnement des premiers juges conduit à une méconnaissance du principe d'égalité ;
- les conclusions présentées aux fins de remboursement de sommes versées sont sans objet, dès lors qu'il a été procédé le 13 juin 2018 au dégrèvement des sommes en litige ;
- les conclusions indemnitaires n'ayant pas fait l'objet d'une réclamation préalable, n'ayant pas été présentées en première instance, ni par requête distincte, elles sont irrecevables ;
- en tout état de cause, M. C... ne justifie pas des préjudices allégués par le seul paiement de l'impôt.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... ;
- et les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Lors d'une vérification de comptabilité de l'activité de chirurgien-dentiste de
M. C... au cours des années 2010 et 2011, l'administration a constaté que le contribuable n'avait pas reporté, sur sa déclaration de revenus de l'année 2010, la plus-value à long terme liée à la vente de son cabinet privé. Elle lui a notifié des rehaussements d'impôt sur le revenu et de contributions sociales par une proposition de rectification en date du 12 décembre 2013. Le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé la décharge de ce supplément d'imposition.
Sur les fins de non-recevoir opposées par le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS aux conclusions présentées par M. C... :
2. En premier lieu, M. C... demande le remboursement des sommes déjà versées au titre des impositions en litige. Toutefois, l'administration a prononcé le dégrèvement de ces impositions en exécution du jugement attaqué par une décision du 13 juin 2018, non contestée par l'intéressé. En conséquence, la fin de non-recevoir opposée à ces conclusions doit être accueillie.
3. En second lieu, M. C... présente des conclusions aux fins d'indemnisation de préjudices à caractère économique et moral qu'il estime avoir subis en raison des impositions supplémentaires mises à sa charge. Toutefois, ces conclusions, présentées pour la première fois en appel, sont irrecevables et, comme le fait valoir le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS, ne peuvent qu'être rejetées.
Sur le bien-fondé des impositions :
4. Aux termes de l'article L. 168 du livre des procédures fiscales : " Les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette de l'impôt, les insuffisances, les inexactitudes ou les erreurs d'imposition peuvent être réparées par l'administration des impôts ou par l'administration des douanes et droits indirects, selon le cas, dans les conditions et dans les délais prévus aux articles L. 169 à L. 189, sauf dispositions contraires du code général des impôts. ". Et aux termes de l'article L. 169 du même livre, dans sa version applicable au présent litige : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration, pour les revenus imposables selon un régime réel dans les catégories des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices non commerciaux et des bénéfices agricoles ainsi que pour les revenus imposables à l'impôt sur les sociétés des entrepreneurs individuels à responsabilité limitée, et des sociétés à responsabilité limitée, des exploitations agricoles à responsabilité limitée et des sociétés d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont l'associé unique est une personne physique, s'exerce jusqu'à la fin de la deuxième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable est adhérent d'un centre de gestion agréé ou d'une association agréée, pour les périodes au titre desquelles le service des impôts des entreprises a reçu une copie du compte rendu de mission prévu aux articles 1649 quater E et 1649 quater H du code général des impôts. Cette réduction de délai ne s'applique pas aux contribuables pour lesquels des pénalités autres que les intérêts de retard auront été appliquées sur les périodes d'imposition non prescrites visées au présent alinéa. (...) ". En application de ces dispositions, bénéficient d'une prescription réduite à deux ans, certains bénéfices, dont les bénéfices non commerciaux, dont les titulaires, d'une part, sont adhérents d'un centre de gestion agréé ou d'une association de gestion agréée, d'autre part, n'ont pas fait l'objet de majorations autres que d'intérêts de retard au cours des deux années non prescrites.
5. Il résulte de l'instruction que, suite à la cession, le 19 mars 2010, des murs de son cabinet dentaire, M. C... a réalisé une plus-value nette à long terme d'un montant de 327 307 euros dont il a fait état sur sa déclaration professionnelle n° 2035 dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, sans toutefois la reporter sur sa déclaration des revenus complémentaires n° 2042, à la ligne 5QD " plus-value de cession taxables à 16 % ". Si, par une décision du
30 septembre 2015 statuant sur la réclamation de l'intéressé, l'administration a maintenu la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu mise à la charge du requérant en raison du défaut du report de la plus-value professionnelle, elle a substitué à la majoration de 40 % pour manquement délibéré initialement infligée celle de 10 % pour insuffisance de déclaration, en application de l'article 1758 A du code général des impôts.
6. En premier lieu, l'erreur commise par le contribuable concerne le défaut de report sur sa déclaration d'ensemble de revenus au titre de l'année 2010, de la plus-value mentionnée dans sa déclaration de bénéfices non commerciaux. Contrairement à ce que soutient l'administration, cette circonstance n'est pas de nature à lui retirer le bénéfice du délai réduit de prescription institué par les dispositions du livre des procédures fiscales citées au paragraphe 4. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance du champ d'application de ce délai réduit de prescription doit être écarté.
7. En deuxième lieu, l'administration ayant procédé en 2013 au rehaussement litigieux, son droit de reprise s'étendait à l'année 2010 en application du délai de droit commun prévu au premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales. La réduction de ce délai ne pouvait bénéficier à M. C..., dont il n'est pas contesté qu'il remplissait la condition de contrôle effectif par un organisme de gestion agréée, si aucune majoration autre que les intérêts de retard ne lui avait été infligée au titre des années suivantes non prescrites, à savoir 2011 et 2012. L'administration n'établit pas ni même n'allègue avoir infligé de majoration au titre des années 2011 et 2012. Ainsi, le contribuable pouvait se prévaloir de la prescription de l'année 2010, alors même que la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contribution sociale au titre de cette année a fait l'objet, comme il a été dit, de la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts. Dans ces conditions, le moyen tiré du calcul erroné du délai de prescription doit également être écarté.
8. En dernier lieu, il n'appartient pas au juge administratif, en dehors des cas où il est saisi dans les conditions prévues aux articles 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et R. 771-3 du code de justice administrative, de se prononcer sur un moyen tiré de la non-conformité de dispositions législatives aux droits et libertés garantis par la Constitution. Par suite, le moyen tiré de ce que le délai de reprise réduit institué par le 2ème alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, crée une rupture d'égalité entre les contribuables, selon qu'ils sont ou non adhérents d'un centre de gestion agréé ou d'une association de gestion agréée, ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a déchargé M. C... de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2010.
Sur les conclusions de M. C... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à M. C... au titre des frais exposés par lui dans la présente instance et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS est rejetée.
Article 2 : L'État versera la somme de 1 500 euros à M. C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. C... est rejeté.
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N° 18VE02186