Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... B... ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009.
Par un jugement n° 1604445 du 6 mars 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 2 mai 2018, M. et Mme B..., représentés par Me Tedgui, avocat, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'administration fiscale n'établit pas le désinvestissement effectif des sommes qu'elle a regardé comme constituant des revenus distribués par la SARL Derya ;
- ils ne pouvaient être regardés comme bénéficiaires de ces distributions dès lors que la maîtrise de l'affaire était principalement exercée par M. C... ;
- le service ne pouvait regarder Mme B... comme ayant la qualité de maître de l'affaire sans avoir, au préalable, demandé à la SARL Derya de fournir toutes indications sur le bénéficiaire des recettes distribuées en vertu de l'article 117 du code général des impôts ;
- s'agissant des autres chefs de rehaussement dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, l'administration fiscale n'établit ni que les sommes en cause proviendraient de personnes morales, ni qu'ils auraient à l'égard de ces sociétés la qualité de gérants, d'actionnaires ou de maîtres de l'affaire ;
- les manquements qui leur sont imputés ne présentent en tout état de cause aucun caractère délibéré du fait du placement de la SARL Derya en procédure de liquidation judiciaire lors du déroulement des opérations de contrôle.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Illouz, conseiller,
- et les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Derya a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a notamment notifié des suppléments en matière d'impôt sur les sociétés. Estimant que ce rehaussement révélait l'existence de revenus distribués par cette société à son associée gérante, Mme B..., l'administration fiscale a diligenté un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de celle-ci et de son époux, à l'issue duquel elle leur a notifié des suppléments d'impôt sur le revenu au titre des années 2008 et 2009 résultant notamment de la réintégration, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, des distributions provenant de la SARL Derya. M. et Mme B... relèvent régulièrement appel du jugement du 6 mars 2018 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur les revenus distribués par la SARL Derya :
2. En vertu du 3 de l'article 158 du code général des impôts, sont notamment imposables à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les revenus considérés comme distribués en application des articles 109 et suivants de ce code. Aux termes de l'article 109 dudit code : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) ". L'article 110 du même code dispose que : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ". M. et Mme B... n'ayant pas accepté les rehaussements notifiés sur le fondement de ces dispositions, il incombe à l'administration fiscale de prouver, d'une part, l'existence des bénéfices qui auraient été distribués par la société, et, d'autre part, le montant des sommes qui auraient été attribuées à cet associé personnellement.
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'au cours des opérations de contrôle de la SARL Derya, le service vérificateur, après avoir rejeté la comptabilité de cette société, a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires. Les appelants ne contestent dans la présente instance ni le bien-fondé du rejet de cette comptabilité, ni la pertinence de la méthode de reconstitution mise en oeuvre par le vérificateur. Il résulte également de l'instruction qu'aucune délibération relative à l'affectation des bénéfices de la société n'a été adoptée par ses associés. Dans ces conditions, l'administration fiscale était fondée à mettre en oeuvre la présomption de distribution des bénéfices de la SARL Derya en application des dispositions du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts. En se bornant à soutenir qu'il appartenait au service vérificateur d'examiner les seuls flux financiers apparents de la société, alors que celui-ci s'est livré à l'analyse de l'intégralité des opérations réellement exécutées par celle-ci, les appelants n'établissent pas l'absence de désinvestissement des bénéfices dont ils se prévalent. Ceux-ci ne sauraient, par ailleurs, utilement invoquer la procédure de liquidation judiciaire dans laquelle cette société était placée à la date des opérations de contrôle. Par suite, le moyen tiré de l'inexistence des distributions en litige doit être écarté.
4. En second lieu, en cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.
5. Les appelants se bornent à faire valoir que la maîtrise de l'affaire était exercée par M. C..., détenteur selon eux de la moitié des parts de la société et de la signature de ses comptes et agissant en véritable gérant de fait en raison de l'absence de maîtrise du français de Mme B.... Ceux-ci ne produisent toutefois aucun élément à l'appui de leurs allégations. Le ministre de l'action et des comptes publics fait quant à lui valoir sans être contredit que Mme B... était elle aussi détentrice de la moitié des parts sociales et de la signature sociale au cours de la période en litige, et que l'intéressée était gérante de droit sur l'ensemble de cette période, qu'elle procédait à l'encaissement des chèques et qu'elle représentait la société vis-à-vis des tiers, et notamment de ses clients. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale, qui n'était pas tenue d'inviter préalablement la société à lui fournir des indications sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts avant de recourir à ce faisceau d'indices, a regardé Mme B... comme ayant la qualité de maître de l'affaire pour imposer entre ses mains les distributions émanant de la SARL Derya. Les conclusions des appelants tendant à la décharge des impositions supplémentaires au titre de ce chef de rehaussement doivent, par suite, être rejetées.
Sur les autres revenus de capitaux mobiliers :
6. Aux termes de l'article 156 du code général des impôts : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. (...) ". L'article 108 de ce code énonce que : " Les dispositions des articles 109 à 117 fixent les règles suivant lesquelles sont déterminés les revenus distribués par : / 1° Les personnes morales passibles de l'impôt prévu au chapitre II du présent titre (...) ".
7. Il résulte de l'instruction que le service vérificateur a également réintégré au sein des revenus de capitaux mobiliers perçus par les appelants au cours des années 2008 et 2009 des sommes portées au crédit de leurs comptes bancaires. Il résulte de l'instruction qu'en réponse à une demande d'éclaircissements, M. et Mme B... ont eux-mêmes indiqué que ces sommes provenaient pour partie de la société Pro Carrelage, et pour partie d'autres sociétés commerciales gérées par des compatriotes auxquels ils auraient ensuite remis des espèces retirées depuis les comptes bancaires ainsi approvisionnés. Ceux-ci ne sauraient, dès lors, sérieusement soutenir que l'administration fiscale, qui s'est fondée sur leurs propres déclarations, n'aurait pas établi que les sommes en cause proviendraient d'une personne morale. S'agissant des sommes provenant de sociétés gérées par des compatriotes, il résulte de ce qui vient d'être dit que M. et Mme B... ont eu la disposition des sommes en cause, que l'administration fiscale a pu, dès lors, qualifier à bon droit de revenu, quel que soit l'usage que les intéressés aient par la suite fait de ces sommes. En ce qui concerne les sommes issues de la société Pro Carrelage, il résulte de l'instruction que les contribuables ont admis être les gérants de cette société dans leur courrier d'observation en réponse à la proposition de rectification. Ceux-ci ne fournissent aucune autre justification de la perception de sommes en provenance de cette société et n'établissent ni même n'allèguent que l'ensemble des sommes en litige relèveraient d'une taxation dans une catégorie autre que les revenus de capitaux mobiliers. Leurs conclusions tendant à la décharge des impositions supplémentaires résultant de ce chef de rehaussement doivent, par suite, être rejetées.
Sur les pénalités :
8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée (...) la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ".
9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. et Mme B... ne sont pas fondés à solliciter la décharge des pénalités en litige en conséquence de la décharge, en droits, des impositions supplémentaires mises à leur charge.
10. En deuxième lieu, pour établir le caractère intentionnel du manquement du contribuable à son obligation déclarative, l'administration doit se placer au moment de la déclaration ou de la présentation de l'acte comportant l'indication des éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt. Elle doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt. Il suit de là que les appelants, qui ne contestent pas que Mme B... a eu la qualité de gérante de droit de la SARL Derya au cours de l'ensemble de la période d'imposition en litige, ne sont pas fondés, en tout état de cause, à se prévaloir de ce que cette société était placée en procédure de liquidation judiciaire ni des carences de son mandataire judiciaire au cours de la période, postérieure, de contrôle dont elle a fait l'objet.
11. En troisième et dernier lieu, le ministre de l'action et des comptes publics fait valoir que les contribuables ont omis de déclarer, au titre de chacune des deux années d'imposition en litige, plus de 150 000 euros de revenus. Il résulte de l'instruction que ces sommes représentent respectivement près de huit fois les revenus spontanément déclarés au titre de l'année 2008 et plus de dix fois ceux déclarés au titre de l'année 2009. Ainsi, les appelants ne pouvaient ignorer, au regard de l'importance des sommes en cause, et alors que Mme B... doit être regardée comme ayant exercé la maîtrise de l'affaire de la SARL Derya, ainsi qu'il a été dit au point 5, l'existence de revenus non déclarés. Le ministre de l'action et des comptes publics apporte dès lors la preuve, qui lui incombe, du caractère délibéré de ces manquements. Les conclusions de M. et Mme B... tendant à la décharge des pénalités infligés sur le fondement du a. de l'article 1729 du code général des impôts doivent, par suite, être rejetées.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
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N° 18VE01502