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21/11/2019 | FRANCE | N°18VE01258

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 21 novembre 2019, 18VE01258


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis du 11 août 2016 rejetant sa demande d'indemnisation des préjudices qu'il aurait subis du fait du refus de prononcer son intégration ou son détachement dans le cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux avant le 25 novembre 2014 et de condamner le département de la Seine-Saint-Denis à lui verser la somme de 9 671,10 euros,

assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2016 et de la capitalisation...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis du 11 août 2016 rejetant sa demande d'indemnisation des préjudices qu'il aurait subis du fait du refus de prononcer son intégration ou son détachement dans le cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux avant le 25 novembre 2014 et de condamner le département de la Seine-Saint-Denis à lui verser la somme de 9 671,10 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2016 et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1607622 du 13 février 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 avril 2018, M. A... C..., représenté par Me Senejean, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de condamner le département de la Seine-Saint-Denis à lui verser la somme de 9 671,10 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2016 et de la capitalisation des intérêts ;

3° de mettre à la charge du département de la Seine-Saint-Denis la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire dès lors qu'une pièce a été transmise au tribunal, à leur demande, par le département quatre jours avant l'audience ; elle ne lui a pas été communiquée et n'a pas été visée, en contradiction avec les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, alors qu'elle a nécessairement eu une incidence sur le sens du jugement ;

- ils ont omis de répondre aux moyens tirés, d'une part, de ce que le département n'établissait pas que le niveau des indemnités des deux cadres d'emplois en question était identique et, d'autre part, de ce que le préjudice moral était notamment lié à la circonstance que le requérant a été maintenu dans une situation irrégulière, le privant de toute possibilité d'avancement ou d'évolution de carrière ;

- le jugement est entaché d'une erreur de droit et d'une dénaturation des pièces du dossier en ce qui concerne l'étendue de la responsabilité pour faute et la période de responsabilité retenue ;

- il est entaché d'une dénaturation des pièces du dossier et d'une erreur d'appréciation des préjudices subis.

.....................................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 2002-61 du 14 janvier 2002 relatif à l'indemnité d'administration et de technicité ;

- la délibération n° 2002-XII-02 du 17 décembre 2002 du conseil général de la Seine-Saint-Denis relative au régime indemnitaire lié au grade des agents départementaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., substituant Me D..., pour le département de la Seine-Saint-Denis.

Une note en délibéré présentée pour le département de la Seine-Saint-Denis a été enregistrée le 25 octobre 2019.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., fonctionnaire du cadre d'emplois des adjoints administratifs territoriaux puis de celui des adjoints techniques territoriaux, en fonction au sein des services du département de la Seine-Saint-Denis jusqu'à son admission à la retraite le 1er octobre 2016, relève appel du jugement du 13 février 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de la Seine-Saint-Denis à lui verser la somme de 9 671,10 euros en réparation des préjudices qu'il aurait subis en raison du refus de prononcer son intégration ou son détachement dans le cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux avant le 25 novembre 2014.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire ". L'article R. 611-1 du même code dispose en son dernier alinéa que : " Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". L'article R. 741-2 de ce code dispose également que la décision " contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application ".

3. Il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué qu'il vise et analyse les conclusions et mémoires présentés par M. C... et le département de la Seine-Saint-Denis. Ni les dispositions précitées, ni aucune règle de droit ou aucun principe, ne fait obligation au jugement, qui vise les autres pièces du dossier, de viser ou d'analyser distinctement la délibération n° 2002-XII-02 du 17 décembre 2002 du conseil général de la Seine-Saint-Denis relative au régime indemnitaire lié au grade des agents départementaux, pièce transmise aux premiers juges le 26 janvier 2018. En outre, la circonstance que cette délibération, qui présente au demeurant un caractère réglementaire, n'a pas été communiquée à M. C... est sans influence sur la régularité du jugement, dès lors que les premiers juges ne se sont pas fondés sur les éléments qu'elle contient. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure suivie devant les premiers juges aurait été conduite en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure doit être écarté.

4. En second lieu, d'une part, le tribunal administratif a pu, sans entacher son jugement de défaut de réponse à un moyen ou d'insuffisance de motivation, s'abstenir de répondre aux arguments, soulevés au soutien des moyens tirés de ce que M. C... a subi un préjudice financier tenant à la différence de niveau de l'indemnité d'administration et de technicité et un préjudice moral visé en tant que tel par le tribunal, selon lesquels l'administration n'établissait pas que ce niveau d'indemnité était identique et le préjudice moral est lié à la circonstance qu'il a été maintenu dans une situation irrégulière le privant de toute possibilité d'avancement ou d'évolution de carrière. D'autre part, dans l'hypothèse où les premiers juges auraient commis, comme le soutient M. C..., une erreur sur l'administration de la preuve, une telle erreur qui se rapporte au bien-fondé du jugement attaqué resterait, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de ce jugement.

Sur le fond du litige :

S'agissant de la responsabilité du département de la Seine-Saint-Denis :

5. Aux termes de l'article 12 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Le grade est distinct de l'emploi. Le grade est le titre qui confère à son titulaire vocation à occuper l'un des emplois qui lui correspondent ./ (...). ". Aux termes de l'article 13 bis de cette même loi : " Tous les corps et cadres d'emplois sont accessibles aux fonctionnaires civils régis par le présent titre par la voie du détachement suivi, le cas échéant, d'une intégration, ou par la voie de l'intégration directe, nonobstant l'absence de disposition ou toute disposition contraire prévue par leurs statuts particuliers. / Le détachement ou l'intégration directe s'effectue entre corps et cadres d'emplois appartenant à la même catégorie et de niveau comparable, apprécié au regard des conditions de recrutement ou du niveau des missions prévues par les statuts particuliers. Le présent alinéa s'applique sans préjudice des dispositions plus favorables prévues par les statuts particuliers. (...) ". Aux termes de l'article 68-1 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : " Le fonctionnaire peut être intégré directement dans un cadre d'emplois de niveau comparable à celui de son corps ou cadre d'emplois d'origine, ce niveau étant apprécié au regard des conditions de recrutement ou du niveau des missions prévues par les statuts particuliers. L'intégration directe est prononcée par l'administration d'accueil, après accord de l'administration d'origine et de l'intéressé, dans les mêmes conditions de classement que celles afférentes au détachement. ".

6. D'une part, sous réserve de dispositions statutaires particulières, tout fonctionnaire territorial en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son cadre d'emplois.

7. D'autre part, en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un fonctionnaire qui a été irrégulièrement maintenu dans une affectation ne correspondant pas à son cadre d'emplois a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de son maintien illégal dans cette affectation. Pour déterminer l'étendue de la responsabilité de la personne publique, il est tenu compte des démarches que l'intéressé a entrepris auprès de son administration et de la durée de la période pendant laquelle il a été maintenu, contre son gré, dans un tel poste ou cadre d'emplois, au-delà d'un délai raisonnable.

8. Il résulte de l'instruction que M. C... n'a demandé que le 8 octobre 2013 son intégration dans le cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux correspondant au poste sur lequel il était affecté à la direction des bâtiments et de la logistique départementaux depuis le 30 octobre 2007. Ainsi, seul le maintien de M. C..., contre son gré, dans le cadre d'emplois des adjoints administratifs territoriaux ne correspondant pas à ses fonctions réelles, à compter de la date du 8 octobre 2013, est de nature à engager la responsabilité du département de la Seine-Saint-Denis. A cet égard, par un jugement n° 1400973 du 21 mai 2015 devenu définitif, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé le refus opposé à cette demande de M. C... présentée le 8 octobre 2013 et tendant à son intégration dans le cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux.

9. Ainsi, sont indemnisables les préjudices de toutes natures avec lesquels l'illégalité fautive commise par le département de la Seine-Saint-Denis présente un lien direct de causalité avec les préjudices invoqués par M. C.... Il résulte de ce qui précède que la période fautive s'étend du 8 octobre 2013, date de la demande d'intégration présentée par M. C..., au 25 novembre 2014, date de son intégration effective dans le cadre d'emplois correspondant à son affectation.

S'agissant des préjudices et du lien de causalité :

10. En premier lieu, aux termes de l'article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 susvisée : " Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat. Ces régimes indemnitaires peuvent tenir compte des conditions d'exercice des fonctions et de l'engagement professionnel des agents. Lorsque les services de l'Etat servant de référence bénéficient d'une indemnité servie en deux parts, l'organe délibérant détermine les plafonds applicables à chacune de ces parts et en fixe les critères, sans que la somme des deux parts dépasse le plafond global des primes octroyées aux agents de l'Etat. (...) ". Aux termes de l'article 4 du décret n° 2002-61 du 14 janvier 2002 qui institue l'indemnité d'administration et de technicité : " Le montant moyen de l'indemnité mentionnée à l'article 1er du présent décret est calculé par application à un montant de référence annuel, fixé par catégorie d'agents, d'un coefficient multiplicateur compris entre 1 et 8. Ce montant de référence annuel est indexé sur la valeur du point fonction publique. Il peut être majoré lorsque les personnels occupent des fonctions impliquant des responsabilités ou des sujétions particulières, ou lorsqu'ils sont affectés dans des zones géographiques dont l'attractivité insuffisante affecte les conditions d'exercice des fonctions. (...) ". L'article 5 de ce même décret précise en outre que " L'attribution individuelle de l'indemnité d'administration et de technicité est modulée pour tenir compte de la manière de servir de l'agent dans l'exercice de ses fonctions. ".

11. M. C... demande réparation du préjudice qui résulterait de l'absence de perception de l'indemnité d'administration et de technicité (IAT) attribuée aux adjoints techniques territoriaux. Il fait à cet égard valoir que les adjoints techniques territoriaux perçoivent une IAT supérieure de 19,66 euros à celle des adjoints administratifs territoriaux.

12. Il résulte toutefois des dispositions précitées et des bulletins de salaire produits par M. C... que l'indemnité d'administration et de technicité (IAT) attribuée aux agents du département est déterminée en multipliant un montant de référence par un coefficient, qui, compris entre 1 et 8, est fixé individuellement. Si le coefficient multiplicateur attribué à M. C... à compter du 1er janvier 2015 a été augmenté, il ne résulte pas des bulletins de salaire produits que le montant de référence de l'IAT aurait changé à compter et du fait de son intégration dans le cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux le 25 novembre 2014. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction et le requérant n'établit pas qu'il aurait dû percevoir avant son intégration dans le cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux une IAT plus importante que celle qu'il percevait lorsqu'il relevait du cadre d'emplois des adjoints administratifs territoriaux, ni qu'il aurait été ainsi privé du bénéfice d'un montant d'IAT supérieur à cause de son maintien illégal dans le cadre d'emplois des adjoints administratifs territoriaux au cours de la période du 8 octobre 2013 au 25 novembre 2014.

13. En second lieu, si M. C... soutient qu'il aurait subi un préjudice de carrière durant la période au cours de laquelle il n'a pas eu d'affectation correspondant à son cadre d'emplois d'adjoints administratifs territoriaux, il n'établit pas davantage la réalité de ce préjudice. En outre, la seule circonstance que l'intéressé a exercé des fonctions techniques au cours de la période du 8 octobre 2013 au 25 novembre 2014 n'est pas de nature à établir l'existence d'un préjudice moral, alors que le cadre d'emplois des adjoints administratifs territoriaux et le cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux sont classés dans la catégorie C au sens de l'article 5 de la loi du 26 janvier 1984 précitée et sont d'un niveau comparable.

14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription quadriennale opposée par le département de la Seine-Saint-Denis, que les conclusions indemnitaires présentées par M. C... doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... le versement de la somme demandée à ce titre par le département de la Seine-Saint-Denis.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... et les conclusions du département de la Seine-Saint-Denis présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

2

N° 18VE01258


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01258
Date de la décision : 21/11/2019
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cadres et emplois.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. GUÉVEL
Rapporteur ?: Mme Barbara AVENTINO-MARTIN
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : SCP CLAISSE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2019-11-21;18ve01258 ?
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