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19/11/2019 | FRANCE | N°16VE00940

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 19 novembre 2019, 16VE00940


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le 30 juillet 2015, l'association ORT France a demandé au Tribunal administratif de Montreuil :

- d'annuler la décision du 15 juin 2015 par laquelle l'inspectrice du travail de la onzième section de l'unité territoriale de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande d'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire de M. C... B... ;

- d'enjoindre à l'administration de faire droit à sa demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, ou, à défaut,

de procéder au réexamen de sa demande, dans le délai d'un mois à compter de la notific...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le 30 juillet 2015, l'association ORT France a demandé au Tribunal administratif de Montreuil :

- d'annuler la décision du 15 juin 2015 par laquelle l'inspectrice du travail de la onzième section de l'unité territoriale de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande d'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire de M. C... B... ;

- d'enjoindre à l'administration de faire droit à sa demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ;

- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1506751 du 22 janvier 2016 le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 15 juin 2015 par laquelle l'inspectrice du travail de la onzième section de l'unité territoriale de la Seine-Saint-Denis a rejeté la demande d'autorisation de licenciement de M. C... B... présentée par l'association ORT France, a enjoint au directeur régional des entreprises, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France de procéder au réexamen de la demande d'autorisation de licenciement dans un délai de deux mois, a mis à la charge de l'Etat le versement à l'association ORT France d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire récapitulatif enregistrés les 25 mars 2016 et 23 juillet 2018, M. C... B... représenté par Me Beauchêne, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1506751 du 22 janvier 2016 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2° de mettre à la charge de l'association ORT France une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux dépens.

Il soutient que :

- le licenciement pour motif d'ordre professionnelle ne peut intervenir qu'après deux avertissements écrits conformément à la convention collective nationale applicable, précédés d'un entretien, et l'ORT ne justifie pas du respect de cette procédure ;

- les prétendus manquements reprochés envers l'élève Azencot ne peuvent être retenus à l'encontre du requérant ;

- la volonté de licencier le requérant est liée à l'exercice de ses mandats représentatifs.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 29 juin 2016 et 28 juin 2018, l'association ORT France représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint à l'administration d'instruire à nouveau le dossier dans un délai de 30 jours et de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la convention collective nationale invoquée n'est pas applicable dès lors qu'elle n'adhère pas à l'un des organismes signataires et, en tout état de cause, il s'agit d'un licenciement pour motif disciplinaire et non d'ordre professionnel ;

- les humiliations à l'encontre de l'élève Azencot sont établies ;

- d'autres manquements sont reprochés au requérant à l'encontre d'autres élèves, et établis ;

- la procédure de licenciement est sans lien avec les mandats du requérant mais avec son comportement.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant l'association ORT France.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., recruté par contrat à durée indéterminée par l'association ORT France gérant des établissements scolaires sous contrat d'association avec l'Etat, enseigne l'histoire et la culture juive au sein d'un établissement à Montreuil et détient les mandats de délégué syndical, membre du comité d'établissement, délégué syndical central et représentant syndical au comité central d'entreprise. Il relève appel du jugement du 22 janvier 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a annulé, à la demande de l'association ORT France, la décision du 15 juin 2015 de l'inspectrice du travail de la onzième section de l'unité territoriale de la Seine-Saint-Denis refusant d'autoriser son licenciement et enjoignant au directeur régional des entreprises, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France de procéder au réexamen de la demande d'autorisation de licenciement dans un délai de deux mois.

Sur la légalité de la décision du 15 juin 2015 de l'inspectrice du travail :

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

3. En premier lieu, M. B... ne peut utilement invoquer les stipulations de la convention collective nationale des personnels des services administratifs et économiques, personnels d'éducation et documentalistes des établissements d'enseignement privés du 14 juin 2004, applicable en vertu de son article 1.01 aux personnes physiques ou morales adhérant aux organismes signataires, dès lors que l'association ORT France n'est pas adhérente à l'un des organismes signataires de cette convention.

4. En deuxième lieu, l'association ORT France a demandé l'autorisation de licencier M. B... en raison de ses propos et comportements humiliants à l'égard d'un élève et de ses erreurs pédagogiques à l'égard d'autres élèves. Pour refuser l'autorisation de licenciement, l'inspectrice du travail s'est fondée sur le fait que les griefs reprochés à M. B... ne pouvaient justifier son licenciement.

5. Il ressort des pièces du dossier et notamment des déclarations de l'élève Azencot ainsi que des témoignages des délégués de classe, recueillis par des personnels de l'établissement et signés par ces élèves, que M. B... a, à plusieurs reprises, formulé des commentaires moqueurs sur le physique de cet élève, notamment sur sa calvitie et sa surcharge pondérale. Ces témoignages précis et concordants établissent de manière suffisamment probante les propos reprochés. Par ailleurs, il est également fait grief au requérant d'avoir refusé la présence d'un agent d'intégration scolaire spécialement affecté à un élève autiste en vue pour l'accompagner, en méconnaissance des instructions reçues lors d'une journée pédagogique, et d'avoir, pour un motif confessionnel, dispensé à son initiative un élève de sa présence à son cours auquel il était pourtant inscrit, ainsi que d'avoir eu à plusieurs reprises à l'égard de l'élève Tom Jary des propos menaçants et un geste violent en l'empoignant par le col, faits dont la matérialité est établie par plusieurs témoignages dont celui du gardien de l'établissement. En outre, M. B... a fait l'objet d'un avertissement le 23 novembre 2013 pour avoir laissé sans surveillance dans une salle de classe fermée à clé une élève souffrante âgée de treize ans. De tels propos et faits constituent un comportement déplacé et inadapté de la part d'un enseignant et sont fautifs, alors même que certains élèves auraient des difficultés scolaires ou seraient peu assidus en cours. Ils présentent, compte tenu de leur nombre, un caractère de gravité suffisante pour justifier le licenciement de l'intéressé.

6. En dernier lieu, si M. B... soutient également que les relations au sein du comité d'établissement étaient tendues et qu'il exerçait ses mandats avec vigilance, ayant ainsi signalé le travail lors de plusieurs dimanche et l'absence de publication de la liste des salariés ayant bénéficié d'un échelon au mérite ou d'une prime, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licenciement présenterait un lien avec les mandats détenus par l'intéressé ou son activité syndicale.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 15 juin 2015 de l'inspectrice du travail de la onzième section de l'unité territoriale de la Seine-Saint-Denis refusant d'autoriser son licenciement.

Sur les conclusions aux fins d'injonction présentées par l'association ORT France :

8. Il résulte de l'instruction que par une décision du 23 mai 2017, l'inspection du travail a autorisé le licenciement de M. B.... Il n'y a par suite pas lieu de faire droit aux conclusions de l'association ORT France tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration d'instruire à nouveau le dossier dans un délai de 30 jours.

Sur les frais d'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par M. B... soit mise à la charge de l'association ORT France qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le versement d'une somme de 1 500 euros à ce titre.

10. Les conclusions de M. B... tendant au remboursement des dépens sont sans objet et doivent être rejetées.

D E C I D E:

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à l'association ORT France une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

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N°16VE00940


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE00940
Date de la décision : 19/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine LE GARS
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : BEAUCHENE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-11-19;16ve00940 ?
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