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19/11/2019 | FRANCE | N°16VE00518

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 19 novembre 2019, 16VE00518


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A..., Mme C... B... épouse A... et M. D... A... représentés par Me Lafond, avocat, ont demandé au Tribunal administratif de Versailles :

1° à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Versailles à verser à M. F... A... une somme de 359 200 euros en indemnisation des préjudices qu'il a subis à la suite de son hospitalisation du 28 octobre 2007 au 14 novembre 2007, à verser à Mme C... B... épouse A... une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle a subi

et à verser à M. D... A... une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice mor...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A..., Mme C... B... épouse A... et M. D... A... représentés par Me Lafond, avocat, ont demandé au Tribunal administratif de Versailles :

1° à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Versailles à verser à M. F... A... une somme de 359 200 euros en indemnisation des préjudices qu'il a subis à la suite de son hospitalisation du 28 octobre 2007 au 14 novembre 2007, à verser à Mme C... B... épouse A... une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle a subi et à verser à M. D... A... une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi ;

2° à titre subsidiaire, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) à verser à M. F... A... une somme de 359 200 euros en indemnisation des préjudices qu'il a subis à la suite de son hospitalisation du 28 octobre 2007 au 14 novembre 2007, à verser à Mme C... B... épouse A... une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle a subi et à verser à M. D... A... une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi ;

3° de mettre à la charge du centre hospitalier de Versailles ou de l'ONIAM la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4° de mettre à la charge du centre hospitalier de Versailles ou de l'ONIAM les dépens.

Par un jugement n°1306418 du 1er décembre 2015, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 février 2016, M. A... et autres, représentés par Me Lafond, avocat, demandent à la cour :

1° d'annuler ce jugement du 1er décembre 2015 ;

2° de condamner le centre hospitalier de Versailles à verser à M. A... la somme de 359 000 euros en réparation des préjudices subis, la somme de 10 000 euros à Mme A..., et la somme de 5 000 euros à M. D... A... ;

3° à titre subsidiaire de condamner l'ONIAM à lui verser cette indemnité réparatrice ;

4° à titre infiniment subsidiaire, d'ordonner une expertise ;

5° de mettre à la charge de la partie perdante une somme de 20 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Ils soutiennent que :

- le centre hospitalier a commis deux manquements fautifs, le premier dans la prescription du traitement antibiotique et le second dans son dosage inapproprié ;

- le rapport d'expertise est critiquable et partial dans ses conclusions ;

- les conditions ouvrant droit à la réparation au titre de la solidarité nationale sont remplies dès lors que le dommage subi trouve son origine dans l'effet ototoxique de la Gentalline et qu'il présente le caractère de gravité requis, et c'est à tort que le tribunal a écarté ce terrain au motif que le lien de causalité entre l'affection iatrogène et les dommages n'était pas établi ;

- les préjudices de M. F... A... doivent être indemnisés comme suit :

- pertes de gains professionnels actuels : 24 000 euros ;

- incidence professionnelle : 60 000 euros ;

- déficit fonctionnel temporaire : 16 200 euros ;

- souffrances endurées : 25 000 euros ;

- préjudice esthétique : 4 000 euros ;

- déficit fonctionnel permanent : 200 000 euros ;

- préjudice d'agrément : 20 000 euros ;

- préjudice sexuel : 10 000 euros ;

- préjudice moral de Mme A... : 10 000 euros ;

- préjudice moral de M. D... A... : 5 000 euros.

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. M. F... A... s'est présenté aux urgences du centre hospitalier de Versailles le 28 octobre 2007 en raison d'un zona fébrile au niveau du bras gauche accompagné de céphalées et de vomissements. Une ponction lombaire a été effectuée et a permis de diagnostiquer une méningite lymphocytaire. Un traitement antibiotique, comprenant notamment de la gentamicine lui a été prescrit. Le 1er novembre 2007, M. A... a présenté une baisse de l'acuité bilatérale et des vertiges et souffre désormais de surdité complète bilatérale, d'acouphènes et de troubles de l'équilibre nécessitant la pause d'implants cochléaires ainsi que des séances de kinésithérapie vestibulaire. Par un avis du 6 juin 2011, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) d'Ile-de-France a rejeté la demande d'indemnisation présentée par M. A.... Par un jugement du 1er décembre 2015, dont les consorts A... relèvent appel, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur requête tendant à la condamnation, à titre principal, du centre hospitalier de Versailles et, à titre subsidiaire, de l'ONIAM à les indemniser des préjudices qu'ils ont subis en raison des complications médicales dont M. A... a été victime après son hospitalisation. La CRAMIF demande à la Cour de condamner le centre hospitalier à lui verser la somme de 44 279,33 euros, assortie des intérêts légaux, au titre des arrérages versés du 1er février 2010 au 30 juin 2014 ainsi que la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Par un arrêt avant-dire-droit du 29 mai 2017, la Cour a sursis à statuer dans l'attente d'une expertise, qu'elle a diligentée. L'expert désigné a déposé son rapport le 25 février 2019.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Versailles:

2. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".

3. M. A... soutient que le centre hospitalier de Versailles a commis deux fautes en lui prescrivant l'antibiotique gentamicine, dont l'ototoxicité est connue, et en surdosant cette prescription. Toutefois, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise diligentée par la Cour que le recours à la gentamicine est quasiment systématique en cas de suspicion de méningite listériose en raison des complications liées au retard de traitement d'une telle affectation, et que cette suspicion ne pouvait être levée avant d'avoir les résultats du biogramme. Si M. A... soutient que les résultats étaient connus dès le 30 octobre 2007 et que le traitement n'a été interrompu que le 2 novembre suivant, il ne ressort pas des fiches d'observations médicales, dont toutes les inscriptions ne sont pas clairement lisibles, que tel était le cas, alors au surplus qu'elles mentionnent lisiblement de " laisser le traitement antibiotique jusqu'aux cultures ", laissant ainsi entendre que le résultat des tests dits PCR n'était pas encore connu, et nécessitant en attendant de maintenir le traitement antibiotique. L'administration de gentamicine a été arrêtée le 2 novembre 2007, dès que l'origine virale de la méningite de M. A... a été établie. Aucune faute ne peut donc être reprochée au centre hospitalier de Versailles dans la décision d'administrer de la Gentamicine jusqu'au 2 novembre 2007.

4. Si M. A... soutient ensuite que le dosage prescrit, soit une dose de 600 milligrammes de gentalline, est deux fois plus important que le dosage conseillé de 3 à 5 mg/kg, il résulte toutefois de l'instruction que le dictionnaire Vidal de 2007 indiquait une posologie maximale de 6 milligrammes par kilo et par jour pour ce médicament, ce qui correspond, compte tenu du poids de M. A... à l'époque de faits, à une dose maximale quotidienne recommandée de 564 milligrammes. Il résulte du rapport d'expertise du 25 février 2011, que ce surdosage de la gentalline ne peut être considéré comme important et était sans impact en terme de tolérance. Par suite, la prescription de 600 milligrammes de gentalline au requérant ne peut être regardée comme fautive.

5. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité.

Sur la réparation au titre de la solidarité nationale :

6. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire ".

7. Il résulte de l'instruction, et en particulier des deux rapports d'expertise du 25 février 2011 eu du 19 février 2019, que la cause de la surdité de M. A... ne peut être déterminée avec certitude. Les experts évoquent deux hypothèses explicatives, à savoir celle d'une atteinte par le virus zostérien et celle d'une atteinte iatrogène par ototoxicité de la Gentamicine, excluant une action conjointe des deux mécanismes, sans avoir pu déterminer de façon certaine l'existence d'un lien entre le traitement administré et la survenue de la surdité définitive de l'intéressé. Par suite, dès lors qu'un lien de causalité direct et certain ne peut être établi entre les dommages subis par M. A... et un acte médical, M. A... ne remplit pas les conditions pour être indemnisé par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Sur les conclusions de la CRAMIF :

9. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. / Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident (...). ".

10. En l'absence de tiers ayant la qualité d'auteur responsable des dommages, les conclusions présentées par la CRAMIF doivent être rejetées.

Sur les dépens de l'instance :

11. Les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par la Cour ont été liquidés et taxés à la somme de 2 080 euros par ordonnance du président de la Cour en date du 12 mars 2019. Il y a lieu, au regard de ce qui précède, de mettre ces frais et honoraires à la charge définitive de M. A....

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge du centre hospitalier de Versailles ou de l'ONIAM, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, les sommes demandées par M. A... et la CRAMIF à ce titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la CRAMIF sont rejetées.

Article 3 : Les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 2 080 euros sont mis à la charge définitive de M. A....

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N°16VE00518


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