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05/11/2019 | FRANCE | N°18VE01848

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 05 novembre 2019, 18VE01848


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société FERRERO FRANCE SA a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la restitution des cotisations en matière de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2013, 2014 et 2015.

Par une ordonnance no 1707237 du 12 avril 2018, le président de la 9ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer partiel et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la

Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 mai 2018, et un mémoire complémentaire, enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société FERRERO FRANCE SA a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la restitution des cotisations en matière de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2013, 2014 et 2015.

Par une ordonnance no 1707237 du 12 avril 2018, le président de la 9ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer partiel et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 mai 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 23 novembre 2018, la société FERRERO FRANCE SA, représentée par Me A... et Me de la Berge, avocats, demande à la Cour :

1° d'annuler l'article 2 de l'ordonnance attaquée ;

2° de prononcer la restitution des cotisations restant en litige, acquittées au titre de l'année 2013, pour un montant de 1 800 858 euros ;

3° de mettre à la charge de l'État la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société FERRERO FRANCE SA soutient que :

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière, méconnaissant le principe du contradictoire et doit être annulée pour ce motif ;

- elle ne pouvait être prise en application du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, les conclusions présentées par la société ne présentant pas le caractère de conclusions manifestement irrecevables ;

Sur la recevabilité de sa demande :

- sa réclamation du 12 juillet 2016 était recevable, dès lors qu'elle disposait d'un délai jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition était due en application de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales ; le délai dont elle disposait pour présenter sa réclamation courait jusqu'au 31 décembre 2017 ;

- elle a fondé une nouvelle réclamation, du 30 mai 2018, suite à la décision du Conseil constitutionnel du 6 octobre 2017 n° 2017-660 QPC, qui constitue un évènement nouveau au sens des articles R. 196-1 et du 3ème alinéa de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ; sa demande était donc également recevable pour ce motif ;

Sur le bien-fondé des cotisations en litige :

- le Conseil constitutionnel ayant déclaré les dispositions du 1er alinéa du paragraphe 1 de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts contraires à la Constitution, elle est fondée à demander la restitution de la somme en litige au titre de l'exercice 2013.

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la décision du Conseil constitutionnel du 6 octobre 2017 n° 2017-660 QPC ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... ;

- les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public,

- et les observations de Me C... pour la société FERRERO FRANCE SA.

Considérant ce qui suit :

1. La société FERRERO FRANCE SA a acquitté, au cours des exercices 2013 à 2015, la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés au titre des dividendes distribués, en application de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts. Par une réclamation du

12 juillet 2016, elle a sollicité la restitution des sommes versées au titre de cette contribution pour les trois exercices 2013, 2014 et 2015. Sa réclamation ayant été implicitement rejetée par l'administration fiscale, elle a présenté une requête aux fins de restitution des contributions en litige devant le Tribunal administratif de Montreuil. La société FERRERO FRANCE SA relève appel de l'ordonnance du président de la 9ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil par laquelle celui-ci a prononcé un non-lieu à statuer partiel sur les conclusions de la société aux fins de restitution, l'administration ayant remboursé les contributions versées pour les exercices 2014 et 2015, et a rejeté comme manifestement irrecevables les conclusions tendant à la restitution de la contribution versée au titre de l'exercice 2013, au motif que la réclamation de la société était tardive pour cette dernière.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête relatif à la régularité de l'ordonnance attaquée ;

3. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. (...) ".

4. La requête présentée par la société FERRERO FRANCE SA devant le Tribunal administratif de Montreuil a été communiquée à l'administration fiscale, qui a produit un mémoire en défense, notifié le 7 mars 2018 à la société requérante. Cette communication était accompagnée d'une lettre invitant cette dernière à se désister dans un délai de huit jours, à laquelle elle n'a pas répondu. L'ordonnance attaquée, en date du 12 avril suivant, a ainsi été prise sans mention du délai imparti à la société requérante pour produire ses observations, et sans que celle-ci ne soit informée de la date de la clôture de l'instruction. Par suite, cette ordonnance doit être regardée comme ayant été prise à la suite d'une procédure irrégulière, en méconnaissance du principe du contradictoire organisé par les textes applicables à la procédure d'instruction. Dès lors que l'ordonnance fait droit à la fin de non-recevoir opposée dans le mémoire en défense communiqué dans les conditions

ci-avant exposées, la société FERRERO FRANCE SA est fondée à soutenir que cette ordonnance est irrégulière et à en demander l'annulation.

5. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande de la société FERRERO FRANCE SA.

Sur la demande de la société FERRERO FRANCE SA dans le cadre de l'évocation :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par l'administration fiscale :

6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations. ". Les dispositions de l'article R. 196-3 ne permettent au contribuable d'introduire valablement une réclamation qu'en ce qui concerne les impositions à l'occasion desquelles a été effectuée une reprise ou un redressement. Et aux termes de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts : " I.- Les sociétés ou organismes français ou étrangers passibles de l'impôt sur les sociétés en France, à l'exclusion de ceux mentionnés au I de l'article L. 214-1 du code monétaire et financier ainsi que de ceux qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l'annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (Règlement général d'exemption par catégorie), sont assujettis à une contribution additionnelle à cet impôt au titre des montants qu'ils distribuent au sens des articles 109 à 117 du présent code. /La contribution est égale à 3 % des montants distribués. (...) ".

7. La société FERRERO FRANCE SA soutient qu'elle pouvait bénéficier du délai prévu par les dispositions citées au point précédent pour présenter sa réclamation, dès lors qu'elle a fait l'objet, au titre de l'exercice 2013, d'une vérification de comptabilité ayant donné lieu à des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés, et que la contribution en litige, versée en application de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts, peut être assimilée, pour l'application de cette règle de procédure, à l'impôt sur les sociétés. Toutefois, cette imposition est prévue par des dispositions du code figurant au chapitre III " Taxes diverses " du Titre premier de la Première partie du code général des impôts, alors que l'impôt sur les sociétés relève du chapitre II de ce même Titre. La contribution litigieuse fait l'objet d'un régime juridique propre, caractérisé par un champ d'application particulier et une assiette limitée aux distributions de dividendes. La seule circonstance que les règles applicables au contrôle et au recouvrement de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés soient celles prévues pour l'impôt sur les sociétés ne permet pas d'assimiler les deux impositions. La société FERRERO FRANCE SA ne peut utilement invoquer ni la décision de la Cour de justice de l'Union européenne AFEP du 17 mai 2017, C-365/16, ni la décision du Conseil constitutionnel, n° 2017-660 QPC du 6 octobre 2017, Société de participations financières, lesquelles ne sont pas contraires à ce qui a été exposé précédemment. Elle ne peut non plus utilement invoquer, dans le champ de la procédure fiscale, l'interprétation administrative de la loi fiscale qui autoriserait l'imputation de crédits d'impôts sur cette contribution. En conséquence de ce qui a été exposé au point précédent, la société requérante ne peut se prévaloir du délai spécial de réclamation et sa réclamation en date du 12 juillet 2016 doit être regardée comme tardive.

8. En second lieu, la société FERRERO FRANCE SA ne peut se prévaloir de sa réclamation du 30 mai 2018, fondée sur la décision du Conseil constitutionnel du 6 octobre 2017 n° 2017-660 QPC, dès lors que cette réclamation est postérieure à l'introduction de sa requête. En tout état de cause, la recevabilité de la réclamation à l'origine du présent litige ne peut s'apprécier en prenant en compte le dépôt d'une réclamation ultérieure.

9. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la société FERRERO FRANCE SA tendant à la restitution de la contribution qu'elle a acquittée au titre de l'exercice 2013 en application de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts ne sont pas recevables et doivent être rejetées, sa réclamation préalable étant tardive. Par conséquent, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être également rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 de l'ordonnance du président de la 9ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil du 12 avril 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société FERRERO FRANCE SA devant le Tribunal administratif de Montreuil est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société FERRERO FRANCE SA présentées en appel est rejeté.

2

N° 18VE01848


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01848
Date de la décision : 05/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-02-02-02 Contributions et taxes. Règles de procédure contentieuse spéciales. Réclamations au directeur. Délai.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Fabienne MERY
Rapporteur public ?: M. CHAYVIALLE
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-11-05;18ve01848 ?
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