Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé à lui verser la somme de 330 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de son absence de recrutement au sein de cette agence.
Par un jugement n° 1610145 du 26 janvier 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 mars 2018, M. C..., représenté par Me D..., avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé à lui verser la somme de 330 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de son absence de recrutement au sein de cette Agence ;
3°) de mettre à la charge de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
..................................................................................................................................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Illouz, conseiller,
- les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., pour M. C..., et de Me B..., substituant Me A..., pour l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... C... a présenté, le 3 juin 2016, sa candidature afin d'être recruté en qualité de directeur de l'évaluation au sein de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Après deux entretiens s'étant respectivement déroulés les 13 et 23 juin suivant, un courrier lui annonçant son prochain recrutement lui a été adressé le 15 juillet 2016, perspective à laquelle l'intéressé a acquiescé. Par un courriel du 4 août suivant, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé lui a toutefois signifié que le processus de recrutement ne se poursuivrait pas et que la proposition datée du 15 juillet 2016 était retirée. Par un courriel daté du 6 octobre 2016, M. C... a présenté une demande préalable tendant à l'indemnisation des préjudices consécutifs à son absence de recrutement au sein de cette agence. L'intéressé relève régulièrement appel du jugement du 26 janvier 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la condamnation de cet établissement à réparer ces préjudices.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Il résulte de l'instruction que M. C... s'est expressément prévalu dans sa réclamation préalable d'une rupture fautive de la promesse d'embauche formulée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé le 15 juillet 2016 et que l'intéressé a par ailleurs chiffré son préjudice, d'un montant qu'il lui était loisible de majorer par la suite, au sein de cette réclamation préalable. Les fins de non-recevoir opposée par l'établissement à sa demande de première instance tirées du défaut de liaison du contentieux doivent, par suite, être écartées.
Sur la responsabilité :
3. Il résulte de l'instruction que, par un courrier daté du 15 juillet 2019 reçu par M. C... le 19 juillet, dont l'objet s'intitulait " promesse d'embauche ", l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a informé l'intéressé en des termes inconditionnels de son prochain recrutement au sein de ses services, en lui précisant la durée du contrat, le montant de sa rémunération, les modalités envisageables d'aménagement de son travail, ainsi que les mesures qu'il lui appartenait de prendre en matière de déontologie et de prévention des conflits d'intérêt au regard de ses activités professionnelles antérieures. Si ce courrier réservait le montant de la rémunération au visa du contrôleur financier de l'établissement, cette précision ne saurait s'analyser comme étant de nature à conditionner le principe-même de son recrutement. En outre, par un courriel daté du 25 juillet 2016, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a confirmé à M. C... que son contrat était alors en attente de signature par les différentes autorités compétentes de l'établissement. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'appelant était, comme il le soutient, bénéficiaire d'une promesse d'embauche émanant de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, ce que cet établissement ne conteste au demeurant pas en appel, qui a été unilatéralement rompue par un courriel des services de cet établissement adressé le 4 août 2016. Cette rupture revêt dès lors un caractère fautif de nature à engager la responsabilité de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
Sur les préjudices et le lien de causalité :
En ce qui concerne les préjudices financiers :
4. En premier lieu, M. C... déclare expressément, devant la Cour, rechercher l'engagement de la responsabilité de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé uniquement à raison de la rupture de la promesse d'embauche faite par cette agence. En l'absence de conclusion d'un contrat à la suite de la rupture de cette promesse, qui ne saurait s'analyser comme ayant par elle-même donné naissance à un contrat non écrit entre les parties, l'appelant n'est pas fondé à solliciter le versement d'une somme correspondant au montant de la rémunération totale attachée à cet emploi durant la durée d'exécution projetée dudit contrat.
5. En second lieu, il résulte de l'instruction que M. C... exerçait une activité de consultant, par l'intermédiaire de la société de portage salarial Wagram Consulting, lorsque la promesse d'embauche datée du 15 juillet 2016 lui a été formulée. L'intéressé fait valoir qu'afin de préparer son changement d'activité professionnelle, qu'il tenait alors pour certain, et de se conformer aux recommandations émises à travers cette promesse d'embauche en matière de déontologie et de prévention des conflits d'intérêts, il a mis fin de manière prématurée à un certain nombre de contrats alors en cours d'exécution, ce qui aurait abouti à une diminution substantielle des revenus issus de cette activité, qu'il a finalement poursuivie à la suite de la rupture de sa promesse d'embauche. Cependant, les avis d'imposition versés aux débats traduisent, non pas une diminution, mais une augmentation des revenus perçus par son foyer fiscal entre l'année 2016 et l'année 2017. Si l'intéressé précise que la société Wagram Consulting lui verserait un salaire lissé sur l'année afin de minorer les éventuelles conséquences d'une variation de son activité, cette allégation n'est pas corroborée par les bulletins de paie versés aux débats, lesquels font au contraire apparaitre une forte variation des revenus de l'appelant d'un mois sur l'autre, avant comme après la formulation, puis la rupture de la promesse d'embauche, sans révéler de diminution du volume de sa rémunération après cette rupture. L'attestation émanant de la société Wagram Consulting ne fait pas davantage apparaitre de diminution de son volume d'activité à compter de cette date, s'agissant tant du nombre de contrats conclus, que du montant de chiffre d'affaires réalisé du fait de l'exécution de ces contrats. La circonstance que M. C... ait procédé à des rachats partiels de son contrat d'assurance-vie à compter du mois de juin 2017, près d'un an après cette rupture de promesse d'embauche, n'est pas de nature à révéler l'existence d'un préjudice financier directement causé par cette rupture. Enfin, les graphiques réalisés par l'appelant, versés aux débats, reposant notamment sur le niveau de son activité antérieure au mois de mars 2016, déclaré par celui-ci mais qui n'est établi par aucune autre pièce versée aux débats, ainsi que la projection de progression à compter du mois du mois d'août 2016 similaire à celle constatée sur une période immédiatement antérieure d'une durée relativement brève, ne présentent pas, de ce fait, un caractère suffisamment probant pour établir la matérialité du dommage allégué.
6. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'établit pas la réalité des différents préjudices d'ordre financier qu'il invoque, en lien avec la faute commise par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
En ce qui concerne le préjudice d'image :
7. M. C... soutient que l'annonce de son recrutement prochain au sein de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé s'était répandue parmi son cercle professionnel et que l'incompréhension suscitée par ce recrutement avorté aurait nui à sa réputation et au redéploiement de son activité professionnelle. Toutefois, si l'appelant établit avoir reçu quelques messages de félicitations pour cette nomination lorsque celle-ci était encore d'actualité, et avoir échangé, en conséquence, avec plusieurs de ses connaissances après le revirement opéré par cette agence au début du mois d'août 2016, le seul document public qu'il verse à ce sujet aux débats est une dépêche émanant d'un média spécialisé se bornant à annoncer le départ de la directrice de l'évaluation de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ainsi que l'arrivée de son remplaçant, sans désigner nommément celui-ci. Dans ces conditions, les explications que M. C... a été contraint d'apporter à son entourage professionnel, pour désagréables qu'elles aient été, et alors-même qu'aucune diminution du volume de son activité consécutive à la rupture de la promesse d'embauche n'est établie par les pièces versées aux débats, ne sont pas, à elles seules, de nature à révéler l'existence d'une atteinte à l'image et à la réputation professionnelles de l'appelant directement causées par la rupture de sa promesse d'embauche. Les conclusions tendant à la réparation de ce chef de préjudice doivent, par suite, être rejetées.
En ce qui concerne les troubles dans les conditions d'existence :
8. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre de la préparation du déménagement de M. C... à Paris afin d'exercer les fonctions de directeur de l'évaluation au sein de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l'intéressé et son épouse, qui résidaient à Toulouse, ont licencié la nourrice de leurs enfants, dans la perspective du recrutement d'une fille au pair ayant des disponibilités compatibles avec la réorganisation à venir de leur vie familiale. Il ne résulte cependant de l'instruction, ni que le recrutement d'une telle employée aurait été mené à son terme et aurait conduit M. et Mme C... à supporter des frais à raison de ce recrutement devenu inadéquat, ni que ceux-ci auraient éprouvé des difficultés particulières afin de recruter une nouvelle nourrice dans des conditions similaires à celles qu'ils proposaient antérieurement à la réception, par l'appelant, de la promesse d'embauche émise par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Ses conclusions tendant à la réparation du préjudice qui aurait résulté des troubles dans ses conditions d'existence qu'il soutient avoir éprouvé doivent dès lors être rejetées.
En ce qui concerne le préjudice moral :
9. Il résulte de l'instruction que l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a rompu unilatéralement, le 4 août 2016, une promesse d'embauche consentie à l'appelant en des termes dénués de toute ambiguïté plusieurs semaines auparavant, alors qu'elle avait poursuivi les démarches en vue de son arrivée au sein de ses services jusqu'à ce revirement dont le motif n'a pas été communiqué à l'intéressé. Il s'ensuit que l'attitude des services de cette agence lui a directement causé un préjudice moral. Le comportement prétendument imprudent de M. C... entre la réception de la promesse d'embauche et la rupture unilatérale de celle-ci ne saurait, par ailleurs, ni atténuer la responsabilité de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé s'agissant de ce chef de préjudice, ni en minorer la consistance. Par suite, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. C... en fixant à 5 000 euros la somme destinée à le réparer.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé, d'une part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande, et, d'autre part, à solliciter la condamnation de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé à lui verser une indemnité totale de 5 000 euros.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil n° 1610145 du 26 janvier 2018 est annulé.
Article 2 : L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé est condamnée à verser à M. C... une somme de 5 000 euros.
Article 3 : L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé versera à M. C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
2
N°