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03/10/2019 | FRANCE | N°18VE00941

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 03 octobre 2019, 18VE00941


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision par laquelle le maire de la commune de Saint-Ouen a implicitement refusé de procéder à la reconstitution de sa carrière depuis 2000, en réponse à sa demande formée le 21 septembre 2016, d'enjoindre à la commune de Saint-Ouen de procéder à sa reconstitution de carrière avec régularisation auprès de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, dans un délai de quinze jours à compter de la no

tification du jugement sous astreinte de 300 euros par jour de retard, d'enjoind...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision par laquelle le maire de la commune de Saint-Ouen a implicitement refusé de procéder à la reconstitution de sa carrière depuis 2000, en réponse à sa demande formée le 21 septembre 2016, d'enjoindre à la commune de Saint-Ouen de procéder à sa reconstitution de carrière avec régularisation auprès de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 300 euros par jour de retard, d'enjoindre à la commune de Saint-Ouen de procéder au paiement des rappels de traitement résultant de la reconstitution de sa carrière, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de la commune de Saint-Ouen le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1700546 du 9 février 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement le 14 mars 2018, le

16 novembre 2018 et le 9 janvier 2019, Mme D..., représentée par Me C..., avocate, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler cette décision ;

3° d'enjoindre à la commune de Saint-Ouen de la rétablir à l'échelon auquel elle devrait aujourd'hui se situer si son ancienneté en tant que contractuelle avait été correctement prise en compte au moment de sa titularisation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

4° d'enjoindre à la commune de Saint-Ouen de procéder aux régularisations de cotisations correspondantes auprès de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales sur la base d'une assiette de cotisation régularisée, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

5° d'enjoindre à la commune de Saint-Ouen de procéder aux rappels de traitement en sa faveur en prenant en compte les indices correspondant à l'échelon dont elle aurait dû bénéficier au cours de sa carrière si son ancienneté en tant que contractuelle avait été correctement prise en compte au moment de sa titularisation, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

6° de mettre à la charge de la commune de Saint-Ouen la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande était recevable dès lors qu'un refus implicite a été opposé à sa lettre du

21 septembre 2016 par laquelle elle a sollicité, de manière suffisamment motivée, la reconstitution de sa carrière par la prise en compte de ses années d'ancienneté ;

- la solution retenue par le tribunal administratif, fondée sur le caractère définitif des arrêtés des 20 janvier et 24 octobre 2000 la nommant dans le cadre d'emplois des assistants d'enseignement artistiques territoriaux, est inéquitable et injuste ; la circonstance qu'un agent n'a pas repéré tout de suite l'erreur commise par l'administration ne justifie pas qu'il soit condamné à en subir indéfiniment les conséquences ;

- elle ne soulève pas une exception d'illégalité mais conteste un refus de régularisation de carrière en demandant la rectification d'un constat erroné qui persiste ; les agents publics ont le droit de former auprès de leur administration une demande visant à ce qu'ils soient rétroactivement placés dans une position régulière ou que leur carrière soit rétroactivement reconstituée, quand bien même une telle demande trouverait son fondement dans l'illégalité d'une décision devenue définitive, dès lors qu'une telle demande tend non pas à ce que la décision illégale initiale soit annulée mais à ce que soient rectifiées, pour le passé comme pour l'avenir, les conséquences de cette irrégularité ; en conséquence du principe du droit au déroulement normal de la carrière et du droit à être placé dans une situation statutaire régulière, le fonctionnaire a droit à la régularisation et la révision de sa carrière ;

- la décision attaquée constitue un acte recognitif qui n'est pas créateur de droits et peut être contesté sans condition de délai ; la reprise de l'ancienneté est une obligation pour l'administration lors de la nomination de l'agent en qualité de stagiaire ; en outre, s'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires, l'administration peut leur conférer une portée rétroactive pour assurer la continuité de la carrière de l'agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation ;

- en l'espèce, l'ancienneté de ses services d'agent non titulaire n'a pas été reprise dans ses arrêtés de nomination en violation des dispositions de l'article 11 du décret n° 11-861 du

2 septembre 1991, dans sa version alors en vigueur ; elle établit que 7,38 années d'ancienneté auraient dû être prises en compte au moment de sa titularisation ; l'autorité territoriale est en situation de compétence liée pour prendre en compte ces années de service et devait, en outre, solliciter le cas échéant les informations nécessaires auprès d'elle pour procéder au calcul de son ancienneté ;

- elle peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 242-4 du code des relations entre le public et l'administration en vertu duquel, comme cela été jugé notamment en matière de pension, toute personne peut demander la rectification d'une décision créatrice de droit, ce dont il résulte qu'un agent a un droit perpétuel à demander le remplacement de son acte de titularisation et des actes subséquents par une décision légale tenant compte de l'ensemble de ses droits et de sa carrière ;

- la commune n'est pas fondée à invoquer la prescription quadriennale dès lors que le délai de prescription de la créance dont se prévaut un agent du fait du retard mis par l'administration à le placer dans une situation statutaire régulière court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle est intervenu l'acte ayant régularisé sa situation ;

- le jugement attaqué la place dans une situation illégale et viole le principe d'égalité de traitement des fonctionnaires, notamment posé par la clause 4 de la directive 1999/70/CE du

28 juin 1999 et résultant également de l'article 14 du décret n° 2010-329 du 22 mars 2010, dès lors que d'autres agents du même cadre d'emploi ont pu voir leur situation correctement évaluée au moment de leur titularisation ;

- le motif retenu par le tribunal administratif, tenant à la tardiveté de sa demande de régularisation de carrière, a méconnu son droit à un recours effectif garanti par les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le principe de sécurité juridique a été méconnu dès lors qu'au regard des dispositions réglementaires et de la jurisprudence applicables, notamment l'article 14 du décret n° 2010-329 du 22 mars 2010, elle a pu légitimement estimer qu'elle pouvait prétendre à une rectification de sa carrière ;

- le jugement attaqué, qui lui oppose un délai d'action de deux mois alors que divers textes garantissent le droit du fonctionnaire à la régularité de sa carrière, dont l'article L. 242-4 du code des relations entre le public et l'administration, viole le principe constitutionnel d'accessibilité et d'intelligibilité de la règle de droit.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 91-861 du 2 septembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Cabon, rapporteur public,

- les observations de Mme C..., pour Mme D..., et celles de

Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 21 septembre 2016, Mme D..., assistante territoriale d'enseignement artistique, chargée de l'enseignement du violoncelle au conservatoire municipal de musique de Saint-Ouen, a demandé au maire de la commune de Saint-Ouen de reconstituer sa carrière en prenant en compte les services qu'elle avait accomplis antérieurement à sa nomination en qualité de stagiaire. Elle fait appel du jugement du 9 février 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus implicite opposé par le maire de Saint-Ouen à sa demande de reconstitution de carrière.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, si la requérante soutient que la solution retenue par le tribunal administratif est inéquitable et injuste, que le jugement attaqué la place dans une situation illégale et viole principe d'égalité de traitement des fonctionnaires, notamment posé par la clause 4 de la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, et qu'il est contraire au principe de sécurité juridique, ces moyens, qui se rattachent en réalité au bien-fondé du raisonnement suivi par les premiers juges, ne sont, en tout état de cause, pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué.

3. En deuxième lieu, la requérante, qui pouvait contester la légalité de l'arrêté du maire de Saint-Ouen du 24 novembre 2000 la titularisant en qualité d'assistant d'enseignement artistique territorial au 1er échelon avec un reliquat d'ancienneté de six mois, et qui a pu contester la décision attaquée, n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que le tribunal administratif aurait méconnu son droit à un recours effectif, garanti par les stipulations de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Enfin, il résulte de l'examen du jugement attaqué que le moyen tiré de ce que ce jugement méconnaît les principes d'accessibilité et d'intelligibilité de la règle de droit, manque, en tout état de cause, en fait.

Sur la légalité de la décision attaquée :

5. En premier lieu, sauf dispositions contraires, le classement d'un agent dans la hiérarchie du corps ou cadre d'emplois dans lequel il est nommé, tenant compte d'un éventuel rappel d'ancienneté pour services civils ou militaires antérieurs, intervient lors de sa titularisation ou, si des dispositions spécifiques le prévoient, lors de sa nomination en qualité de stagiaire dans ce corps ou cadre d'emplois. Par suite, Mme D..., qui ne conteste pas le caractère définitif des arrêtés du maire de Saint-Ouen du 20 janvier 2000, du 24 octobre 2000 et du 24 novembre 2000, la nommant assistante territoriale d'enseignement artistique stagiaire à temps incomplet puis à temps complet, et la titularisant en qualité d'assistante territoriale d'enseignement artistique au 1er échelon avec un reliquat d'ancienneté de six mois, n'est pas fondée à soutenir qu'elle pouvait demander, en 2016, la prise en compte de ses services antérieurs à sa nomination en qualité de stagiaire et la reconstitution de sa carrière à compter de l'année 2000.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 242-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Sur demande du bénéficiaire de la décision, l'administration peut, selon le cas et sans condition de délai, abroger ou retirer une décision créatrice de droits, même légale, si son retrait ou son abrogation n'est pas susceptible de porter atteinte aux droits des tiers et s'il s'agit de la remplacer par une décision plus favorable au bénéficiaire ".

7. Mme D... soutient qu'en application de ces dispositions, l'administration pouvait faire droit à sa demande nonobstant le caractère définitif des arrêtés la nommant dans le cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique. Toutefois, la reconstitution sollicitée par Mme D... est susceptible de porter atteinte aux droits des tiers. Par suite, l'intéressée ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions.

9. Enfin, en l'absence de texte législatif permettant au maire de la commune de Saint-Ouen de procéder à la reconstitution de la carrière de Mme D... ou de décision juridictionnelle lui imposant de le faire, et alors que l'intéressée n'est pas placée dans une situation irrégulière que l'administration aurait dû régulariser, le maire de la commune de Saint-Ouen était tenu de rejeter la demande que celle-ci lui avait présentée.

10. Il résulte de ce qui précède que les autres moyens soulevés par

Mme D... à l'encontre de la décision attaquée sont inopérants.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la décision attaquée, n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte présentées par Mme D... doivent, dès lors, être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Saint-Ouen, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Saint-Ouen sur le fondement de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête présentée par Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Ouen tendant à l'application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et à la commune de

N° 18VE00941 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00941
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Changement de cadres, reclassements, intégrations. Questions d'ordre général.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: M. CABON
Avocat(s) : CABINET VL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-10-03;18ve00941 ?
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