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03/10/2019 | FRANCE | N°18VE00683

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 03 octobre 2019, 18VE00683


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Libération a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du maire de la commune d'Itteville, en date du 2 juin 2014, portant refus de délivrance d'un permis d'aménager, ensemble, par voie de l'exception, la décision du ministre de l'écologie en date du 22 avril 2014.

Par un jugement n° 1405353 du 22 décembre 2017, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire, enregistrée le 21 févrie

r 2018, et un mémoire ampliatif, enregistré le 11 mai 2018, la SCI Libération, représentée par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Libération a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du maire de la commune d'Itteville, en date du 2 juin 2014, portant refus de délivrance d'un permis d'aménager, ensemble, par voie de l'exception, la décision du ministre de l'écologie en date du 22 avril 2014.

Par un jugement n° 1405353 du 22 décembre 2017, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire, enregistrée le 21 février 2018, et un mémoire ampliatif, enregistré le 11 mai 2018, la SCI Libération, représentée par Me Tabone, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler les décisions du maire d'Itteville du 2 juin 2014 et du ministre de l'écologie du 22 avril 2014 ;

3° d'enjoindre à la commune d'Itteville de délivrer l'autorisation sollicitée dans les 15 jours suivant l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4° de mettre à la charge de la commune d'Itteville et de l'Etat le versement de la somme globale de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, le sens des conclusions du rapporteur public n'ayant pas été mis en ligne dans un délai utile ;

- le jugement est insuffisamment motivé sur la notion de mitage qui n'est pas définie en droit par le jugement en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

- le jugement est entaché d'une incompétence négative en se bornant à reprendre les éléments d'appréciation du ministre ; le tribunal a méconnu son office en s'abstenant de mettre en oeuvre ses pouvoirs d'instruction lui permettant de se faire sa propre idée de la configuration du site ;

- la notion de mitage ne peut pas fonder le refus d'un projet conforme à la réglementation locale et nationale d'urbanisme ; le projet situé en zone constructible comportant d'autres constructions dans une zone au dénivelé faible ne porte pas atteinte à la qualité des sites ; le refus pour ce projet qui renforce l'harmonie du site en supprimant une " dent creuse " est entaché d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2019, la commune d'Itteville, représentée par Me Chaussade, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SCI Libération la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés par la SCI Libération ne sont pas fondés ;

- en tout état de cause la demande d'injonction de délivrer le permis d'aménager doit être écartée, le projet en litige ne pouvant être autorisé sur le fondement de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme en raison des risques qu'il présente du point de vue de la sécurité et de la salubrité publiques.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 26 juin 2019, la SCI Libération conclut aux mêmes fins.

Elle soutient en outre que le nouveau motif de refus tenant au risque pour la sécurité publique de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme n'est pas fondé.

Par un mémoire, enregistré le 28 juin 2019, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions dirigées contre le refus d'autorisation du 22 avril 2014 sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par la SCI Libération ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du président de la 2ème Chambre en date du 4 juillet 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 août 2019, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret du 18 juillet 2003 portant classement d'un site ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par jugement du 22 décembre 2017, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de la SCI Libération tendant à l'annulation de la décision du 2 juin 2014 par laquelle le maire d'Itteville a rejeté sa demande du 28 octobre 2013 tendant à la délivrance d'un permis d'aménager portant sur la division d'une propriété en deux lots à bâtir avec démolition d'un cabanon sur un terrain situé 18 chemin d'Orgemont. La SCI Libération relève régulièrement appel de ce jugement.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la transition écologique et solidaire :

2. Si, lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, les moyens tirés de l'illégalité de ce refus, notamment de l'erreur d'appréciation, peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision. Par suite, si la SCI requérante est recevable à contester la régularité et le bien-fondé de la décision du ministre en date du 22 avril 2014 à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté du maire en date du 2 juin 2014 refusant de délivrer le permis d'aménager, ses conclusions aux fins d'annulation de cette décision sont, en revanche, irrecevables.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 341-10 du code de l'environnement dans sa version alors applicable : " Les monuments naturels ou les sites classés ne peuvent ni être détruits ni être modifiés dans leur état ou leur aspect sauf autorisation spéciale ". Aux termes de l'article R. 425-17 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans un site classé ou en instance de classement, la décision prise sur la demande de permis ou sur la déclaration préalable ne peut intervenir qu'avec l'accord exprès prévu par les articles L. 341-7 et L. 341-10 du code de l'environnement : a) Cet accord est donné par le préfet ou, le cas échéant, le directeur de l'établissement public du parc national (...) lorsque le projet fait l'objet d'une déclaration préalable ; / b) Cet accord est donné par le ministre chargé des sites, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, dans les autres cas.". Par un décret du 18 juillet 2003 le site de la vallée de la Juine et ses abords entre Morigny-Champigny et Saint-Vrain sur le territoire notamment de la commune d'Itteville a été classé parmi les sites du département de l'Essonne.

4. Le classement d'un site sur le fondement des dispositions précitées du code de l'environnement n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire toute réalisation d'équipement, construction ou activité économique dans le périmètre de classement, mais seulement de soumettre à autorisation tout aménagement susceptible de modifier l'état des lieux. Le refus opposé le 22 avril 2014 par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, dont les termes ont été repris par l'arrêté du maire d'Itteville, relève que " le projet de lotissement se situe (...) dans un secteur où prédominent les éléments verdoyants de fond de vallée ( boisements, haies...) en dépit de l'existence d'un habitat diffus composé de quelques constructions contemporaines qui, déjà présentes à la date du classement, constituent un mitage du secteur, qu'il est nécessaire de ne pas aggraver (...) la division du terrain en vue de construire serait contraire aux ambitions et aux objectifs du classement de la vallée de la Juine, ce secteur d'habitat diffus ayant été inclus dans le périmètre du site classé afin d'éviter les extensions et la densification du bâti, et de contenir le phénomène de mitage qui constitue une atteinte irrémédiable au paysage ". Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment du plan de coupe AA' du dossier de demande, que le projet consistant en une division d'un terrain de 2 024 m², laissé à l'état naturel notamment de boisements et comportant un abri de jardin à démolir en vue d'un projet de construction de deux pavillons d'une hauteur de 8 mètres et 7 mètres, se situe sur les limites du périmètre de classement, à proximité du bourg et à distance de la Juine au milieu d'un secteur bâti d'une quinzaine de pavillons récents de hauteurs similaires classé en zone UBd 1 du plan local d'urbanisme. Eu égard à l'ampleur modeste de ce projet situé sur le bas de la butte d'Itteville et de sa visibilité limitée, à sa nature et à la circonstance que le pétitionnaire s'engage à préserver des boisements masquant les constructions par les permis de construire ultérieurs, l'atteinte au site n'est pas établie. Par suite, l'avis défavorable du ministre du 22 avril 2014 est entaché d'erreur d'appréciation. Dès lors, le refus de permis de construire litigieux est illégal.

5. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, en l'état du dossier, les moyens tirés de l'irrégularité de la composition de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites et de l'incompétence négative du ministre chargé des sites ne sont pas susceptibles de fonder l'annulation prononcée par le présent arrêt.

6. La commune d'Itteville soutient qu'un autre motif tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme aux termes duquel " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations " justifie le refus de permis d'aménager. Toutefois la commune ne peut utilement faire valoir que le futur règlement limitera l'urbanisation de ce secteur au regard de risques de ruissellement aggravés par l'imperméabilisation des sols et d'une recommandation d'ordre général de la mission régionale d'autorité environnementale du 3 janvier 2018 relative aux réseaux de collecte des eaux usées. Dans ces conditions, les dispositions de l'article R. 111-2 précitées du code de l'urbanisme ne peuvent pas s'opposer au permis d'aménager en cause. Par suite, la substitution de motifs sollicitée par la commune d'Itteville ne peut être accueillie.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Libération est fondée à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 2 juin 2014 par lequel le maire de la commune d'Itteville a refusé de lui accorder un permis d'aménager.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. Aux termes de l'article R. 421-19 du code de l'urbanisme : " Doivent être précédés de la délivrance d'un permis d'aménager : a) Les lotissements : (...) -ou qui sont situés dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, dans les abords des monuments historiques, dans un site classé ou en instance de classement ; (...) ". L'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".

9. La commune s'oppose aux conclusions aux fins d'injonction de la requérante tendant à délivrer le permis d'aménager en faisant valoir des risques pour la sécurité et la salubrité publiques d'augmentation des eaux de ruissellement et d'une insuffisance de l'assainissement. Il résulte cependant de l'instruction que la compatibilité avec les règles d'urbanisme notamment celles de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme pourra être en l'espèce ultérieurement vérifiée lors de la délivrance des permis de construire requis pour chacun des pavillons. Il y a donc lieu, dans ces conditions, d'enjoindre au maire de la commune d'Itteville de délivrer le permis d'aménager requis par les dispositions de l'article R. 421-19 du code de l'urbanisme dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SCI Libération qui n'est pas la partie perdante à l'instance, la somme que réclame la commune d'Itteville. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Itteville la somme de 2 000 euros à verser à la SCI Libération en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1405353 du 22 décembre 2017 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : L'arrêté du maire de la commune d'Itteville, en date du 2 juin 2014, portant refus de délivrance d'un permis d'aménager à la SCI Libération, est annulé.

Article 3 : Il est enjoint à la commune d'Itteville de délivrer le permis d'aménager à la SCI Libération dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : La commune d'Itteville versera à la SCI Libération en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la somme de 2 000 euros.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Libération, à la commune d'Itteville et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. B..., président de chambre,

Mme A..., premier conseiller

Mme Aventino-Martin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.

Le rapporteur,

B. A...Le président,

M. B...Le greffier,

C. RICHARD

La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

2

N° 18VE00683


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00683
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-04-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Lotissements. Autorisation de lotir.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : ATYS SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-10-03;18ve00683 ?
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