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03/10/2019 | FRANCE | N°17VE02256

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 03 octobre 2019, 17VE02256


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Bien Vivre à Vernouillet et l'association Def'Sit ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté en date du 12 février 2014 par lequel le préfet des Yvelines a institué des servitudes d'utilité publique sur les sites antérieurement exploités par la société Eternit sur les communes de Vernouillet et Triel-sur-Seine, ainsi que les décisions du 5 juin 2014 par lesquelles le préfet des Yvelines a rejeté leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1405695 du 12

mai 2017, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Bien Vivre à Vernouillet et l'association Def'Sit ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté en date du 12 février 2014 par lequel le préfet des Yvelines a institué des servitudes d'utilité publique sur les sites antérieurement exploités par la société Eternit sur les communes de Vernouillet et Triel-sur-Seine, ainsi que les décisions du 5 juin 2014 par lesquelles le préfet des Yvelines a rejeté leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1405695 du 12 mai 2017, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2017, l'association Bien Vivre à Vernouillet et l'association Def'Sit, représentées par Me C..., avocat, demandent à la Cour :

1° d'annuler le jugement ;

2° d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté préfectoral du 12 février 2014 et les décisions de rejet des recours gracieux ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement à chacune des associations d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- l'absence d'enquête publique sur un ancien site de fabrication de fibrociment à base d'amiante en vue d'un projet immobilier commercial gigantesque, est contraire aux articles L. 515-9 et L. 515-12 du code de l'environnement, au principe à valeur constitutionnelle de l'article 7 de la charte de l'environnement et à l'article 6 de la convention d'Aarhus ;

- un centre commercial ne se distingue pas d'autres lieux accueillant des enfants ou des clients ou des travailleurs ; en ne prévenant pas efficacement et suffisamment les dommages à la santé humaine susceptibles de résulter de la pollution industrielle du site (non seulement amiante mais également cadmium, zinc, PCB, hydrocarbures et dioxines ou furannes qui ont pu être dégagés lors d'un incendie récent), le préfet en allégeant les servitudes a méconnu le principe de prévention dans l'exercice de ses pouvoirs de police spéciale ; l'étude environnementale qui a minimisé les risques n'a pas été suffisamment fiable pour orienter la décision du préfet ; l'arrêté du 3 mars 2017 par lequel le préfet a rejeté la demande d'autorisation d'aménager un centre commercial démontre l'état de pollution.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., pour les associations Bien Vivre à Vernouillet et Def'Sit, et Me B..., substituant Me D..., pour la commune de Vernouillet.

Considérant ce qui suit :

1. Les associations Bien Vivre à Vernouillet et Def'Sit relèvent appel du jugement du 12 mai 2017 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 février 2014 par lequel le préfet des Yvelines a institué des servitudes d'utilité publique et définit les zones concernées sur des parcelles situées à Vernouillet et Triel-sur-Seine, sur un site anciennement exploité par la société Eternit ayant fait l'objet de travaux de dépollution, et de travaux de confinement d'amiante fixés par un arrêté préfectoral du 6 décembre 2001.

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 515-12 du code de l'environnement, dans sa version alors en vigueur : " Afin de protéger les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, les servitudes prévues aux articles L. 515-8 à L. 515-11 peuvent être instituées sur des terrains pollués par l'exploitation d'une installation (...) Ces servitudes peuvent, en outre, comporter la limitation ou l'interdiction des modifications de l'état du sol ou du sous-sol, la limitation des usages du sol, du sous-sol et des nappes phréatiques, ainsi que la subordination de ces usages à la mise en oeuvre de prescriptions particulières, et permettre la mise en oeuvre des prescriptions relatives à la surveillance du site. (...) Sur les terrains pollués par l'exploitation d'une installation classée (...), lorsque les servitudes envisagées ont pour objet de protéger les intérêts mentionnés au premier alinéa et concernent ces seuls terrains, le représentant de l'Etat dans le département peut, lorsque le petit nombre des propriétaires ou le caractère limité des surfaces intéressées le justifie, procéder à la consultation écrite des propriétaires des terrains par substitution à la procédure d'enquête publique prévue au troisième alinéa de l'article L. 515-9. (...). ". Aux termes de l'article L. 515-8 du même code : " (...) Des servitudes d'utilité publique peuvent être instituées concernant l'utilisation du sol ainsi que l'exécution de travaux soumis au permis de construire. Elles peuvent comporter, en tant que de besoin : 1° La limitation ou l'interdiction de certains usages susceptibles de porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, du droit d'implanter des constructions ou des ouvrages ou d'aménager les terrains ; / 2° La subordination des autorisations de construire au respect de prescriptions techniques tendant à limiter l'exposition des occupants des bâtiments aux phénomènes dangereux ; / 3° La limitation des effectifs employés dans les installations industrielles et commerciales. (...) ". Aux termes de l'article L. 515-9 du même code dans sa version applicable : " L'institution de servitudes d'utilité publique est décidée à l'intérieur d'un périmètre délimité autour de l'installation soit à la requête du demandeur de l'autorisation ou du maire de la commune d'implantation, soit à l'initiative du préfet. / (...) Le projet définissant les servitudes et le périmètre est soumis à enquête publique, conformément aux dispositions du chapitre III du titre II du livre Ier, et à l'avis des conseils municipaux des communes sur lesquelles s'étend le périmètre. (...) ".

3. L'arrêté en litige a pour objet de " remplacer " les servitudes instituées par un arrêté préfectoral du 6 décembre 2001. Cet arrêté détermine deux zones, ZA et ZB, la zone ZA correspondant à des terrains où la présence de matériaux amiantés est avérée et la zone ZB à des terrains dans lesquels, même si la présence de matériaux amiantés n'a pas été mise en évidence, des restrictions d'usage sont toutefois mises en place " en application du principe de précaution ". La nature des servitudes est identique dans les deux zones où est interdit tout usage d'eau souterraine pour des usages sanitaires et où sont autorisées l'utilisation du sol ainsi que l'exécution de travaux soumis aux dispositions du code de l'urbanisme pour les usages de types industriel, tertiaire, commercial ou de parc de stationnement. Outre les prescriptions de surveillance de la qualité des eaux souterraines par piézomètres, l'arrêté litigieux interdit pour la zone ZA de détruire le confinement des matériaux amiantés, de réaliser des travaux ou interventions sur le sous-sol de nature à mettre à jour des matériaux amiantés, sauf dérogation accordée après avis conforme de l'inspection des installations classées, et interdit de planter des arbres dont les racines seraient susceptibles d'atteindre les matériaux amiantés. L'arrêté prescrit également pour cette zone ZA notamment le maintien en place d'un géotextile avertisseur au-dessus des matériaux confinés et la détermination des obligations s'imposant en cas d'intervention sur le confinement des matériaux amiantés. Pour la zone ZB, l'arrêté litigieux prescrit que tous les travaux nécessitant des excavations à une cote inférieure à 24m NGF ne pourront être entrepris qu'après la réalisation d'un diagnostic des sols à fournir à l'inspection des installations classées permettant d'identifier la présence ou l'absence de matériaux amiantés.

4. Il ressort des pièces du dossier que les propriétaires des terrains en cause sont la société Eternit, le département des Yvelines et la société Les Cornouillers. Dès lors, et sans que les requérantes puissent utilement faire valoir l'importance de la fréquentation future d'un centre commercial, le préfet des Yvelines pouvait régulièrement procéder, par substitution à la procédure d'enquête publique prévue au troisième alinéa de l'article L. 515-9, à la consultation écrite des propriétaires prévue par l'article L. 515-12 du même code dont la conformité à des principes ou à des objectifs de valeur constitutionnelle, notamment de l'article 7 de la charte de l'environnement, n'est pas remise en cause par les requérantes. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'enquête publique prévue par l'article L. 515-9 du code de l'environnement doit être écarté.

5. L'arrêté du 12 février 2014, qui institue des servitudes d'utilité publique sur des zones anciennement exploitées et qui ont fait l'objet de travaux de dépollution, ne relève pas du champ d'application du a) du I de l'article 6 de la convention d'Aarhus du 25 juin 1998 portant sur la participation du public au processus décisionnel, dès lors que ces servitudes ne sont pas au nombre des activités particulières mentionnées à l'annexe 1 de cette convention.

6. Aux termes de l'article L. 110-1 du code de l'environnement dans sa version applicable à la date de l'arrêté litigieux : " I. - Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l'air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation. / II. - Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants : 1° Le principe de précaution, selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ;

2° Le principe d'action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable ; (...) ".

7. Les associations requérantes soutiennent que " l'usage commercial " des sols autorisé par l'arrêté litigieux méconnait le principe d'action préventive par ses conséquences notamment sur la santé des enfants qui viendraient à fréquenter un centre commercial. Toutefois si l'arrêté du 12 février 2014 contesté prescrit notamment le maintien de la surveillance de la qualité des eaux souterraines par quatorze piézomètres, il n'a ni pour objet ni pour effet d'autoriser la réalisation d'un projet commercial sur le site, pour lequel les mesures appropriées destinées à éviter, réduire et, lorsque c'est possible, compenser les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine ainsi que les modalités de leur suivi seront, si nécessaire, précisées ou complétées à l'occasion de la délivrance des autorisations requises au titre des polices d'environnement. A ce titre, les requérantes ne peuvent utilement se prévaloir à l'encontre de l'arrêté litigieux des termes de l'avis du 27 mai 2013 émis par l'autorité environnementale dans le cadre d'un permis de construire un centre commercial ni d'un arrêté préfectoral du 3 mars 2017 portant rejet d'une demande d'autorisation, au titre de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques, concernant l'aménagement d'un centre commercial sur le site. Par suite, malgré les contraintes techniques difficiles tenant notamment au confinement de matériaux contenant de l'amiante et des polluants chimiques sur le site et le caractère de zone inondable soumise au règlement du plan de prévention des risques d'inondation de la Seine et de l'Oise, le choix de requalification de cette friche industrielle pour un éventuel " usage commercial " autorisé par l'arrêté en litige n'est pas en lui-même entaché d'une erreur d'appréciation, notamment au regard de la portée du principe dit " de prévention " défini au point précédent.

8. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposée par la commune de Vernouillet, l'association Bien Vivre à Vernouillet et l'association Def'Sit ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par les requérantes au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Bien Vivre à Vernouillet et l'association Def'Sit une somme à verser à la commune de Vernouillet au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association Bien Vivre à Vernouillet et l'association Def'Sit est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Vernouillet au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 17VE02256 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE02256
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02-02-005-01-05 Nature et environnement. Installations classées pour la protection de l'environnement. Régime juridique. Actes affectant le régime juridique des installations. Classement.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : CABINET TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-10-03;17ve02256 ?
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