Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS TOLUNA a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, dans un premier temps, de prononcer la restitution de la somme de 93 354 euros au titre du crédit d'impôt recherche pour l'année 2010 et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 7 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, et dans un second temps, de prononcer la restitution de la somme de 50 039 euros au titre du crédit d'impôt recherche pour l'année 2011 et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 7 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1505553 et n° 1601055 du 8 novembre 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2017, la SAS TOLUNA, représentée par Me Krief, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la restitution de la part de crédit d'impôt recherche dont le remboursement lui a été refusé au titre de l'année 2010 à hauteur de 93 354 euros et au titre de l'année 2011 à hauteur de 50 039 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- au titre de l'année 2010, les dépenses relatives aux travaux " fonctionnalité tests produits " et " estimation de durée " du projet Unified Panel System (UPS) et celles relatives aux travaux " ciblage et faisabilité " du projet QuickSurveys, qui relevaient de l'axe de recherche " algorithmes propres au secteur des études de marché en ligne ", ont nécessité d'importants efforts pour lever des verrous technologiques et apporter des améliorations substantielles et innovantes aux produits existants ;
- au titre de ce même exercice, les dépenses relatives aux travaux " scalabilité " du projet Automate Surveys et Panel Portal (ASPP) et " mode dégradé et recovery " du projet UPS, qui relevaient de l'axe de recherche " performance et scalabilité " étaient nécessairement, du fait de leur objet, éligibles au crédit d'impôt recherche dans la mesure où ces différents travaux permettent à un dispositif informatique de s'adapter au rythme de la demande et remplissent l'exigence de " nouveauté ".
- au titre de l'année 2011, les dépenses relatives aux travaux " ciblage et faisabilité " du projet QuickSurveys et aux travaux " statistiques et pondération " du projet Toluna Analytics, qui relevaient de l'axe de recherche " algorithmes " étaient éligibles au CIR, pour les raisons exposées précédemment : à l'image de l'ensemble des autres dépenses entrant dans cet axe de recherche, ces travaux ont nécessité un effort considérable afin d'apporter des améliorations substantielles et innovantes aux produits existants et, à ce titre, relèvent du développement expérimental ; ces travaux ont, en outre, permis de lever un important verrou technologique.
- au titre de ce même exercice, les dépenses relatives aux travaux " scalabilité " du projet ASPP, qui relevaient de l'axe de recherche " scalabilité " étaient nécessairement éligibles au CIR.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bobko,
- et les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société TOLUNA, qui exerce une activité d'études de marché et de sondage d'opinion en ligne, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2010, 2011 et 2012. A l'issue de cette vérification, l'administration fiscale a remis en cause une partie des droits en matière de crédits d'impôt recherche au titre de ces trois années. La SAS TOLUNA a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer, dans un premier temps, la restitution du crédit d'impôt recherche remis en cause à hauteur de 93 354 euros au titre de 2010 et à hauteur de 50 039 euros au titre de 2011. Par jugement du 8 novembre 2017, le tribunal administratif a rejeté cette demande. La société relève appel de ce jugement.
2. Aux termes du I de l'article 244 quater B du code général des impôts : " Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel [...] peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année [...] ". Aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III à ce code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : [...] c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté ".
3. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis fait l'objet, qu'une entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par ces dispositions. Pour apprécier la déductibilité des dépenses en cause au titre du crédit d'impôt recherche, il y a lieu d'examiner si les opérations de développement expérimental en cause présentent un caractère de nouveauté au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts.
Sur l'année 2010 :
4. Les travaux " ciblage et faisabilité " menés dans le cadre du projet Quick Surveys ont conduit au développement d'un algorithme permettant d'établir la faisabilité d'une enquête au regard de la cible choisie. Il résulte de l'instruction que ces travaux ont consisté, d'une part, à créer une nouvelle base de données rassemblant toutes les informations sur chaque panéliste originaire des 15 pays dans lesquels la SAS TOLUNA est présente, ayant répondu à, au moins, une enquête dans une période donnée et, d'autre part, à coupler ces données avec le taux de réponse moyen par pays et le nombre de répondants actifs et disponibles par pays pour une période donnée, afin de calculer un taux de réponse pour une cible donnée. Si la société requérante soutient que ce projet devait permettre de mettre au point un outil pour répondre à des besoins qui n'étaient pas satisfaits par l'état de l'art existant, cette circonstance ne suffit pas à établir que la conception de cet outil ne pouvait être envisagée, eu égard à l'état des connaissances techniques à l'époque où les travaux ont été menés, par un simple développement ou une adaptation des connaissances existantes. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que ces travaux, qui se sont appuyés sur des outils existants, ont nécessité l'emploi de technologies de traitement de l'information autres que celles alors en usage. Ces travaux ne présentent, dès lors, pas de caractère de nouveauté au sens de l'article 49 septies F précité.
5. Les travaux " fonctionnalité, test, produits " du projet Unified Panel Systems visent à proposer une enquête à quelques centaines de personnes spécifiquement ciblées alors que la base de données de la société TOLUNA se compose de plusieurs millions de panélistes. Il résulte de l'instruction que ces travaux ont consisté à créer un algorithme pour sélectionner parmi les participants qui se sont inscrits et ont répondu à un questionnaire, ceux qui participeront à la phase de test des produits, en fonction du nombre de produits disponibles. Cependant, ainsi que le souligne le rapport de contre-expertise demandé par la société TOLUNA, la création de cette nouvelle fonctionnalité découle de l'utilisation successive de trois autres fonctions traditionnellement exploitées par l'entreprise et du recours à sa base de données. Par suite, les modifications apportées découlent de la simple utilisation de techniques existantes et ne sauraient être regardées comme présentant un caractère de nouveauté au sens des dispositions précitées.
6. Les travaux " estimation de durée " du projet Unified Panel Systems ont pour objet d'estimer au plus près de la réalité, le temps qui sera nécessaire à la réalisation d'une étude en ligne. Il résulte de l'instruction qu'à cette fin, la société TOLUNA a développé un algorithme basé sur l'ensemble des projets réalisé au cours des deux années précédentes et prenant en compte le temps qui a été nécessaire pour mener à bien chaque enquête en fonction de différents critères, tels que la durée du questionnaire, le pays, le taux de retour ou encore la taille du panel. Cependant si cette opération a permis une amélioration de l'estimation des délais de réalisation des études, cette modification ne découle que de la compilation des résultats des enquêtes menées au cours des deux années précédentes. Ainsi il ne résulte pas de l'instruction que ces travaux présentaient un caractère de nouveauté tel que des professionnels avertis auraient été dans l'impossibilité de le mettre en oeuvre par la simple adaptation de techniques existantes.
7. Il résulte de l'instruction que les travaux " scalabilité " du projet Automate Survey et Panel Portal ont consisté en une migration du système Oracle au système Microsoft SQL et que les travaux " mode dégradé et recovery " du projet Unified Panel Systems ont conduit à la mise en place de cache-mémoire. Ces travaux procèdent d'une simple utilisation de technologies existantes et ne présentent pas un caractère de nouveauté tel que des professionnels avertis auraient été dans l'impossibilité de les mettre en oeuvre par la simple adaptation de techniques existantes. Au demeurant, la seule circonstance que toute opération de gestion de la scalabilité implique d'améliorer la capacité d'un produit à s'adapter à un changement, en particulier à un afflux de demandes, tout en conservant ses fonctionnalités et ses performances est insuffisante à démontrer que les travaux particuliers menés par la SAS TOLUNA en matière de scalabilité présentent le caractère de nouveauté au sens des dispositions législatives précitées.
8. Il résulte de ce qui précède que l'administration n'a pas fait une inexacte application des dispositions des articles 244 quater B du code général des impôts et 49 septies F de l'annexe III à ce code en ne regardant pas ces projets comme des opérations de recherche scientifique ou technique ouvrant doit au crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2010.
Sur l'année 2011 :
9. Ainsi qu'il a été dit au point 4, s'ils ont contribué à améliorer les possibilités d'établir, en amont, la faisabilité d'une enquête donnée, dans un temps imparti, les travaux " ciblage et faisabilité " menés dans le cadre du projet Quick Surveys ne présentent pas de caractère de nouveauté au sens de l'article 49 septies F précité.
10. Les travaux " statistiques et pondération " du projet Toluna Analytics visent à automatiser le traitement statistique des études en ligne, afin de présenter des données en temps réel et de proposer des fonctions d'exportation. Il résulte de l'instruction, en particulier des deux rapports d'expertise, que si ces travaux ont été novateurs dans leurs résultats, ils s'inscrivaient dans le cadre d'un projet de développement standard, mené par une personne seule et intégrant des fonctionnalités classiques. Par suite, cette opération ne saurait être regardée comme présentant le caractère de nouveauté au sens des dispositions législatives précitées.
11. Il résulte de l'instruction que les travaux " scalabilité " du projet Automate Survey et Panel Portal ont consisté, comme en 2010, en une migration du système Oracle au système Microsoft SQL ainsi qu'en une mise à jour du serveur d'application JBoss et de l'éditeur de logiciels Liferay. Ainsi qu'il a été dit au point 7, ces travaux n'ont pas nécessité l'emploi de technologies autres que celles en usage à l'époque et ne présentaient, dès lors, pas un caractère de nouveauté tel que des professionnels avertis auraient été dans l'impossibilité de les mettre en oeuvre par la simple adaptation de techniques existantes.
12. Il résulte de ce qui précède que l'administration n'a pas fait une inexacte application des dispositions des articles 244 quater B du code général des impôts et 49 septies F de l'annexe III à ce code en ne regardant pas ces projets comme des opérations de recherche scientifique ou technique ouvrant doit au crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2011.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS TOLUNA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS TOLUNA est rejetée.
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N° 17VE03973