Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
MmeC... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner l'établissement public de santé Maison Blanche à lui verser la somme totale de 347 364,16 euros en réparation des préjudices subis du fait du harcèlement moral dont elle a été victime de la part de sa hiérarchie et du fait des fautes commises par l'établissement public de santé et de mettre à la charge de cet établissement la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1602206 du 2 juin 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 31 juillet 2017, 15 novembre 2018, 19 avril et le 22 mai 2019, Mme B..., représentée par Me Rouch, avocat, demande, dans le dernier état de ses écritures, à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'établissement public de santé Maison Blanche à lui verser, à titre principal, une somme totale de 686 421,72 euros et à titre subsidiaire, une somme totale de 799 560,72 euros, en réparation des préjudices subis du fait du fait du harcèlement moral dont elle a été victime de la part de sa hiérarchie et des fautes commises par l'établissement ;
3°) de mettre à la charge de l'établissement public de santé Maison-Blanche la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité de l'établissement public de santé Maison Blanche doit être engagée pour faute, en raison du harcèlement moral qu'elle a subi de la part de sa supérieure hiérarchique ;
- la responsabilité de l'établissement de santé doit également être engagée pour faute, dans la mesure où l'établissement n'a rien fait pour la protéger contre les agissements de sa supérieure ;
- la responsabilité de l'établissement doit également être engagée pour faute, dans la mesure où l'établissement de santé n'a pas transmis à la caisse primaire d'assurance maladie sa déclaration d'accident du travail du 6 avril 2012, lui faisant perdre une chance de voir ses arrêts de travail pris à compter du 10 février 2012 reconnus comme faisant suite à un accident du travail.
- ces fautes de l'établissement public de santé Maison Blanche sont à l'origine de préjudices financiers, actuels et à venir, d'un préjudice de formation, d'un préjudice tenant aux souffrances endurées et d'un préjudice moral.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bobko,
- les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., pour le groupe hospitalier universitaire Paris-Psychiatrie et neurosciences.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C...B..., praticien hospitalier psychiatre, exerçant son activité à temps partiel auprès de l'établissement public de santé Maison-Blanche, a été affectée à compter du 24 janvier 2011 à l'unité de soins des " patients de séjours prolongés psychiatriques ". Elle a été placée en congé maladie à compter du 10 février 2012. Estimant que la dégradation de son état de santé, qui a justifié le prolongement de ses congés maladie, était due à des faits de harcèlement moral, elle a saisi l'établissement public de santé Maison-Blanche d'une demande indemnitaire préalable, le 30 décembre 2015. Mme B...relève appel du jugement du 2 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation de ses préjudices.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les faits de harcèlement moral :
2. En vertu d'un principe général du droit, aucun agent public ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
3. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral, revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte de l'ensemble des faits qui lui sont soumis.
4. Mme B...soutient avoir fait l'objet d'un harcèlement moral de la part de sa supérieure hiérarchique, cheffe du service des " patients de séjours prolongés psychiatriques ". Elle aurait régulièrement subi les brimades et insultes de cette dernière, qui aurait cherché à lui nuire à plusieurs reprises, notamment en étant à l'origine d'un rappel sur traitement et en rédigeant des courriers ayant bloqué toute perspective de carrière et d'évolution, et qui aurait pris plusieurs mesures d'organisation du service constitutives d'un harcèlement moral.
5. Si les courriers de deux assistantes sociales ayant travaillé dans le même service que Mme B...et de la responsable syndicale CGT de l'établissement de santé Maison-Blanche, produits par la requérante, mettent en lumière une situation de mal-être généralisé au sein du service qui préexistait à l'arrivée de MmeB..., ils ne mentionnent aucune des brimades et insultes que la requérante aurait subies. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que l'établissement public de santé aurait à tort opéré un rappel de traitement, en juin 2011, dès lors que la requérante n'établit pas avoir passé un accord formel avec sa supérieure ou l'administration de l'établissement l'autorisant à travailler 5 demi-journées et demi au lieu des 6 demi-journées que devait compter son temps partiel. Enfin, il résulte de l'instruction que les courriers rédigés par la supérieure hiérarchique de Mme B..., qui ont conduit à sa convocation à un examen pour évaluer son aptitude professionnelle, tout en reconnaissant les " qualités cliniciennes " de l'intéressée, mettaient en avant les difficultés organisationnelles, résultant des contraintes médicales empêchant la requérante de travailler à temps plein, d'effectuer des gardes de nuit et d'être confrontée aux urgences. Aucun de ces éléments n'est suffisamment circonstancié et précis pour permettre d'établir les humiliations et les persécutions dont aurait souffert Mme B....
6. La requérante ne produit en outre, aucun document témoignant de ce que sa supérieure hiérarchique lui aurait interdit d'échanger ses astreintes et permanences avec ses collègues, lui aurait imposé d'être d'astreinte 7 jours sur 7 et 365 jours par an et l'aurait contrainte à annuler ses congés d'avril 2011 quelques jours seulement avant leur date. Il résulte, par ailleurs, de l'instruction que Mme B... a été affectée, en temps partiel, au service " patients de séjours prolongés psychiatriques " au retour d'un congé de maladie qui aura duré plus d'un an et demi et alors que le chef du service dont elle dépendait avant son congé avait informé la direction, quelques jours avant le retour de Mme B..., de son impossibilité à la réintégrer, notamment pour des raisons organisationnelles. Dans ces conditions, la direction de l'établissement a décidé de l'affecter dans le service " patients de séjours prolongés psychiatriques ", sans qu'il soit contesté que la requérante a été affectée de manière stable au sein de l'unité 68 de ce service, au plus tard en avril 2011. A supposer même établie la circonstance que la requérante ait été rappelée à l'ordre le 19 février 2011 par la cheffe du service pour s'être fait remplacer par un interne à l'occasion d'une astreinte de jour, les seuls éléments décrits ci-dessus sont insuffisants à révéler un exercice anormal du pouvoir hiérarchique et d'organisation du service.
7. Par ailleurs, les certificats médicaux, rédigés par le médecin du travail, le médecin généraliste, le cardiologue et le rhumatologue de la requérante, qui pour la plupart font état des déclarations de Mme B...et témoignent de l'altération de son état de santé ont été établis postérieurement à l'arrêt de travail du 10 février 2012 et ne peuvent, dès lors, établir un lien de causalité direct entre la situation complexe que la requérante a connue en 2012 et son état de santé.
8. Enfin, si Mme B... se prévaut des décisions de justice rendues par le tribunal des affaires sociales de Bobigny en 2014 et par la cour d'appel de Paris en 2015, ces décisions portent sur le seul refus de reconnaissance de l'accident du travail opposé à Mme B... et les juges judiciaires saisis de ces affaires ne peuvent être regardées comme s'étant prononcés sur la qualification juridique des faits en litige.
9. Ainsi, s'il ressort des pièces du dossier que les relations de travail au sein du service " patients de séjours prolongés psychiatriques ", dans lequel l'intéressée travaillait ont été affectées par des tensions et des conflits entre les membres du personnel et la cheffe du service, les éléments de fait produits par Mme B...ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral à son encontre de la part de sa supérieure hiérarchique.
10. En l'absence d'agissements constitutifs de harcèlement moral imputables à la cheffe de service, Mme B...ne peut pas invoquer l'existence d'une faute de service de l'établissement public de santé Maison Blanche à avoir laissé de tels agissements se perpétrer sans prendre les mesures adéquates. En tout état de cause, Mme B... n'a ni demandé la protection fonctionnelle, ni alerté les syndicats de sa situation avant la fin de l'année 2011. Ses seules demandes de mutation, à les supposer fondées, ne peuvent, à elles seules, révéler une situation qui aurait dû alerter la direction de l'établissement dont l'inaction aurait révélé une faute. Dans ces conditions, en l'absence de harcèlement moral subi par l'intéressée, l'établissement n'a commis aucune faute, de nature à engager sa responsabilité.
11. Aux termes de l'article L. 441-2 du code de la sécurité sociale : " L'employeur ou l'un de ses préposés doit déclarer tout accident dont il a eu connaissance à la caisse primaire d'assurance maladie dont relève la victime selon des modalités et dans un délai déterminé. La déclaration à la caisse peut être faite par la victime ou ses représentants jusqu'à l'expiration de la deuxième année qui suit l'accident. "
12. Enfin, l'absence de transmission à la caisse primaire d'assurance-maladie par l'établissement public de santé de la déclaration d'accident de travail dont Mme B...a été victime à la suite de son arrêt de travail du 10 février 2012, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 441-2 du code de la sécurité sociale n'a eu aucune conséquence dommageable pour la requérante. Cette dernière a pu procéder elle-même à la déclaration à la caisse comme le prévoient les mêmes dispositions et a pu contester devant le juge judiciaire la décision de la caisse rejetant sa demande.
13. Il résulte de ce qui précède que, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du groupe hospitalier universitaire Paris-Psychiatrie et neurosciences venant aux droits de l'EPS Maison Blanche, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B...le versement de la somme que le groupe hospitalier universitaire Paris-Psychiatrie et neurosciences demande sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du groupe hospitalier universitaire Paris-Psychiatrie et neurosciences venant aux droits de l'EPS Maison Blanche présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 17VE02537