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06/06/2019 | FRANCE | N°18VE00372

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 06 juin 2019, 18VE00372


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Eurl MKM a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune d'Argenteuil à lui verser la somme de 452 822 euros en réparation du préjudice économique subi du fait de l'illégalité de la décision en date du 2 août 2012 du maire de la commune d'Argenteuil de préempter le fonds de commerce qu'elle exploitait ainsi que la somme de 15 000 euros au titre du préjudice moral subi de ce fait.

Par un jugement n° 1604956 du 28 novembre 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Po

ntoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Eurl MKM a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune d'Argenteuil à lui verser la somme de 452 822 euros en réparation du préjudice économique subi du fait de l'illégalité de la décision en date du 2 août 2012 du maire de la commune d'Argenteuil de préempter le fonds de commerce qu'elle exploitait ainsi que la somme de 15 000 euros au titre du préjudice moral subi de ce fait.

Par un jugement n° 1604956 du 28 novembre 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 janvier 2018, l'Eurl MKM, représentée par Me Feldman, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de condamner la commune d'Argenteuil à lui verser la somme de 452 822 euros au titre du préjudice économique et la somme de 15 000 euros au titre du préjudice moral subis du fait de la décision de préemption illégale du 2 août 2012 ;

3° de mettre à la charge de la commune d'Argenteuil le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'Eurl MKM soutient que :

- le courrier du 14 février 2014 ne peut être considéré comme une demande indemnitaire dès lors que la commune avait fait connaitre son intention de faire appel du jugement ayant annulé la décision de préemption en date du 2 août 2012 et le délai raisonnable doit s'entendre à compter de l'intervention de l'arrêt statuant sur cet appel ;

- le délai raisonnable prévu par la jurisprudence ne peut être limité à deux ans ;

- l'acquéreur évincé par une décision de préemption illégale est fondé à demander réparation des préjudices subis ;

- en l'espèce, elle justifie des sommes dépensées pour la valorisation du fonds de commerce et de la perte de chances de voir se réaliser le business plan envisagé ainsi que du préjudice psychologique subi par l'associé.

.....................................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Colrat,

- et les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur les fins de non recevoir soulevées par la commune d'Argenteuil :

1. Il ressort des pièces du dossier que l'Eurl MKM a produit avec sa requête un exemplaire du jugement attaqué du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut de production de ce jugement doit être écartée.

2. Il ressort des termes de la requête que celle-ci comporte, outre l'énoncé des conclusions et moyens qu'elle reprend en appel, une réelle critique du jugement attaqué. Ainsi, et en tout état de cause, la commune d'Argenteuil n'est pas fondée à soutenir que la requête de l'Eurl MKM serait irrecevable faute de critique explicite du jugement attaqué.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Il résulte de l'instruction que la commune d'Argenteuil a exercé son droit de préemption sur un fonds de commerce exploité par l'Eurl MKM par une décision du 2 août 2012 annulée par un jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 25 octobre 2013, confirmé par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Versailles du 31 décembre 2015 devenu définitif. L'Eurl MKM a, par un courrier du 21 février 2014, mis en demeure la commune d'Argenteuil " soit de libérer ou de faire libérer le fonds au plus tôt soit de réparer le préjudice " subi à hauteur de 352 822 euros, en raison de l'illégalité de la décision de préemption. Le maire de la commune d'Argenteuil a rejeté cette demande au motif que la preuve de la réalité du préjudice n'était pas établie, par courrier du 14 mars 2014, notifié en recommandé avec accusé de réception, et reçu par le conseil de l'Eurl MKM le 17 mars suivant. Le 11 mars 2016, l'Eurl MKM a de nouveau adressé un courrier à la commune d'Argenteuil afin de lui demander, dans les mêmes termes, " soit de libérer ou de faire libérer le fonds au plus tôt soit de réparer le préjudice " subi, en portant sa réclamation à la somme de 452 822 euros en raison de l'illégalité de la décision de préemption. Cette seconde demande a été rejetée de manière implicite par la commune. L'Eurl MKM a alors saisi le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une demande de condamnation de la commune d'Argenteuil à l'indemniser du préjudice subi. L'Eurl MKM relève appel du jugement en date du 28 novembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a déclaré sa demande tardive.

4. D'une part, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. D'autre part, l'expiration du délai permettant d'introduire un recours en annulation contre une décision expresse dont l'objet est purement pécuniaire fait obstacle à ce que soient présentées des conclusions indemnitaires ayant la même portée.

5. La décision à l'origine du litige indemnitaire est une décision d'urbanisme illégale et n'a pas, par suite, un objet purement pécuniaire. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont déclaré tardive la demande introduite par l'Eurl MKM au motif qu'elle n'a été enregistrée que le 26 mai 2016, soit plus de deux ans à compter du premier rejet opposé par la commune d'Argenteuil à la demande d'indemnisation de l'Eurl MKM. Ainsi, l'Eurl MKM est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'Eurl MKM devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

7. Si toute illégalité qui entache une décision de préemption constitue en principe une faute de nature à engager la responsabilité de la collectivité au nom de laquelle cette décision a été prise, une telle faute ne peut donner lieu à la réparation du préjudice subi par le vendeur ou l'acquéreur évincé lorsque, les circonstances de l'espèce étant de nature à justifier légalement la décision de préemption, le préjudice allégué ne peut être regardé comme la conséquence du vice dont cette décision est entachée.

8. Il résulte de l'instruction que la décision de préemption du 2 août 2012 a été annulée par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 25 octobre 2013 et par la Cour administrative d'appel de Versailles le 31 décembre 2015 au motif de l'incompétence de son auteur. La commune d'Argenteuil justifie que la décision en cause était justifiée au fond sans être contredite par l'Eurl MKM. Ainsi, celle-ci ne justifie pas que le préjudice dont elle demande réparation puisse être regardé comme la conséquence du vice dont était entachée la décision de préemption annulée par le juge. Dès lors, ses conclusions à fin d'indemnisation ne peuvent qu'être rejetées.

9. Les conclusions présentées par l'Eurl MKM, qui ne peut être regardée comme la partie gagnante dans la présente instance, présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Eurl MKM le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune d'Argenteuil et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement en date du 28 novembre 2017 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La demande de l'Eurl MKM est rejetée.

Article 3 : L'Eurl MKM versera à la commune d'Argenteuil la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 18VE00372


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00372
Date de la décision : 06/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : AARPI FELDMAN EYROLLES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-06-06;18ve00372 ?
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