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06/06/2019 | FRANCE | N°16VE02732

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 06 juin 2019, 16VE02732


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AG Finance Invest a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision en date du 17 juin 2015 par laquelle le directeur général de l'établissement public foncier d'Ile-de-France (EPFIF) a usé de son droit de préemption pour acquérir un immeuble situé 16 rue du Goulet à Aubervilliers et d'enjoindre à l'EPFIF de proposer au vendeur puis à l'acquéreur évincé d'acquérir le bien préempté au prix auquel il l'aura lui même acquis.

Par un jugement n° 1506545 du 30

juin 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AG Finance Invest a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision en date du 17 juin 2015 par laquelle le directeur général de l'établissement public foncier d'Ile-de-France (EPFIF) a usé de son droit de préemption pour acquérir un immeuble situé 16 rue du Goulet à Aubervilliers et d'enjoindre à l'EPFIF de proposer au vendeur puis à l'acquéreur évincé d'acquérir le bien préempté au prix auquel il l'aura lui même acquis.

Par un jugement n° 1506545 du 30 juin 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 22 août 2016 et le 6 octobre 2017, la société AG Finance Invest, représentée par Me Jorion, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3° de mettre à la charge de l'EPFIF le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société AG Finance Invest soutient que :

- la convention d'intervention foncière signée entre la commune d'Aubervilliers et son avenant n° 4, signée par la commune d'Aubervilliers, la communauté d'agglomération Plaine Commune et l'EPFIF ne permettaient pas la préemption du bien en cause dès lors qu'ils ont été signés par le maire d'Aubervilliers avant que les délibérations l'autorisant à les signer soient exécutoires ;

- les 4ème et 5ème alinéa de l'article 18 du décret du 13 septembre 2006 donnaient au préfet de région un délai d'approbation de dix jours pour approuver la décision attaquée qui n'a pas été rendue exécutoire avant le 28 juin 2015, date à laquelle la préemption ne pouvait plus légalement intervenir ;

- le droit de préemption n'a pas été régulièrement institué par la commune d'Aubervilliers du fait de l'absence de publication pendant un mois en mairie et dans deux journaux diffusés dans le département de la délibération du 20 mai 1987 ;

- elle renvoie aux moyens soulevés en première instance, les deux mémoires produits devant le Tribunal étant joints à ses mémoires d'appel.

.....................................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la loi n° 55-4 du 4 janvier 1955 concernant les annonces judiciaires et légales ;

- le décret n° 2006-1140 du 13 septembre 2006 portant création de l'établissement public foncier d'Ile-de-France modifié par le décret n° 2009-1542 du 11 décembre 2009 ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Colrat,

- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Jorion pour la société AG Finance Invest, et de MeA..., substituant Me B...pour l'EPFIF.

Une note en délibéré présentée pour la société AG Finance Invest a été enregistrée le 27 mai 2019.

Considérant ce qui suit :

1. La société AG Finance Invest relève appel du jugement en date du 30 juin 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 17 juin 2015 par laquelle le directeur de l'Etablissement foncier d'Ile-de-France (EPFIF) a exercé le droit de préemption urbain sur un immeuble situé 16 rue du Goulet à Aubervilliers.

Sur les moyens soulevés en appel par la société AG Finance Invest :

En ce qui concerne la délibération en date du 20 mai 1987 par laquelle le conseil municipal d'Aubervilliers a instauré le droit de préemption urbain :

2. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Un droit de préemption urbain, soumis aux dispositions du présent chapitre est institué sur l'étendue des zones urbaines et des zones d'urbanisation future, délimitées par les plans d'occupation des sols rendus publics ou approuvés. Ce droit de préemption est ouvert de plein droit à la commune. ". Aux termes de l'article L. 211-6 dudit code alors applicable : " Le droit de préemption urbain est applicable de plein droit dans les secteurs sauvegardés dotés d'un plan de mise en valeur rendu public ou approuvé et dans les zones d'aménagement concerté dotées d'un plan d'aménagement de zone approuvé. ". Aux termes de l'article R. 211-2 du code de l'urbanisme, dans sa version alors applicable : " La délibération par laquelle le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent décide, en application de l'article L. 211-1, de réduire le champ d'application du droit de préemption urbain, de supprimer ce droit ou de le rétablir, est affichée en mairie pendant un mois. Mention en est insérée dans deux journaux diffusés dans le département. / Les effets juridiques attachés à la délibération mentionnée au premier alinéa ont pour point de départ l'exécution de l'ensemble des formalités de publicité mentionnées audit alinéa. Pour l'application du présent alinéa, la date à prendre en considération pour l'affichage en mairie est celle du premier jour où il est effectué. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que l'ensemble du territoire de la commune d'Aubervilliers était à la date de l'adoption de la délibération en cause couvert pas un plan d'occupation des sols approuvé et d'un plan d'aménagement de zone. Par suite, le droit de préemption était de plein droit ouvert à la commune et ne nécessitait pas l'adoption d'une délibération particulière.

4. En tout état de cause, il ressort, d'une part, de l'attestation annexée à la délibération du 20 mai 1987 que celle-ci a fait l'objet d'un affichage en mairie pendant une période d'un mois et de l'attestation rédigée par le 1er adjoint au maire d'Aubervilliers datée du 16 juin 2016 que cette annexe a été versée aux archives de la commune. Ainsi, en l'absence de tout élément de preuve en sens contraire, la délibération en cause doit être regardée comme ayant été affichée pendant un mois.

5. Il ressort, d'autre part, des pièces produites en première instance que la délibération en cause a fait l'objet d'une insertion dans le journal l'Humanité dont il n'est pas contesté qu'il bénéficie d'une diffusion départementale. La circonstance que la deuxième insertion a été réalisée dans le Journal d'Aubervilliers, dont il n'est pas démontré qu'il aurait eu une diffusion à l'échelle de l'ensemble du département, est sans influence sur la régularité de la publication de la délibération en cause dès lors qu'il est démontré que le tirage de ce journal excédait les limites de la commune d'Aubervilliers proprement dites et que le choix de cette publication, en plus de l'Humanité, était adapté à l'information de la population locale intéressée. Par suite, le moyen tiré de ce que la délibération instaurant le droit de préemption urbain n'aurait pas eu de caractère exécutoire, faute de publication régulière, ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne le caractère applicable de la convention d'intervention foncière du 27 novembre 2009 signée par la commune d'Aubervilliers, la communauté d'agglomération Plaine Commune et l'EPFIF :

6. Par délibération en date du 27 mars 2019, le conseil municipal d'Aubervilliers a adopté une délibération autorisant le maire à signer la convention d'intervention foncière liant la commune, la communauté d'agglomération et l'EPFIF. Cette convention a été signée par le maire d'Aubervilliers le 12 avril 2019. Ainsi la société AG Finance Invest n'est pas fondée à soutenir qu'en l'absence de délibération à caractère exécutoire autorisant le maire à signer la convention d'intervention foncière, l'application du délai de dix jours prévu par le décret du 13 septembre 2006 nécessaire pour obtenir l'accord tacite du préfet pour l'approbation de la décision litigieuse n'aurait pas permis à celle-ci d'intervenir dans le délai prévu à l'article L. 231-2 du code de l'urbanisme à compter de la réception de la déclaration d'intention d'aliéner.

7. Aux termes de l'article R. 321-19 du code de l'urbanisme : " I.- L'absence de rejet ou d'approbation expresse dans le délai d'un mois après réception par le préfet compétent des délibérations visées à l'article R. 321-18 vaut approbation tacite. II.- Toutefois, (...) les décisions du directeur général relatives à l'exercice du droit de préemption ou de priorité sont exécutoires de plein droit dès leur transmission au préfet compétent si l'exercice par l'établissement du droit de préemption ou de priorité est prévu dans une convention (...). ".

8. Il ressort des dispositions précitées que dès lors que la préemption litigieuse est intervenue dans le cadre de la convention foncière signée entre la commune et l'EPFIF, la décision litigieuse du directeur général de l'EPFIF n'avait pas à recevoir une approbation préalable du préfet compétent.

Sur les moyens soulevés en première instance par la société AG Finance Invest :

9. Dès lors que la société requérante a indiqué dans son mémoire enregistré le 6 octobre 2017 qu'elle entendait reprendre ses moyens soulevés devant le Tribunal administratif et a joint à son mémoire une copie de ses écritures de première instance, l'EPFIF n'est pas fondé à soutenir que ces moyens seraient irrecevables.

10. Aux termes de l'article L. 213-3 du code de l'urbanisme : " Le titulaire du droit de préemption peut déléguer son droit à l'Etat, à une collectivité locale, à un établissement public y ayant vocation ou au concessionnaire d'une opération d'aménagement. Cette délégation peut porter sur une ou plusieurs parties des zones concernées ou être accordée à l'occasion de l'aliénation d'un bien. Les biens ainsi acquis entrent dans le patrimoine du délégataire. ". Aux termes de l'article L. 321-1 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Les établissements publics créés en application du présent chapitre sont compétents pour réaliser, pour leur compte ou, avec leur accord, pour le compte de l'Etat, d'une collectivité locale ou d'un autre établissement public, ou faire réaliser : (...) b) En ce qui concerne les établissements publics fonciers, les acquisitions foncières et les opérations immobilières et foncières de nature à faciliter l'aménagement ultérieur des terrains. Ces acquisitions et opérations sont réalisées dans le cadre de programmes pluriannuels adoptés par le conseil d'administration de ces établissements qui, tenant compte des priorités définies par les programmes locaux de l'habitat, déterminent les objectifs d'acquisitions destinées à la réalisation de logements locatifs sociaux. (...). ". L'article L. 321-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée dispose que : " Le décret qui crée l'établissement détermine son objet, sa zone d'activité territoriale et, éventuellement, sa durée. Il fixe son statut, notamment en ce qui concerne la composition du conseil d'administration, la désignation du président, celle du directeur, les pouvoirs du conseil d'administration, du président et du directeur et, le cas échéant, les conditions de représentation à l'assemblée spéciale prévue à l'article L. 321-5 des collectivités et établissements publics intéressés. ". En vertu de l'article 4 du décret susvisé du 13 septembre 2006 portant création de l'établissement public foncier d'Ile-de-France modifié par le décret n° 2009-1542 du 11 décembre 2009 : " Pour la réalisation des objectifs définis aux articles 2 et 3, l'établissement public foncier peut agir par voie d'expropriation et exercer les droits de préemption et de priorité définis par le code de l'urbanisme, dans les cas et conditions prévus par ledit code ainsi que le droit de préemption prévu par le 9° de l'article L. 143-2 du code rural. ". En vertu de l'article 11 de ce décret : " Le conseil d'administration règle par ses délibérations les affaires de l'établissement (...). ". Le dernier alinéa de l'article 13 du même décret, tel que modifié par le décret n° 2009-1542 susvisé prévoit que : " le directeur général, ou son adjoint, dans les limites des compétences qui lui ont été déléguées, peut, par délégation du conseil d'administration, être chargé d'exercer au nom de l'établissement les droits de préemption dont l'établissement est titulaire ou délégataire (...). ".

11. La décision en litige a été prise par le directeur général de l'EPFIF qui a reçu délégation à cet effet par délibération du conseil d'administration de cet établissement public en date du 17 février 2010. La circonstance que le législateur a autorisé la délégation par son titulaire de l'exercice du droit de préemption à un établissement public foncier n'a pas pour effet de priver le pouvoir réglementaire de sa compétence pour fixer, au sein de cet établissement public, comme le prévoient d'ailleurs les dispositions susvisées de l'article L. 321-4 du code de l'urbanisme, les pouvoirs respectifs du conseil d'administration et du directeur général et d'organiser ainsi les modalités d'exercice de cette compétence. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des dispositions du dernier alinéa de l'article 13 du décret susvisé du 13 septembre 2006 pour soutenir que le directeur général de l'EPFIF n'était pas compétent pour prendre la décision de préemption litigieuse.

12. Il ressort des pièces du dossier que, conformément aux dispositions des articles 6, 10 et 18 du décret du 13 septembre 2006, tels que modifiés par le décret du 11 décembre 2009, la composition du conseil d'administration du 17 février 2010 a été régulière, que ses membres ont été convoqués dans un délai de 10 jours, que la moitié au moins de ses membres a participé à cette séance et que le règlement intérieur de l'EPFIF a été respecté, qu'elle a été approuvée par le préfet de région le 26 février 2010 et a fait l'objet d'une publication régulière le 30 avril 2010 au recueil des actes administratifs de la préfecture de Paris et de la préfecture de police. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité et du défaut de caractère exécutoire de la délibération du conseil d'administration de l'établissement public foncier d'Ile-de-France du 17 février 2010 portant délégation de compétence à son directeur général manque en fait.

13. Aux termes de l'article L. 2121-7 du code général des collectivités territoriales, dans sa version alors applicable : " (...) Lors du renouvellement général des conseils municipaux, la première réunion se tient de plein droit au plus tôt le vendredi et au plus tard le dimanche suivant le tour de scrutin à l'issue duquel le conseil a été élu au complet. Par dérogation aux dispositions de l'article L. 2121-12, dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation est adressée aux membres du conseil municipal trois jours francs au moins avant celui de cette première réunion. ". Aux termes de l'article L. 2122-22 de ce même code : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) 15° D'exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire, de déléguer l'exercice de ces droits à l'occasion de l'aliénation d'un bien selon les dispositions prévues au premier alinéa de l'article L. 213-3 de ce même code dans les conditions que fixe le conseil municipal. ".

14. Par une délibération du 5 avril 2014, le maire d'Aubervilliers a reçu délégation du conseil municipal pour exercer le droit de préemption et le déléguer à l'occasion de l'aliénation d'un bien. Si la société requérante soutient que les conseillers municipaux, qui ont reçu une convocation datée du 31 mars 2014, n'ont pas été convoqués dans le délai de 5 jours francs prévu par l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, cette circonstance est sans incidence dès lors qu'il est constant qu'il s'agissait de la première séance du conseil municipal après renouvellement, de telle sorte qu'il était possible, en application des dispositions de l'article L. 2121-7 de ce même code alors applicables, pour les communes de plus de 3 500 habitants, d'adresser cette convocation trois jours francs avant cette première séance. La copie de la délibération du 5 avril 2014 versée au dossier comporte la certification par le maire qu'elle a été reçue en préfecture, a été publiée et est devenue exécutoire le 7 avril 2014. Cette mention fait foi jusqu'à preuve du contraire qui n'est pas apportée en l'espèce par la société requérante qui se contente de soulever le moyen de façon purement hypothétique. Par suite, le moyen tiré de ce que le maire n'avait pas compétence pour déléguer le droit de préemption à l'établissement public foncier d'Ile-de-France dès lors qu'il ne s'était pas lui-même vu déléguer cette compétence par le conseil municipal doit être écarté.

15. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la mention portée par le maire d'Aubervilliers sur la décision du 11 juin 2015 par laquelle il a délégué l'exercice du droit de préemption urbain à l'établissement public foncier d'Ile-de-France, que cette décision a été publiée et transmise au contrôle de légalité le 12 juin 2015. Cette mention fait foi jusqu'à preuve du contraire qui, en l'espèce, n'est pas apportée par la société requérante qui se borne à soulever le moyen de façon purement hypothétique. Cette décision, de nature réglementaire, est devenue exécutoire à l'accomplissement de ces seules formalités et n'était pas conditionnée par sa notification au vendeur de l'immeuble préempté. Dès lors, le moyen tiré de ce que le maire d'Aubervilliers n'avait pas régulièrement délégué l'exercice du droit de préemption urbain à l'établissement public foncier d'Ile-de-France doit être écarté.

16. Aux termes de l'article R. 213-21 du code de l'urbanisme : " Le titulaire du droit de préemption doit recueillir l'avis du service des domaines sur le prix de l'immeuble dont il envisage de faire l'acquisition dès lors que le prix ou l'estimation figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner ou que le prix que le titulaire envisage de proposer excède le montant fixé par l'arrêté du ministre chargé du domaine prévu à l'article R. 1211-2 du code général de la propriété des personnes publiques. / (...) / L'avis du directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques doit être formulé dans le délai d'un mois à compter de la date de réception de la demande d'avis. Passé ce délai, il peut être procédé librement à l'acquisition. ".

17. Il ressort des pièces du dossier que l'avis de la direction nationale d'interventions domaniales a été rendu le 3 juin 2015 sur une demande présentée par l'EPFIF et reçue par ce service le 22 avril 2015. En tout état de cause la circonstance que la décision attaquée ne mentionne pas cet avis n'est pas de nature à la rendre irrégulière dès lors que les dispositions précitées du code de l'urbanisme autorisent le titulaire du droit de préemption à procéder à l'acquisition du bien en cause si le service chargé des domaines n'a pas rendu son avis dans le délai d'un mois suivant la réception de la demande d'avis.

18. Aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme : " Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. (...) / (...) Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. / Le délai est suspendu à compter de la réception de la demande mentionnée au premier alinéa ou de la demande de visite du bien. Il reprend à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d'un mois pour prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. (....). " . Aux termes de son article D. 213-13-1 : " La demande de la visite du bien prévue à l'article L. 213-2 est faite par écrit. / Elle est notifiée par le titulaire du droit de préemption au propriétaire ou à son mandataire ainsi qu'au notaire mentionnés dans la déclaration prévue au même article, dans les conditions fixées à l'article R. 213-25. (...). ". Enfin aux termes de son article D. 213-13-2 : " L'acceptation de la visite par le propriétaire est écrite. / Elle est notifiée au titulaire du droit de préemption dans les conditions prévues à l'article R. 213-25 et dans le délai de huit jours à compter de la date de réception de la demande de visite (...). ".

19. Il résulte des dispositions mentionnées ci-dessus de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption doivent savoir de façon certaine, au terme du délai de deux mois imparti au titulaire du droit de préemption pour en faire éventuellement usage, s'ils peuvent ou non poursuivre l'aliénation entreprise ; que, dans le cas où le titulaire du droit de préemption décide de l'exercer, les mêmes dispositions, combinées avec celles précitées de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, imposent que la décision de préemption soit exécutoire au terme du délai de deux mois, c'est-à-dire non seulement prise mais également notifiée au propriétaire intéressé et transmise au représentant de l'Etat. La réception de la décision par le propriétaire intéressé et le représentant de l'Etat dans le délai de deux mois, à la suite respectivement de sa notification et de sa transmission, constitue, par suite, une condition de la légalité de la décision de préemption.

20. Il ressort des pièces du dossier que la déclaration d'intention d'aliéner a été reçue à la mairie le 12 mars 2015. Par une lettre du 22 avril 2015, envoyée au notaire du vendeur et réceptionnée le 28 avril 2015, le maire d'Aubervilliers a demandé à visiter le bien. Est à cet égard sans incidence la circonstance que cette lettre ait été adressée au seul notaire du propriétaire du bien préempté dès lors que ce notaire, qui avait signé la déclaration d'intention d'aliéner, doit être regardé comme le mandataire du vendeur, de telle sorte que les dispositions sus-rappelées de l'article D. 213-13-1 du code de l'urbanisme n'ont pas été méconnues. Conformément aux dispositions de l'article D. 213-13-2 de ce même code, la réponse écrite du propriétaire a été notifiée au titulaire du droit de préemption par un courrier en date du 5 mai 2015 reçu le 6 mai 2015, soit dans le délai de huit jours prévu par cet article. La visite du bien a eu lieu le 19 mai 2015, de telle sorte que l'EPFIF avait jusqu'au 19 juin 2015 pour préempter. Ce dernier verse au dossier une copie de la décision de préemption en date du 17 juin revêtue d'un cachet de la préfecture de la région d'Ile-de-France en date du 18 juin 2015. En outre il ressort des pièces du dossier, notamment de constats d'huissier, que cette décision a été signifiée au vendeur, à son notaire et à l'acquéreur évincé le 19 juin 2015. La circonstance qu'elle n'ait été publiée que le 22 juin 2015 est sans incidence sur le respect du délai en cause. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de préemption attaquée serait illégale car tardive pour avoir été notifiée au vendeur après le délai d'un mois consécutif à la visite du bien imparti par les dispositions sus-rappelées de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme doit être écarté.

21. La circonstance que la décision du 18 décembre 2015 n'aurait pas été publiée est sans incidence sur sa légalité. Par suite, ce moyen doit être écarté.

22. Il ressort des pièces du dossier, notamment de constats d'huissier, que la décision litigieuse de préemption a été signifiée au vendeur, à son notaire et à l'acquéreur évincé le 19 juin 2015. Par suite, le moyen tiré de ce que l'EPFIF n'établirait pas avoir procédé à cette notification manque en fait.

23. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) ". Aux termes de l'article L. 300-1 de ce même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. ".

24. Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l' urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en oeuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.

25. Il ressort des termes de la décision attaquée qu'elle repose sur le fait que la parcelle en cause est située dans le périmètre de veille foncière pour lequel la convention foncière du 7 juillet 2009 et ses avenants a donné mission à l'EPFIF de " s'inscrire dans une logique de requalification urbaine et de densification autour des futures stations de métro et de saisir les opportunités de mutations sur un périmètre où un potentiel de 200 à 250 nouveaux logements a pu être estimé dans un tissu mixte d'habitat ancien et de grandes emprises d'activité inadaptées à l'actuelle vocation résidentielle du site ". La décision indique également que le bien préempté est situé dans un ilot stratégique situé entre deux futures stations de métro et permettra un remembrement avec les propriétés voisines dans le but de réaliser un projet de rénovation urbaine. Ainsi, l'EPFIF, qui a suffisamment motivé sa décision, doit être regardé comme justifiant, à la date de la décision attaquée, d'un projet entrant dans les prévisions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme.

26. Il résulte de tout ce qui précède que la société AG Finance Invest n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société AG Finance Invest la somme de 2 000 euros à verser à l'EPFIF sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société AG Finance Invest est rejetée.

Article 2 : La société AG Finance Invest versera à l'établissement public foncier d'Ile-de-France la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 16VE02732


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE02732
Date de la décision : 06/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Droits de préemption.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : CABINET JORION AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-06-06;16ve02732 ?
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