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29/05/2019 | FRANCE | N°16VE02642

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 29 mai 2019, 16VE02642


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...D...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil :

- d'annuler la décision du 26 décembre 2014 par laquelle le directeur général des services de la commune de Montreuil a rejeté sa demande d'octroi de la protection fonctionnelle pour faits de harcèlement moral,

- de condamner la commune de Montreuil à prendre en charge au titre de la protection fonctionnelle les frais de procédure qu'elle a engagés, soit la somme de 4 381,52 euros et de lui verser la somme de 15 000 euros en ré

paration du préjudice moral et du préjudice de carrière subis du fait du harcèlement,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...D...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil :

- d'annuler la décision du 26 décembre 2014 par laquelle le directeur général des services de la commune de Montreuil a rejeté sa demande d'octroi de la protection fonctionnelle pour faits de harcèlement moral,

- de condamner la commune de Montreuil à prendre en charge au titre de la protection fonctionnelle les frais de procédure qu'elle a engagés, soit la somme de 4 381,52 euros et de lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral et du préjudice de carrière subis du fait du harcèlement,

- d'enjoindre à la commune de Montreuil d'organiser une enquête interne, de saisir le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de la reclasser au sein de la communauté d'agglomération Est Ensemble,

- et de mettre à la charge de la commune de Montreuil une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1501338 du 6 juin 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 26 décembre 2014 et rejeté le surplus des conclusions de la demande présentée par MmeD....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement le 8 août 2016, le 11 octobre 2016 et le 15 mars 2018, Mme E...D..., représentée par Me Mazza, avocat, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1° de réformer ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

2° de condamner la commune de Montreuil à prendre en charge au titre de la protection fonctionnelle les frais de procédure qu'elle a engagés, soit la somme de 11 101,57 euros au 24 novembre 2016, montant à réévaluer à la date de l'arrêt à intervenir ;

3° de condamner la commune de Montreuil à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral et du préjudice de carrière subis du fait du harcèlement moral dont elle a été victime ;

4° de mettre à la charge de la commune de Montreuil la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative dès lors que le tribunal administratif n'a pas répondu à tous les moyens dont il était saisi ;

- le caractère contradictoire de l'instruction a été méconnu dès lors que le jugement ne mentionne pas son mémoire en réplique enregistré le 19 janvier 2016, que le contenu de ce mémoire n'a pas été examiné et qu'elle n'a pas été destinataire du mémoire produit par la commune de Montreuil le 29 janvier 2016 ;

- les premiers juges n'ont pas tiré les conséquences de l'annulation de la décision du 26 décembre 2014 s'agissant de la responsabilité de l'administration ;

- ils se sont crus, à tort, liés par le contenu de la demande de protection fonctionnelle qu'elle avait présentée, en méconnaissance de la portée de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction en vigueur à la date des faits dénoncés ;

- ils ont commis une erreur de droit, une erreur de qualification des faits et une erreur d'appréciation en considérant qu'elle n'avait subi aucun harcèlement moral ;

- sa demande de protection fonctionnelle était justifiée par les faits qu'elle a dénoncés, lesquels sont établis ;

- elle peut prétendre à la réparation du préjudice de carrière, du préjudice financier, du préjudice de santé et du préjudice moral qu'elle a subis.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ablard,

- les conclusions de Mme Bonfils, rapporteur public,

- les observations de Me Mazza, pour MmeD..., et celles de MeA..., substituant MeC..., pour la commune de Montreuil.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., attachée territoriale, a été recrutée le 1er octobre 2012 par la commune de Montreuil afin d'exercer les fonctions de directrice administrative, technique et financière du cinéma " Le Méliès ". Par un courrier du 28 octobre 2014, reçu le 29 octobre suivant par la commune de Montreuil, la requérante a demandé le bénéfice de la protection fonctionnelle, s'estimant victime de faits de harcèlement moral commis par M. F...B..., directeur artistique du même cinéma. L'intéressée a également demandé dans ce courrier la réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis et la communication de son dossier administratif. Par un courrier du 26 décembre 2014, le directeur général des services de la commune de Montreuil a rejeté la demande de protection fonctionnelle présentée par MmeD.... Mme D...a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant notamment à l'annulation de la décision du 26 décembre 2014 et à la condamnation de la commune de Montreuil à prendre en charge, au titre de la protection fonctionnelle, les frais de procédure qu'elle avait engagés, soit la somme de 4 381,52 euros, et à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral et du préjudice de carrière qu'elle aurait subis du fait du harcèlement dont elle estimait avoir été victime. Elle fait appel du jugement du 6 juin 2016 en tant que le tribunal administratif, après avoir annulé la décision du 26 décembre 2014 au motif de son absence de motivation en droit, a rejeté le surplus de sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 611-1 de ce code : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. "

3. Si Mme D...soutient que le tribunal administratif n'a pas répondu à tous les moyens dont il était saisi, elle n'indique pas ceux des moyens qu'elle aurait soulevés et qui n'auraient pas été examinés par le tribunal. Il ressort par ailleurs du dossier de première instance que, contrairement aux affirmations de la requérante, le mémoire en réplique qu'elle a produit le 19 janvier 2016 a été visé par les premiers juges. En tout état de cause, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par l'intéressée, et notamment ceux contenus dans son mémoire du 19 janvier 2016, a répondu de manière suffisante au moyen tiré de ce qu'elle aurait été victime, de la part de M.B..., de faits constitutifs de harcèlement moral justifiant l'octroi de la protection fonctionnelle. Enfin, si le mémoire produit le 29 janvier 2016 par la commune de Montreuil n'a pas été communiqué à la requérante, il ressort de l'examen de ce mémoire qu'il ne contenait pas l'exposé d'éléments nouveaux sur lesquels le tribunal aurait fondé sa décision. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé et aurait été rendu en méconnaissance du caractère contradictoire de l'instruction doivent être écartés.

4. En second lieu, si la requérante soutient que le tribunal administratif n'a pas tiré les conséquences de l'annulation de la décision du 26 décembre 2014 qu'il a prononcée, s'agissant de la responsabilité de l'administration, qu'il s'est cru, à tort, lié par le contenu de la demande de protection fonctionnelle qu'elle avait présentée, et qu'il a commis une erreur de droit, une erreur de qualification des faits et une erreur d'appréciation et entaché sa décision de contradiction en considérant qu'elle n'avait subi aucun harcèlement moral, ces moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par les premiers juges, ne sont, en tout état de cause, pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué.

Au fond :

5. Aux termes de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa version alors applicable : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". Aux termes de l'article 6 quinquiès de cette loi, dans sa version alors applicable : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) ".

6. D'une part, les dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

7. D'autre part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

8. Ainsi qu'il a été dit au point 1, par le courrier du 28 octobre 2014, Mme D... a demandé à la commune de Montreuil le bénéfice de la protection fonctionnelle au motif qu'elle était victime de faits de harcèlement moral commis par le directeur artistique du cinéma " Le Méliès ". A l'appui de cette demande, la requérante dénonçait des atteintes graves et répétées à sa santé, sa dignité et sa carrière en faisant état d'une remise en cause permanente de son action par l'intéressé, de propos déplacés voire diffamatoires tenus publiquement par celui-ci, d'une altercation avec lui le 21 novembre 2012, de pratiques réitérées tendant à la discréditer et à l'humilier, d'une saisine infructueuse du comité d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail, et de l'inertie de sa hiérarchie, notamment à la suite d'une première demande de protection fonctionnelle présentée en octobre 2013. Il ressort des pièces du dossier et, notamment, des termes du courrier du directeur général des services de la commune du 4 mars 2015, que la commune de Montreuil a refusé de faire droit à cette demande au motif que les faits imputés par la requérante au directeur artistique du cinéma ne pouvaient être regardés comme caractérisant un harcèlement moral dont elle aurait été victime.

En ce qui concerne la situation de harcèlement moral :

9. Il résulte de l'instruction que M. F...B..., directeur artistique du cinéma " Le Méliès " depuis 2002, a fait l'objet d'une mesure de suspension le 5 décembre 2012, soit deux mois après la prise de fonctions de la requérante, puis a été licencié pour faute grave le 22 février 2013. Ce licenciement est intervenu en raison d'irrégularités dans la comptabilité et la gestion financière du cinéma, constatées par la commune, la direction départementale des finances publiques et le centre national du cinéma et de l'image animée, à la suite d'un rapport établi par MmeD..., peu après sa prise de fonctions. Postérieurement aux élections municipales du 30 mars 2014, M. B...a de nouveau exercé les fonctions de directeur artistique, à compter du 27 mai 2014. Ainsi, entre le 1er octobre 2012, date de sa prise de fonctions, et le 26 décembre 2014, date à laquelle la commune de Montreuil a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle, soit une période de vingt-sept mois, la requérante a exercé ses fonctions pendant dix-huit mois au cours desquels M. B...n'était plus en service.

10. En premier lieu, s'agissant de la période antérieure à l'éviction de M.B..., si la requérante fait valoir que sa nomination est intervenue dans un contexte difficile, caractérisé par des conditions de travail dégradées au sein du cinéma, la découverte d'irrégularités dans la comptabilité et la gestion financière de l'établissement et la mise en cause de M. B...dans des faits de harcèlement à l'encontre de plusieurs agents, ces circonstances, qui ressortent des pièces versées aux débats, ne sont toutefois pas de nature à faire présumer qu'elle aurait été personnellement victime du harcèlement qu'elle invoque. Par ailleurs, les trois courriels de prise de contact que M. B...lui a adressés en août 2012, avant sa prise de fonctions, ne sauraient être regardés, compte tenu de leur contenu, comme comportant des attaques à son endroit. Si, ainsi qu'il a été dit, Mme D...a établi dès le 19 novembre 2012 un rapport, adressé au directeur général des services, faisant état d'irrégularités comptables et financières mettant en cause M.B..., il ne résulte pas de l'instruction que cette circonstance, qui a eu certes pour effet de créer une relation durablement conflictuelle entre les intéressés, aurait pour autant conduit M. B...à exercer par la suite des agissements constitutifs de harcèlement à l'encontre de la requérante. Il résulte par ailleurs de l'instruction que le climat de tension ayant rapidement marqué les relations entre la requérante et M. B...découle également de l'organisation même du cinéma, caractérisée par l'existence d'un " exécutif bicéphale ", lequel était susceptible de générer, en cas de différend persistant, des situations de blocage, voire de conflit. Si la requérante produit les procès-verbaux d'audition de plusieurs anciens cadres de la commune de Montreuil et de plusieurs anciens agents du cinéma " Le Méliès ", ces documents, qui mettent notamment en évidence une relation de travail dégradée et conflictuelle non seulement entre l'intéressée et M.B..., mais également entre ce dernier et plusieurs autres agents de la commune, ne permettent toutefois pas de caractériser l'existence d'agissements répétés constitutifs d'un harcèlement à l'encontre de la requérante au sens de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983.

11. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, pendant sa période d'éviction, M. B..., par des articles publiés en octobre 2013 et janvier 2014, et des propos tenus lors de réunions publiques les 28 mars 2014 et 7 mai 2014, a mis en cause l'action de la requérante. Si ces propos et ces écrits, qui comportent au demeurant des critiques tant de l'action de Mme D... que de la politique du maire de la commune relative au cinéma " Le Méliès ", étaient susceptibles d'être invoqués à l'appui d'une demande tendant au bénéfice de la protection prévue par l'article 11 précité de la loi du 13 juillet 1983, ce que la requérante a d'ailleurs fait le 9 octobre 2013, ils ne peuvent, en revanche, être regardés comme des agissements répétés ayant dégradé les conditions de travail de Mme D...au sens de l'article 6 quinquiès précité de la loi du 13 juillet 1983. Il en va de même, pour le même motif, des prises de position critiques des usagers du cinéma à son égard, notamment sur les réseaux sociaux.

12. En troisième lieu, Mme D...soutient qu'à compter de sa réintégration le 27 mai 2014, M. B...n'a cessé de saper son autorité et de la dénigrer. Toutefois, si les courriels qui lui ont été adressés par M. B...les 6, 27, 28, 29 août 2014 et 1er septembre 2014, et sur lesquels elle se fonde, contiennent des critiques relatives à sa manière d'organiser le service et témoignent d'une mésentente persistante entre les intéressés, ils ne peuvent être regardés comme des attaques portant atteinte à ses droits et à sa dignité. En outre, s'il est vrai que plusieurs membres du personnel ont été destinataires de ces courriels qui ne les concernaient pas directement, il résulte de l'instruction que MmeD..., qui a répliqué à ces critiques en adressant des reproches à M.B..., a choisi un mode de diffusion identique. Enfin, si la requérante fait valoir que M. B...a utilisé son compte Facebook au cours des mois de mars et juin 2015, ainsi qu'en janvier 2016 afin de la dénigrer, il ne résulte pas de ces publications, au demeurant postérieures à la décision de refus de la protection fonctionnelle et qui, même si elles citent la requérante, sont dirigées essentiellement contre l'ancienne municipalité, l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral à l'encontre de la requérante.

13. Enfin, si la requérante soutient également qu'elle a été victime de " tractations politiques " et instrumentalisée dans le cadre d'un conflit politique, elle n'invoque, ce faisant, aucun agissement constitutif de harcèlement moral et n'apporte, en tout état de cause, aucun élément au soutien de cette allégation.

14. Il résulte de ce qui précède que, alors même que Mme D...a présenté, à partir de septembre 2014, un syndrome anxio-dépressif, dont il ne peut être exclu qu'il soit en lien avec son activité professionnelle, les éléments de fait produits par l'intéressée ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements répétés de harcèlement moral au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983. Dans ces conditions, Mme D...n'est pas fondée à demander la condamnation de la commune de Montreuil à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral et du préjudice de carrière qu'elle aurait subis du fait d'un tel harcèlement.

En ce qui concerne le refus de protection fonctionnelle :

15. Si l'illégalité dont est entachée une décision administrative constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique, elle n'est de nature à ouvrir droit à réparation que dans la mesure elle a été à l'origine d'un préjudice direct et certain. En l'espèce, si la commune de Montreuil a commis une faute en omettant de motiver en droit sa décision susmentionnée du 26 décembre 2014, il résulte de ce qui précède que la requérante ne pouvait prétendre au bénéfice de la protection fonctionnelle en l'absence d'agissements constitutifs de harcèlement moral, qui constituait le seul fondement de sa demande de protection fonctionnelle présentée le 28 octobre 2014. Au demeurant, il résulte de l'instruction que la commune de Montreuil avait favorablement répondu à une précédente demande de protection fonctionnelle présentée le 9 octobre 2013 par la requérante, à la suite d'une publication qu'elle estimait diffamatoire à son endroit et lui avait également prodigué à cette occasion des conseils quant aux modalités de réponse les plus adaptées aux agissements dont elle se plaignait.

16. Il suit de là que les conclusions de Mme D...tendant à ce que la commune de Montreuil soit condamnée à prendre en charge, au titre de la protection fonctionnelle, les frais de procédure qu'elle a engagés, soit la somme de 11 101,57 euros, doivent être rejetées.

17. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par la commune de Montreuil, Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté les conclusions de sa demande tendant à ce que la commune de Montreuil soit condamnée, d'une part, à prendre en charge, au titre de la protection fonctionnelle, les frais de procédure qu'elle a engagés et, d'autre part, à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation de ses préjudices.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

18. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Montreuil qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme réclamée par MmeD.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D...la somme réclamée par la commune de Montreuil au même titre.

D É C I D E :

Article 1er : La requête présentée par Mme D...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Montreuil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 16VE02642 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE02642
Date de la décision : 29/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Garanties et avantages divers. Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: Mme BONFILS
Avocat(s) : SELARL OFFICIO AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-05-29;16ve02642 ?
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