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29/05/2019 | FRANCE | N°16VE02484

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 29 mai 2019, 16VE02484


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du maire de Montmorency du 4 février 2014 rejetant sa demande tendant à ce que des mesures adéquates soient prises pour mettre un terme définitif à la situation de harcèlement moral dont elle fait l'objet, de condamner la commune de Montmorency à lui verser la somme de 90 000 euros en réparation de son préjudice et de mettre à la charge de cette dernière le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1403295 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du maire de Montmorency du 4 février 2014 rejetant sa demande tendant à ce que des mesures adéquates soient prises pour mettre un terme définitif à la situation de harcèlement moral dont elle fait l'objet, de condamner la commune de Montmorency à lui verser la somme de 90 000 euros en réparation de son préjudice et de mettre à la charge de cette dernière le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1403295 du 31 mai 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, un mémoire en réplique et un mémoire, enregistrés respectivement les 29 juillet 2016, 3 novembre 2017 et 25 septembre 2018, MmeB..., représentée par Me Boukheloua, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de condamner la commune de Montmorency à lui verser la somme de 90 000 euros en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral dont elle fait l'objet, avec intérêts à compter de la requête et capitalisation des intérêts ;

3° de mettre à la charge de la commune de Montmorency la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement n'a pas été signé par les premiers juges en violation de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- son mémoire en réplique enregistré le 22 avril 2016 et les 222 nouvelles pièces jointes à ce mémoire n'ont pas été pris en compte par les premiers juges ;

- le jugement ne comporte pas l'analyse de l'ensemble de ses moyens en violation de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- il est insuffisamment motivé en ce qu'il ne comporte pas d'explications suffisantes quant aux motifs pour lesquels les premiers juges ont estimé que le harcèlement moral n'était pas caractérisé ;

- le tribunal a statué au-delà des conclusions dont il était saisi en rejetant des conclusions tendant à l'annulation d'une décision rejetant une demande de protection fonctionnelle qu'elle n'a jamais formulée ;

- elle a été victime d'agissements répétés constitutifs de harcèlement moral de la part de son employeur depuis 2012 lesquels se sont manifestés notamment lors d'expositions ou à l'occasion d'un projet ainsi que lorsque des insectes xylophages ont envahi la salle d'exposition du musée ; elle a été mise à l'écart, dénigrée et dévalorisée ; les moyens dont elle disposait en qualité de directrice de musée ont été fortement réduits ; son identité a été usurpée ; une volonté délibérée de nuire à sa réputation est caractérisée ; sa titularisation en qualité d'attachée de conservation du patrimoine a été refusée, un dossier incomplet et erroné ayant été présenté à la commission administrative paritaire ; la commune a fait preuve d'un manque total de loyauté et de transparence ; elle a fait l'objet d'une procédure disciplinaire ; toutefois, le conseil de discipline de recours a estimé dans son avis du 16 décembre 2016 qu'il n'y avait pas lieu à sanction ; elle a fait l'objet d'un refus de titularisation dans le cadre d'emploi des attachés de conservation du patrimoine par un arrêté du 18 septembre 2014 qui a été annulé pour excès de pouvoir par un jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 5 décembre 2017 ; ces mesures de rétorsion sont la conséquence de la dénonciation des faits de harcèlement dont elle a été victime, alors même qu'elles sont prohibées par l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Camenen,

- les conclusions de Mme Bonfils, rapporteur public,

- les observations de Me Boukheloua, pour MmeB..., et celles de MeA..., substituant MeC..., pour la commune de Montmorency.

Vu les trois notes en délibéré, enregistrées les 16 et 22 mai 2019, présentées pour MmeB....

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., assistante de conservation du patrimoine principale de première classe, exerçant les fonctions de directrice du musée municipal Jean-Jacques Rousseau de Montmorency, a demandé au maire, dans un courrier du 16 janvier 2014, de prendre les mesures adéquates pour faire cesser en urgence le harcèlement moral dont elle estimait être victime de la part de son supérieur hiérarchique direct depuis fin septembre 2012. Par une décision du 4 février 2014, le maire a refusé de faire droit à cette demande. Mme B...relève appel du jugement du 31 mai 2016 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de cette décision et, d'autre part, à la condamnation de la commune de Montmorency à lui verser la somme de 90 000 euros en réparation de son préjudice.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...), la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, par le rapporteur et par le greffier d'audience. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions précitées du code de justice administrative ont été méconnues.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

5. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué, en particulier de ses points 6 à 22, que le tribunal a suffisamment précisé les raisons pour lesquelles il a estimé que les écritures et les pièces produites par Mme B...ne permettaient pas de considérer comme caractérisée l'existence d'un harcèlement moral dont elle aurait fait l'objet. Par suite, le moyen tiré par la requérante de ce que le jugement entrepris serait irrégulier, faute d'une motivation suffisante sur ce point, ne peut qu'être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient (...) l'analyse des conclusions et mémoires (...) ".

7. Mme B...soutient que les premiers juges n'ont pas réellement pris en compte son mémoire en réplique d'une centaine de pages et les deux cent vingt-deux nouvelles productions jointes à ce mémoire, enregistrés au greffe du tribunal le 22 avril 2016, peu avant l'audience du 17 mai 2016, et que l'analyse de ses écritures dans le jugement attaqué est très sommaire et se limite en réalité à sa demande de première instance enregistrée le 2 avril 2014. Toutefois, il ressort de l'examen du jugement attaqué et du dossier de première instance que les premiers juges ont analysé l'ensemble des conclusions et moyens présentés par les parties, en particulier le moyen tiré de l'existence d'un harcèlement moral visant MmeB... et, par suite, n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité au regard des dispositions précitées de l'article R. 741-2 du code de justice administrative. Par ailleurs, si le mémoire en réplique de MmeB..., visé par le jugement attaqué, a fait état de nouveaux faits faisant présumer, selon la requérante, l'existence d'un tel harcèlement moral, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments qu'elle a développés et, notamment, de reprendre tous les faits illustrant selon elle le harcèlement moral qu'elle aurait subi, a suffisamment répondu à ce moyen. Enfin, la seule circonstance que le mémoire en réplique de Mme B...ait comporté une centaine de pages et deux cent vingt-deux nouvelles productions, n'est pas de nature à établir que le tribunal n'aurait pas examiné et tenu compte de ces productions, alors même que de nombreuses affaires étaient inscrites au rôle du 17 mai 2016[0].

8. Enfin, dans sa réclamation du 16 janvier 2014, Mme B...a indiqué faire l'objet d'un harcèlement moral de la part du directeur des affaires culturelles depuis fin septembre 2012 et a demandé au maire de Montmorency de " prendre urgemment les mesures adéquates pour mettre un terme définitif à la situation dans laquelle elle se trouve ". Cette demande ayant été rejetée par la décision du maire du 4 février 2014, Mme B...en a expressément sollicité l'annulation dans sa demande de première instance du 2 avril 2014 et dans son mémoire en réplique du 22 avril 2016. Il suit de là qu'en estimant que Mme B...demandait non seulement la condamnation de la commune de Montmorency à l'indemniser des conséquences dommageables du harcèlement moral dont elle s'estimait victime mais également l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision du maire de Montmorency du 4 février 2014 refusant de prendre les mesures administratives et organisationnelles de nature à remédier à la situation de harcèlement moral à laquelle elle soutenait être confrontée, le tribunal administratif n'a pas statué au-delà des conclusions dont il était saisi. Mme B...n'est donc pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité de ce chef.

Sur les conclusions indemnitaires :

9. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés (...) ".

10. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

11. Mme B...se prévaut d'une dégradation de son état de santé, établie par de nombreuses pièces médicales faisant apparaître de fréquents arrêts de travail à partir de 2013, laquelle serait selon elle en lien avec ses conditions de travail depuis 2012 et soutient qu'elle subit, de la part de sa hiérarchie, des agissements répétés constitutifs de harcèlement moral qui se seraient concrétisés par une négation de sa position de responsable scientifique et garante de la conservation des collections, une absence de prise en compte de la déontologie professionnelle, une dissimulation d'informations importantes relatives au fonctionnement et au personnel du musée, une usurpation de son identité, une opposition systématique à ses recommandations et demandes, une mise en porte-à-faux par rapport aux agents du musée, une absence de réponse à ses courriels et notes, l'établissement de son profil de poste sans concertation et de manière volontairement minimisée, une mise à l'écart interne et externe, des engagements non tenus concernant la suppression du poste d'assistante de la directrice ou encore une notation injustifiée. D'autres faits illustrent selon elle le harcèlement moral qu'elle subit. Elle a fait valoir de nouveaux faits de harcèlement moral dans son mémoire de première instance enregistré le 22 avril 2016. Elle indique enfin que la sanction disciplinaire et le refus de titularisation dans le cadre d'emploi des attachés de conservation du patrimoine résultent de ce qu'elle a dénoncé le harcèlement moral dont elle fait l'objet.

12. En premier lieu, si Mme B...a fait valoir que la suppression d'un poste de gardien a pu nuire à la sécurité du musée et de ses collections lors de l'exposition " Grétry " en 2013 et si elle a contesté le choix de l'affiche retenue pour cette exposition, il n'en a résulté cependant aucun fait de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral dont elle aurait fait l'objet à cette occasion. Elle ne saurait sérieusement soutenir avoir été exclue du projet d'exposition " Le Brun " en 2014 alors qu'elle a elle-même indiqué avoir une autre priorité et souhaité pouvoir se consacrer au récolement des oeuvres. Le choix du commissaire de cette exposition par le directeur des affaires culturelles et les conditions dans lesquelles il a travaillé ne sauraient davantage faire présumer l'existence d'un harcèlement moral visant MmeB..., celle-ci ne justifiant pas, au demeurant, avoir seule la compétence et les prérogatives pour sélectionner un commissaire extérieur. Alors même que cette dernière aurait été écartée d'un projet culturel concernant la présence d'une importante population d'origine polonaise sur le territoire de la commune, un tel projet est en tout état de cause sans rapport direct avec les fonctions de directrice du musée Jean-Jacques Rousseau exercées par l'intéressée. Ainsi, ces éléments ne permettent pas d'établir que le supérieur hiérarchique de Mme B...a refusé de tenir compte de son expertise et qu'il lui a délibérément retiré ses responsabilités dans des conditions faisant présumer un harcèlement moral.

13. En deuxième lieu, alors même que la commune aurait refusé les préconisations de Mme B...lors d'une infestation du musée par des insectes xylophages, mettant ainsi en péril, selon elle, l'intégrité des collections prêtées par des organismes extérieurs, et lui aurait interdit de faire état auprès d'eux de cette situation, il ne résulte cependant pas de l'instruction que cette situation aurait nui à la réputation et à la carrière de Mme B...comme elle le prétend, alors d'ailleurs que la commune fait état des mesures qu'elle a rapidement prises pour faire face à l'infestation, notamment en recourant à une société spécialisée puis à un expert.

14. En troisième lieu, alors même que le responsable de l'organisation logistique du colloque " Rousseau 2012 " aurait été déchargé de cette responsabilité à l'insu de Mme B..., il n'est pas établi que celle-ci aurait ainsi été mise en danger ou que son supérieur hiérarchique aurait cherché par cette mesure à nuire à son image, ainsi qu'elle le soutient, ni que ce fait aurait porté atteinte à ses droits ou à sa dignité professionnelle. Il en va de même de l'absence de remplacement du gardien du musée, alors même que cette situation aurait entraîné des difficultés à l'occasion d'une exposition prévue au printemps 2013. D'ailleurs, Mme B... a été informée du changement de mode de gardiennage du musée lors d'une réunion le 9 janvier 2013. La circonstance que les propositions de réorganisation du musée présentées par Mme B...à son supérieur hiérarchique sont demeurées sans réponse ne suffit pas à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. Si Mme B...a souhaité connaître les raisons pour lesquelles le contrat d'un attaché de conservation contractuel à temps partiel employé par la commune depuis 35 ans n'avait pas été renouvelé, elle a produit elle-même les avis motivés, défavorables à ce renouvellement, émis le 28 mai 2013 par le directeur des ressources humaines et le directeur des affaires culturelles. En outre, aucun principe et aucun texte n'imposait que Mme B...fut associée à cette décision. Par ailleurs, si Mme B...a sollicité lors de sa candidature en qualité de directrice du musée, le maintien d'un poste d'assistante dont la suppression était alors déjà envisagée, il ne résulte pas de l'instruction que la mutation ultérieure de l'agent occupant ce poste, dont il n'est pas établi qu'elle ait été entachée d'une quelconque illégalité fautive, aurait effectivement placé Mme B...dans une situation ne lui permettant plus de faire face à sa charge de travail. Il n'est pas davantage établi que la commune de Montmorency se serait engagée à maintenir cet agent en poste. Mme B...indique d'ailleurs que cet agent a été remplacé à la suite de sa mutation. L'éventuelle inadaptation de ce nouvel agent à ce poste d'assistant ne saurait révéler l'existence d'un harcèlement moral. Enfin, la réaffectation d'une somme de 11 000 euros initialement destinée aux dépenses du musée, décidée par le supérieur hiérarchique de MmeB..., ne saurait par elle-même faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, la commune pouvant librement privilégier d'autres dépenses et revoir en conséquence les moyens affectés au musée.

15. En quatrième lieu, la présence des initiales ou même du nom de Mme B...sur des courriers signés par le maire de la commune en vue de la préparation d'une exposition ne saurait être regardée comme constituant une usurpation d'identité pouvant faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

16. En cinquième lieu, le refus de la commune, d'une part, d'intégrer au comité scientifique du musée l'attaché de conservation dont le contrat n'a pas été renouvelé en 2013 et, d'autre part, de faire appel à un comédien pour des représentations, ne sauraient être regardés comme constituant une opposition systématique aux recommandations ou demandes de Mme B.... D'ailleurs, Mme B...indique elle-même qu'une représentation de ce comédien a été validée par la commune.

17. En sixième lieu, si les attestations établies par deux agents du musée mettent en évidence l'existence de vives tensions entre Mme B...et le directeur des affaires culturelles, ni ces attestations, ni l'évaluation annuelle de l'un de ces agents et de son collègue, ne suffisent à établir que la commune aurait cherché à mettre Mme B...en porte-à-faux vis-à-vis de ses collaborateurs.

18. En septième lieu, il résulte de l'instruction que, dans un courrier du 5 décembre 2013 adressé à MmeB..., le maire de Montmorency a assuré cette dernière de ce qu'elle bénéficiait du soutien des services de la commune afin de lui permettre de " libérer du temps et des moyens dans des missions recentrées de récolement qui [lui] sont fixées comme objectifs premiers et répondant à [sa] demande ". Ainsi, Mme B...n'est pas fondée à soutenir qu'il n'a été donné aucune suite à sa note du 2 octobre 2013 sur l'inventaire et le récolement. Dans le contexte de dénonciation du harcèlement moral dont l'intéressée se sentait victime et à laquelle il avait déjà été répondu, en particulier par un courrier du maire de Montmorency du 4 février 2014, l'absence de réponse formalisée à sa note du 16 septembre 2014 relative au fonctionnement du musée, dans laquelle Mme B...demandait notamment de " redonner rapidement au musée le soutien opérationnel dont il a(vait) toujours bénéficié dans le passé ", ne saurait faire présumer l'existence d'un harcèlement moral la concernant.

19. En huitième lieu, si Mme B...fait valoir que le profil de son poste n'a été établi que plus de quatre ans après sa prise de fonctions, sans concertation avec elle, et qu'il minimise ses attributions de directrice de musée, il n'est pas établi qu'elle ignorait pendant cette période la nature de ses missions, que l'absence d'un tel profil de poste l'aurait mise en difficulté pour exercer ses missions et qu'elle aurait sollicité en vain auparavant l'établissement de ce profil de poste. Aucun texte ni aucun principe n'impose que ce profil de poste soit établi en concertation avec son titulaire. Il n'est pas davantage établi que l'administration a tenté de réduire les attributions de Mme B...en établissant ce profil de poste. Ainsi, cet élément ne suffit pas à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

20. En neuvième lieu, il résulte de l'instruction, notamment d'un courriel du directeur général des services de la commune du 26 février 2015, que la commune a proposé à Mme B...de " mettre en place un soutien psychologique à [son] intention " et l'a invitée à se rapprocher du service des ressources humaines. Ainsi, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que la commune n'a pas pris en compte sa souffrance due, selon elle, à la dégradation de ses conditions de travail.

21. En dixième lieu, si Mme B...n'a pas été conviée en 2014 à des réunions de programmation culturelle, d'une part, il n'est pas établi ni même allégué que le musée était directement concerné par ces réunions et, d'autre part, cette circonstance ne suffit pas à établir qu'elle s'est trouvée isolée, dès lors qu'elle indique elle-même avoir été tenue informée en détail du contenu de ces réunions par un agent de la commune.

22. En onzième lieu, eu égard aux termes du courriel de la directrice générale des services du 30 janvier 2014, Mme B...ne peut sérieusement être regardée comme ayant été empêchée d'assister à une conférence en lien avec les activités du musée.

23. En douzième lieu, si le directeur des affaires culturelles a préconisé la mise à disposition à Mme B...d'un " simple " téléphone portable compte tenu des missions confiées à l'intéressée, cette dernière n'allègue pas même que ces missions lui imposaient de se voir attribuer un " I-phone 5s ", qu'elle a d'ailleurs finalement obtenu malgré l'opposition de son supérieur hiérarchique.

24. En treizième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'évaluation de Mme B... au titre de l'année 2013 ferait présumer l'existence d'un harcèlement moral alors même que l'intéressée avait fait l'objet d'une très bonne évaluation l'année précédente, la directrice générale des services indiquant elle-même " avoir passé beaucoup de temps après le directeur des affaires culturelles et le directeur des ressources humaines pour [lui] faire comprendre les possibilités et la nécessité de mettre en place une nouvelle organisation du service ". Mme B...n'indique d'ailleurs pas avoir contesté avec succès cette évaluation.

25. En quatorzième lieu, ni le délai mis par son supérieur hiérarchique pour valider une demande de congés de MmeB..., ni les termes du courrier du maire de Montmorency du 5 décembre 2013 envoyé à son domicile, ni la circonstance qu'un autre courrier du maire du 12 février 2014 lui aurait été remis par un appariteur, ne suffisent à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. Si le maire a refusé dans ce courrier la proposition de Mme B...de remplacer l'animatrice d'un atelier de la pause méridienne alors souffrante, il indique, sans être sérieusement contesté, que l'animation d'ateliers ne fait pas partie de ses attributions de directrice de musée, que l'absence simultanée de deux animatrices est très exceptionnelle et que cette situation ne doit pas perturber son activité principale liée notamment au recollement des oeuvres. Ainsi, ce courrier ne saurait davantage être regardé comme faisant présumer l'existence d'un harcèlement moral. Il résulte de l'instruction que l'arrêté du 16 septembre 2013 portant détachement en stage pour une durée de six mois de Mme B...à compter du 1er novembre 2013 n'a été notifié à cette dernière que le 30 novembre 2013, comme le fait valoir la commune en défense. Si Mme B...n'a pu, compte tenu de cette date de notification, bénéficier d'un traitement correspondant à son grade de détachement au mois de novembre 2013, cette circonstance ne suffit pas à établir que le directeur des ressources humaines se serait livré à une manipulation pour parvenir à ce résultat. D'ailleurs, Mme B...était fondée, le cas échéant, à réclamer a posteriori le versement de cette rémunération. Par ailleurs, aucun élément ne permet d'établir que la commune aurait cherché à faire peser sur Mme B...la responsabilité de la souffrance au travail d'un autre agent. Les attestations produites par Mme B...selon lesquelles il lui aurait été fréquemment demandé de se rendre immédiatement en mairie ne comportent ni date, ni fait précis, permettant de tenir pour établie cette allégation. En tout état de cause, les conditions dans lesquelles Mme B...a ressenti la nature de ses relations avec sa hiérarchie ne suffisent pas, en l'absence d'agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail, à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

26. En quinzième lieu, alors même que Mme B...n'aurait reçu, à la différence des autres agents de la commune, les documents relatifs à son évaluation pour l'année 2014 que le 29 mai 2015, il n'est nullement établi que cette circonstance l'aurait empêchée de contester utilement cette évaluation, y compris auprès de la commission administrative paritaire. Le retard de quatre mois, à le supposer imputable à la commune, à lui verser sa prime d'évaluation pour 2013 ne suffit pas à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. Il en va de même de la circonstance qu'elle n'a pas été reçue par le maire concernant son évaluation pour 2013. Si cette évaluation a été menée par le seul directeur des ressources humaines et si ce dernier a reçu l'appui du directeur général des services l'année suivante, il n'est pas établi que ces personnes ne connaissaient pas le travail effectué par MmeB.... En tout état de cause, compte tenu de la nature des relations entre cette dernière et son supérieur hiérarchique direct, la commune fait valoir à bon droit que l'évaluation par ce dernier n'était pas souhaitable, le " guide de l'évalué " n'imposant d'ailleurs pas une évaluation par la personne travaillant au quotidien avec l'agent.

27. En seizième lieu, si Mme B...a indiqué, en particulier dans la note précitée du 16 septembre 2014, se sentir isolée, il n'est pas sérieusement contesté qu'elle a effectivement participé aux réunions de préparation du budget les 1er octobre 2014 et 27 novembre 2014. Il n'est pas établi que Mme B...aurait été exclue de la préparation d'une manifestation culturelle pour 2015, l'intéressée reconnaissant d'ailleurs implicitement ne pas en avoir été exclue pour 2016.

28. En dix-septième lieu, la réduction des effectifs du musée et la diminution de son budget, alors même qu'elle a été mal ressentie en interne, s'inscrivent, ainsi qu'il résulte notamment de la lettre du maire de Montmorency du 16 novembre 2015, dans un contexte général de maîtrise des dépenses visant l'ensemble des services de la collectivité et ne sauraient, par suite, être regardées comme faisant présumer un harcèlement ou une discrimination visant MmeB.... D'ailleurs, l'intéressée indique elle-même dans un courriel du 16 janvier 2015 accepter le retour de son assistante à condition d'un maintien des effectifs du musée à six équivalents temps plein. Si le projet de réorganisation du musée sollicité par le directeur général des services n'a pas abouti et a finalement été suspendu par lui, il n'en résulte cependant aucun fait de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. Par ailleurs, la demande de justification concernant les achats d'ouvrages par le musée n'excède nullement l'exercice de son pouvoir hiérarchique par la directrice générale adjointe.

29. En dix-huitième lieu, il n'est pas établi, en particulier par le courriel du directeur des ressources humaines du 30 août 2014, que ce dernier aurait injurié ou menacé MmeB.... Il n'est pas davantage établi, notamment par la lettre de Mme B...au directeur général des services du 22 avril 2015, que les réunions de service ont été organisées en mairie pour faire comprendre à l'intéressée " la notion de service public et la culture territoriale " et que des courriers ou décisions, en particulier le refus de titularisation dont elle a fait l'objet, lui auraient été adressés à des dates choisies pour la déstabiliser. Par ailleurs, le refus de retenir les thèmes proposés par Mme B...pour des ateliers philosophiques n'excède pas l'exercice de son pouvoir hiérarchique par le directeur général des services. Il en va de même du refus du maire d'accueillir au sein du musée la remise du prix " Jean-Jacques Rousseau " et du refus de valider le projet d'acquisition soumis par MmeB..., la directrice générale adjointe ayant informé l'intéressée, dans un courriel du 10 novembre 2015, du gel des acquisitions jusqu'à ce qu'un projet d'établissement permette au public de profiter pleinement des collections. En outre, les conditions dans lesquelles la directrice générale adjointe des services a défini le recours aux vacataires au sein du musée dans son courriel du 6 octobre 2015 ne sont pas de nature à faire présumer un harcèlement moral. L'absence de réponse à la note relative au plan d'action au regard de l'objectif " 5 000 euros " par an au musée, adressée le 8 juillet 2015 à la directrice générale adjointe des services, qui impliquait nécessairement une évaluation interne et, le cas échéant, un choix par les élus locaux, ne saurait traduire l'existence d'un harcèlement moral. Il en va de même de la circonstance que Mme B...n'aurait pas été conviée à un entretien entre le maire et les membres de la " société Jean-Jacques Rousseau ". Le refus du directeur général des services de laisser Mme B...participer à l'assemblée générale annuelle de la fédération nationale des maisons d'écrivains organisée en Franche-Comté était justifié dans l'intérêt du service. La synthèse de son évaluation pour 2015 établie par Mme B...ne suffit pas à établir son irrégularité ou son caractère partial et orienté. En indiquant dans un courriel adressé à Mme B...que " sa décision unilatérale de fermer le service du musée [était] inacceptable ", la directrice générale adjointe n'a pas porté d'accusations injustifiées contre elle. Les propos du directeur des ressources humaines lors de la réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du 18 janvier 2016 relatés dans le courriel du 21 janvier 2016 adressé par un syndicat au maire de Montmorency, ne permettent nullement d'établir que l'intéressé aurait insulté Mme B...à cette occasion.

30. Enfin, dans le contexte de dégradation générale des relations entre Mme B...et les principaux responsables des services de la commune de Montmorency ainsi que des vives tensions en résultant, et alors, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, cette situation ne caractérise pas l'existence d'un harcèlement moral dont serait victime MmeB..., le refus de titularisation en qualité d'attaché de conservation du patrimoine dont elle a fait l'objet le 18 septembre 2014, annulé par un jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 5 décembre 2017, et l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre en 2016, laquelle a donné lieu à un avis du conseil de discipline de recours d'Ile-de-France du 9 mars 2017 disant qu'il n'y avait pas lieu à sanction, ne sont pas, à eux seuls, de nature à faire présumer l'existence d'un tel harcèlement moral alors, au surplus, qu'il n'est pas établi que ce refus de titularisation et l'engagement de cette procédure disciplinaire sont intervenus en raison de la dénonciation par Mme B... du harcèlement moral dont elle s'estime être la victime.

31. Il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est fondée à soutenir ni qu'elle aurait été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, ni que, dans le contexte qu'elle évoque, la commune aurait manqué à son obligation d'assurer sa sécurité et la protection de sa santé.

32. Il résulte de tout de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions indemnitaires dirigées contre la commune de Montmorency.

Sur les frais liés à l'instance :

33. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Montmorency, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à Mme B...une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Montmorency sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Montmorency au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

2

N° 16VE02484


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE02484
Date de la décision : 29/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme BONFILS
Avocat(s) : SELARL OFFICIO AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-05-29;16ve02484 ?
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