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07/05/2019 | FRANCE | N°16VE02664

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 07 mai 2019, 16VE02664


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le 21 août 2015, la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes a demandé au tribunal administratif de Montreuil :

- d'annuler la décision du 18 décembre 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de la 2ème unité de contrôle de l'unité territoriale de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande d'autorisation de licenciement de M. C...A..., ainsi que l'annulation de la décision implicite de rejet née le 21 juin 2015 et la décision explicite du 27 juillet 2015 par lesquelles le ministre chargé

du travail a rejeté son recours hiérarchique ;

- de mettre à la charge de l'Etat l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le 21 août 2015, la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes a demandé au tribunal administratif de Montreuil :

- d'annuler la décision du 18 décembre 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de la 2ème unité de contrôle de l'unité territoriale de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande d'autorisation de licenciement de M. C...A..., ainsi que l'annulation de la décision implicite de rejet née le 21 juin 2015 et la décision explicite du 27 juillet 2015 par lesquelles le ministre chargé du travail a rejeté son recours hiérarchique ;

- de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1507337 du 14 juin 2016, le tribunal administratif de Montreuil a annulé les décisions attaquées, mis à la charge de l'Etat le versement à la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 août 2016, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement n° 1507337 du 14 juin 2016 du tribunal administratif de Montreuil ;

2° et de rejeter la demande de la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes présentée devant le tribunal administratif de Montreuil.

Le ministre soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a annulé les décisions attaquées par la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes au motif que la décision du 18 décembre 2014 aurait été prise par une inspectrice du travail territorialement incompétente ;

- la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes n'a pas respecté son obligation de reclassement interne en méconnaissance de l'article L. 1233-4 du code du travail et de la jurisprudence applicable ;

- ce motif justifiait à lui seul le refus d'autorisation de licenciement et neutralise l'illégalité alléguée des autres motifs retenus par l'inspectrice du travail.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Besson-Ledey,

- les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,

- et les observations de Me E...substituant Me D...pour la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes.

Considérant ce qui suit :

1. La société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes, société anonyme allemande de transport aérien ayant son siège à Cologne en Allemagne, dispose en France d'un établissement principal situé à Saint-Denis (93), d'un établissement situé à Roissy-Charles de Gaule (95) et de plusieurs escales à Lyon, Marseille et Nice.

2. En vue de sauvegarder sa compétitivité et celle du secteur d'activités du groupe auquel elle appartient, la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes a décidé de procéder à une réorganisation ayant pour conséquence la suppression, en France, de 199 postes. Un plan de sauvegarde de l'emploi a été homologué par la direction régionale des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France par une décision du 27 février 2014. Ce plan comportait un plan de départs volontaires vers le prestataire externe Paris Customer Assistance (PCA) avec lequel un accord de transfert avait été conclu pour une reprise de 101 postes.

3. Après un entretien préalable et la consultation du comité d'entreprise, la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes a, par courrier du 24 octobre 2014, demandé l'autorisation de licencier, pour motif économique, M. C...A..., qui occupait alors le poste de responsable " planification du personnel " au sein de l'établissement de Roissy-Charles de Gaulle et était investi des mandats de membre titulaire du comité d'entreprise depuis le 21 octobre 2011, de délégué syndical au sein de la société depuis le 25 octobre 2011, membre titulaire du comité d'entreprise européen de la société et, selon le ministre, de conseiller du salarié en vertu d'un arrêté préfectoral du 18 octobre 2013.

4. Par décision du 18 décembre 2014, l'inspectrice du travail de l'unité territoriale de la Seine-Saint-Denis saisie par la société a refusé de délivrer l'autorisation de licenciement sollicitée, en raison de la méconnaissance, par la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes, de ses obligations de reclassement, de formation et d'adaptation au poste et d'un motif d'intérêt général tiré de la disparition des institutions représentatives du personnel au sein de l'entreprise. Par décision explicite du 27 juillet 2015, le ministre chargé du travail a confirmé la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé le 20 février 2015 par la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes.

5. Par un jugement du 14 juin 2016 dont le ministre relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a annulé les décisions de l'inspectrice du 18 décembre 2014 et du ministre du travail du 27 juillet 2015 pour incompétence territoriale de l'inspectrice du travail.

Sur le bien-fondé du jugement du 14 juin 2016 :

6. Le décret du 20 mars 2014 relatif à l'organisation du système de l'inspection du travail, codifié aux articles R. 8122-3 et suivants du code du travail, a substitué à la section territoriale, composée d'un inspecteur du travail et de deux contrôleurs du travail, l'unité de contrôle, composée de sections dans lesquelles un inspecteur ou un contrôleur exerce ses compétences. En vertu de l'article R. 8122-4 du code du travail, l'unité de contrôle est animée par un responsable chargé d'accompagner, de piloter l'activité des agents de contrôle et d'apporter un appui à une opération de contrôle relevant de son unité. Il peut, le cas échéant, exercer les fonctions d'inspecteur du travail dans une section de son unité. Il résulte en outre des articles R. 8122-5 et R. 8122-6 du code du travail que le nombre d'unités de contrôle et leur rattachement pour chaque région sont fixés par arrêté du ministre chargé du travail, et que, dans la limite de sa circonscription territoriale, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, d'une part, décide de la localisation et de la délimitation des unités de contrôle et, dans chaque unité de contrôle, du nombre, de la localisation et de la délimitation, et le cas échéant du champ d'intervention sectoriel ou thématique, des sections d'inspection et, d'autre part, nomme les responsables des unités de contrôle et affecte les agents de contrôle de l'inspection du travail dans les sections d'inspection. Enfin, l'article R. 8122-11 du même code permet au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, lorsque la responsabilité d'une section a été confiée à un contrôleur du travail, de désigner un inspecteur du travail d'une autre section pour prendre les décisions qui relèvent de la compétence exclusive d'un inspecteur du travail en vertu de dispositions législatives ou règlementaires.

7. Sur la base de ces dispositions et de l'arrêté ministériel du 26 mai 2014 portant création et répartition des unités de contrôle de l'inspection du travail, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a, par décision du 20 novembre 2014 publiée le 21 novembre, localisé et délimité les unités de contrôle et les sections d'inspection du travail de l'unité territoriale de la Seine-Saint-Denis. Il a également, par décision du 21 novembre 2014 publiée le même jour, désigné les responsables des unités de contrôles et des sections d'inspection. Conformément à l'article 4 du décret du 20 mars 2014, ces décisions, dont le ministre du travail fait pour la première fois état devant la cour, sont entrées en vigueur le 21 novembre 2014, date de publication de la décision du 20 novembre 2014 au recueil des actes administratifs de la préfecture d'Ile-de-France.

8. En vertu des articles L. 2421-1, L. 2421-3, R. 2421-8 et R. 2421-10 du code du travail, l'inspecteur du travail compétent pour se prononcer sur la demande d'autorisation de licencier de M. A...était celui dans le ressort duquel se trouvait l'établissement disposant d'une autonomie de gestion suffisante où ce salarié protégé était affecté ou rattaché.

9. En premier lieu, il résulte de la décision du 20 novembre 2014 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France que la 2ème unité de contrôle de l'unité territoriale de Seine-Saint-Denis comporte dans son ressort l'établissement de Saint-Denis de la société Lufthansa Lignes Airs Allemandes et que la 5ème unité de contrôle est compétente pour contrôler l'ensemble des activités exercées sur la zone aéroportuaire de Roissy-Charles de Gaulle.

10. La délimitation de la 5ème unité de contrôle de l'unité territoriale de l'inspection du travail de la Seine-Saint-Denis n'a toutefois eu ni pour objet ni pour effet de déroger aux dispositions rappelées au point 6.

11. En l'espèce, il est constant que M. A...travaillait au sein de l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle à la date de la décision de l'inspectrice du travail. Il résulte toutefois des pièces du dossier d'une part, que si des délégués du personnel, dont M.A..., ont été élus sur le site de Roissy-Charles de Gaulle et si le comité d'entreprise tenait parfois ses séances au sein de cet établissement, les délégués syndicaux ont été désignés au niveau de la société, les élections du comité d'entreprise se sont déroulées au niveau de l'établissement de Saint-Denis, et les mesures de mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi et du plan de départs volontaires, l'offre de reclassement adressée à M.A..., ainsi que sa convocation à l'entretien préalable de licenciement et la demande d'autorisation de son licenciement ont été prises par des responsables de l'établissement situé à Saint-Denis. Ainsi l'établissement de Roissy-Charles de Gaulle, où travaillait M.A..., ne disposait pas d'une autonomie de gestion suffisante permettant de le regarder comme un établissement au sens des dispositions rappelées au point 6. Il en résulte que cet établissement ne relevait pas de l'unité de contrôle n° 5, mais, eu égard à l'adresse de l'établissement de Saint-Denis, de la section 3 de la 2ème unité de contrôle.

12. En deuxième lieu, il résulte de la décision prise le 21 novembre 2014 par le directeur régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France que si l'inspectrice du travail qui a refusé d'autoriser le licenciement de M. A... était responsable de la 2ème section de la 2ème unité de contrôle de l'unité territoriale de Seine-Saint-Denis, elle avait également compétence pour prendre les décisions relevant de la compétence exclusive d'un inspecteur du travail du fait de la loi ou du règlement, dont l'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fait partie, au sein de la 3ème section de cette même unité de contrôle, dont la responsabilité était assurée, par intérim, par un contrôleur du travail.

13. En troisième lieu, il est constant que l'inspectrice du travail ayant signé la décision refusant d'accorder l'autorisation de licenciement de M. A...a elle-même mené l'enquête contradictoire préalable. En vertu du B du VII de l'annexe I à la décision du 28 octobre 2009 du directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelles d'Ile-de-France relative à la localisation et à la délimitation des sections d'inspection du travail de la région parisienne et de la décision d'affectation du 1er mars 2014 prise par le même directeur, elle était, à la date à laquelle elle a été saisie par la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes, compétente pour mener cette enquête.

14. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents, eu égard aux justificatifs produits pour la première fois devant la cour par le ministre du travail, que l'inspectrice du travail qui a mené l'enquête contradictoire et signé la décision du 18 décembre 2014 refusant l'autorisation de licencier M. A...était bien compétente pour le faire. C'est donc à tort que le tribunal administratif de Montreuil a annulé les décisions de l'inspectrice du travail et du ministre du travail pour un motif d'incompétence.

15. Il appartient toutefois à la cour saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes devant le tribunal administratif de Montreuil et la cour.

En ce qui concerne la légalité externe de la décision du 18 décembre 2014 de l'inspectrice du travail :

16. En premier lieu, et ainsi qu'il a été dit précédemment, l'inspectrice du travail qui a mené l'enquête contradictoire et s'est prononcée sur la demande d'autorisation de licenciement de M. B...disposait bien de la compétence pour le faire.

17. En deuxième lieu, les mentions erronées relatives à la date de naissance d'une décision implicite de rejet portées dans l'accusé de réception de cette demande sont sans incidence sur la légalité de la décision de l'inspectrice du travail, qui, en tout état de cause, a été prise explicitement avant la date annoncée d'une décision implicite.

18. En troisième lieu, la décision du 18 décembre 2014 précise suffisamment les considérations de droit et de fait sur lesquelles l'inspectrice du travail s'est fondée pour refuser d'accorder l'autorisation sollicitée.

19. En quatrième lieu, aucune disposition du code du travail n'obligeait l'inspectrice du travail à transmettre à l'employeur le compte-rendu de l'entretien qu'elle a eu avec le salarié protégé dans le cadre de l'enquête contradictoire. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes n'aurait pas été en mesure d'avoir accès aux pièces déterminantes du dossier, ni qu'elle aurait vainement sollicité la communication d'une pièce. La société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes n'est en conséquence pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas été mise à même d'exercer pleinement ses droits de la défense.

20. Enfin, la seule circonstance que l'inspectrice du travail signataire de la décision du 18 décembre 2014 a cessé ses fonctions au sein de l'unité territoriale de la Seine-Saint-Denis au 31 décembre 2014 pour être mutée en Seine-et-Marne à compter du 1er janvier 2015 n'est pas de nature à établir qu'elle n'aurait pas procéder à un examen attentif et complet du dossier de la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes.

En ce qui concerne la légalité externe de la décision ministérielle du 27 juillet 2015 :

21. En premier lieu, la circonstance que les voies et délais de recours ouverts à la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes n'aient pas été précisés dans le corps même de la décision du ministre du travail et seraient mentionnés de façon incomplète dans la lettre de notification de cette décision est sans incidence sur la légalité de cette décision.

22. En deuxième lieu, aucune disposition du code du travail ne fait obstacle à ce que le recours hiérarchique de la société Lufthansa soit suivi, au niveau ministériel, par un agent du bureau des recours, du soutien et de l'expertise juridique ni que la décision prise sur ce recours soit notifiée par un courrier signé du chef de ce bureau.

23. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'au cours de la procédure contradictoire d'instruction de son recours hiérarchique, la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes n'aurait pas été mise à même d'accéder aux pièces déterminantes du dossier. Aucune disposition du code du travail ou, s'agissant d'un document préparatoire à une décision, du code des relations entre le public ou l'administration, ne faisait obligation au ministre du travail de communiquer le compte-rendu des entretiens de l'inspectrice du travail ou du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France avec le salarié protégé, ou l'avis du directeur régional transmis au ministre. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes aurait vainement adressé une demande de communication de pièces à l'administration. Cette société n'est par suite pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas pu utilement exercer ses droits de la défense.

24. En quatrième lieu si le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a transmis au ministre son rapport sur le recours hiérarchique de la société sans attendre que cette dernière lui ait communiqué les éléments d'informations complémentaires qu'il lui avait demandés, il ressort des pièces du dossier que la demande de renseignements supplémentaires du directeur régional portait sur le motif économique du licenciement, dont la réalité a été admise par le ministre du travail. Ainsi la circonstance que les éléments de réponse de la société n'auraient pas été pris en compte par le ministre est sans incidence sur la légalité de sa décision.

En ce qui concerne la légalité interne du refus d'autoriser le licenciement de M.A... :

25. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé.

26. En premier lieu l'inspectrice du travail a fondé son refus d'autorisation sur les circonstances que la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes n'a respecté ni son obligation de reclassement, ni son obligation de formation et d'adaptation et qu'un intérêt général justifiait que M. A...ne soit pas licencié. Dans ces conditions, les circonstances que l'inspectrice du travail, qui a suffisamment motivé sa décision sur ces points, n'ait pas mentionné le mandat de membre titulaire de l'Euroinfo de M.A..., dont elle avait, au demeurant, connaissance, et ait mentionné le mandat de conseiller du salarié qui avait cessé le 11 avril 2014 sont sans incidence sur la régularité de la motivation de sa décision.

27. Il ressort des pièces du dossier que le ministre du travail avait bien connaissance de l'intégralité des mandats représentatifs de M. A...et de leur exercice en qualité de titulaire ou de suppléant. Le ministre du travail a par ailleurs rejeté le recours hiérarchique de la société Lufthansa en se fondant sur le motif, qu'il a suffisamment motivé en droit et en fait, que cet employeur ne pouvait être regardé comme ayant satisfait à son obligation de reclassement. Par suite, les circonstances que le ministre du travail ne fasse pas état, dans sa décision, de la question du lien entre le licenciement de M. A...et ses mandats représentatifs, ni de la nature de titulaire ou de suppléant de ces mandats, ni du mandat de membre titulaire de l'Euroinfo, alors qu'il mentionne le mandat de conseiller du salarié, qui était expiré depuis le 11 avril 2014, sont sans incidence sur la légalité de sa décision ministérielle.

28. En deuxième lieu, il résulte des dispositions des articles L. 1233-4 et L. 1233-4-1 du code du travail que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que les recherches de reclassement doivent être menées au sein de l'entreprise, puis dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. L'employeur doit élargir ses efforts de reclassement aux postes de son entreprise ou du groupe auquel elle appartient implantés hors du territoire national lorsque, avant l'entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015, le salarié a accepté de recevoir des offres de reclassement hors de ce territoire. Pour apprécier si l'employeur a satisfait à cette obligation, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

29. Il ressort des pièces du dossier que la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes justifie avoir contacté, dès le mois de février 2014, les autres sociétés du groupe auquel elle appartient pour rechercher des postes qui pourraient être proposés aux salariés de son entreprise dont le poste allait être supprimé, leur avoir transmis à ces occasions la liste des catégories d'emploi concernées, avec, pour chacune de ces catégories, le nombre de salarié à reclasser, leur statut et une fourchette de salaire de base du poste en cause. La société justifie également avoir saisi, en mars 2014, la fédération nationale de l'aviation marchande pour solliciter l'intervention de la commission paritaire territoriale pour l'emploi en vue de rechercher et de lui transmettre toutes les possibilités de reclassement envisageables à l'extérieur de son entreprise, ainsi que la commission paritaire nationale de l'emploi du transport aérien et avoir mis en place une bourse de l'emploi sur le site intranet de l'entreprise permettant à ses salariés de prendre connaissance des postes vacants au sein du groupe Lufthansa.

30. De telles mesures générales, décidées pour l'ensemble des salariées et, au demeurant, orientées vers un reclassement externe, ne dispensaient toutefois pas la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes de procéder à un examen individuel des possibilités de reclassement, et en priorité de reclassement interne, de son salarié protégé.

31. Il est vrai que M. A...a reçu, le 12 mars 2014, une fiche de candidature au départ volontaire pour rejoindre le prestataire extérieur CPA et un questionnaire sur l'acceptation d'un reclassement à l'étranger, auxquels l'intéressé n'a pas donné suite. Ce courrier comportait en pièce jointe un tableau indiquant la nature et le nombre des postes offerts au sein de la société CPA et leur correspondance avec les postes supprimés au sein de la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes, le poste de coordinateur des opérations au sein de la société Lufthansa correspondant à un poste d'agent de trafic au sein de la société CPA. Ce courrier ne constituait toutefois pas une offre de reclassement personnalisée et ne proposait en outre aucun reclassement au sein de l'entreprise. Au surplus, la liste des postes qui y était jointe était imprécise en ce qui concerne notamment les lieux, les conditions de travail, les horaires, tâches à accomplir, salaires et personnes à contacter, en méconnaissance des dispositions précitées.

32. Il est également vrai que la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes a, le 5 août 2014, proposé à M. A... d'être reclassé au sein de son établissement de Saint-Denis comme gestionnaire de GTA et de paie. Il ressort toutefois de sa lecture que cette offre de reclassement n'était nullement personnalisée. Elle était muette sur le statut de l'emploi et imprécise sur la rémunération puisque seules des fourchettes de la rémunération de base mensuelle brute étaient mentionnées à titre indicatif selon la qualification et l'expérience du candidat retenu. Le poste ainsi proposé était en outre un poste à temps partiel alors que M. A...occupait un poste à plein temps.

33. Il ressort des pièces du dossier que M. A...n'a reçu aucune autre offre de reclassement interne en France au motif de l'inadaptation ou de l'incompatibilité de son profil professionnel avec les autres postes ouverts au reclassement. Toutefois, en admettant même que le profil professionnel de ce salarié protégé ne permette pas son reclassement sur le site de Roissy-Charles de Gaulle, la société n'apporte aucun justificatif des efforts qu'elle aurait consentis pour reclasser M. A... sur les autres escales dont elle dispose en France, en fonction de ses compétences et de ses capacités. Elle ne justifie notamment pas avoir élargi sa recherche de reclassement à d'autres fonctions d'un niveau équivalent à celles assurées par l'intéressé, au moyen, le cas échéant, d'une formation d'adaptation ni avoir recherché son consentement pour un reclassement dans un emploi d'une catégorie inférieure.

34. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le ministre du travail a estimé que la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes ne pouvait être regardée comme ayant satisfait à son obligation de reclassement, et pour ce motif, a refusé d'accorder l'autorisation de licenciement de ce salarié protégé.

35. Ainsi le ministre du travail est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 14 juin 2016, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 18 décembre 2014 et la décision ministérielle du 27 juillet 2016 rejetant le recours hiérarchique de la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes.

36. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la ministre du travail, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1507337 du 14 juin 2016 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La demande de la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes présentée devant le tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

4

N° 16VE02664


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE02664
Date de la décision : 07/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-02-03-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés non protégés - Licenciement pour motif économique (avant les lois du 3 juillet et du 30 décembre 1986). Modalités de délivrance de l'autorisation administrative. Autorité compétente.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Laurence BESSON-LEDEY
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : SELAS VALSAMIDIS AMSALLEM JONATH FLAICHER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-05-07;16ve02664 ?
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