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10/04/2019 | FRANCE | N°17VE03900

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 10 avril 2019, 17VE03900


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes distinctes, M. D...B...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 et 2010, et d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er septembre 2009 au 31 décembre 2010.

Par un jugement n° 1610160, 1610162 du 2 novembre 2017, le Tribunal administrati

f de Montreuil, après avoir joint ses demandes, les a rejetées.

Procédure devant ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes distinctes, M. D...B...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 et 2010, et d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er septembre 2009 au 31 décembre 2010.

Par un jugement n° 1610160, 1610162 du 2 novembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir joint ses demandes, les a rejetées.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 26 décembre 2017 et le 13 novembre 2018, M.B..., représenté par Me A...et MeC..., avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'avis de vérification ne lui a pas été régulièrement notifié, en méconnaissance de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;

- la mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales est irrégulière dès lors que son comportement ne caractérise par une opposition à contrôle fiscal.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Illouz, conseiller,

- les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant M.B....

Considérant ce qui suit :

1. L'administration fiscale a adressé à M.B..., au titre de l'activité exercée par son entreprise individuelle, un avis de vérification de comptabilité par courrier recommandé avec avis de réception retourné au service avec la mention " non réclamé, retour à l'envoyeur ". L'intéressé n'ayant pas honoré le premier rendez-vous avec le vérificateur fixé au 16 mai 2012 par cet avis, l'administration lui a, par la suite, adressé deux courriers recommandés de mise en garde qui lui ont également été retournés, avant de dresser le 22 juin 2012 un procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal. Le service vérificateur a alors mis en oeuvre, en application des dispositions de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, la procédure d'évaluation d'office des bases d'imposition du contribuable, au terme de laquelle il lui a notifié, d'une part, des suppléments d'impôt sur le revenu au titre des années 2009 et 2010, et d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er septembre 2009 au 31 décembre 2010, assortis de diverses pénalités. M. B...relève régulièrement appel du jugement du 2 novembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir joint ses demandes tendant à la décharge de ces impositions, les a rejetées.

2. Aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : / 1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises industrielles, commerciales ou artisanales, ou des revenus d'exploitations agricoles imposables selon un régime de bénéfice réel, lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ; / 1° bis Les résultats imposables selon le régime d'imposition défini à l'article 50-0 du code général des impôts dès lors : / a. Qu'un des éléments déclaratifs visé au 3 de l'article précité n'a pas été indiqué (...) ". Le premier alinéa de l'article L. 74 de ce livre précise que " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. ".

3. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a mis en oeuvre la procédure d'évaluation d'office des bases d'imposition prévue par les dispositions précitées après avoir constaté que M. B...n'avait pas honoré les rendez-vous respectivement fixés par l'avis de vérification au 16 mai 2012, par le courrier de première mise en garde au 7 juin 2012 et par le second courrier de mise en garde au 21 juin 2012, en estimant que cette inertie persistante du contribuable caractérisait l'opposition de celui-ci au déroulement des opérations de contrôle fiscal.

4. Toutefois, il incombe à l'administration, lorsque le juge de l'impôt est saisi d'un moyen en ce sens, d'établir que le contribuable a reçu notification régulière des différents courriers qu'elle est tenue de lui adresser dans le cadre de la procédure de contrôle qu'elle diligente. En cas de retour à l'administration du pli contenant la notification, cette preuve peut résulter soit de mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal, conformément à la réglementation en vigueur, d'un avis d'instance prévenant le destinataire de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste.

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le pli contenant l'avis de vérification, lequel fixait notamment un premier rendez-vous au 16 mai 2012, a été retourné à l'administration avec la mention " non réclamé ", sans qu'aucune date de présentation ne soit renseignée sur l'enveloppe. M. B...fait valoir qu'il n'a pas été informé par le dépôt d'un avis de passage dans sa boîte aux lettres que ce pli était conservé au bureau de Poste dans l'attente de son retrait. Si l'administration produit une copie d'une capture d'écran du site internet de La Poste indiquant notamment une " mise en distribution " du pli le 18 avril 2012, puis son dépôt au bureau de Poste durant quinze jours avant son retour à l'expéditeur, cet élément n'est pas, à lui seul et en l'absence de mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, de nature à établir le dépôt d'un avis de passage dans la boîte aux lettres de M. B.... L'avis de vérification ne saurait, dans ces conditions, être regardé comme lui ayant été régulièrement notifié.

6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le courrier de première mise en garde du 16 mai 2012 invitant M. B...à se présenter dans les locaux du service vérificateur le 7 juin 2012 a été retourné à l'administration avec la mention " destinataire non identifiable ". Si cette enveloppe mentionne une date de première présentation du 23 mai 2012, cette mention n'est toutefois pas concordante avec celle selon laquelle le destinataire de ce pli n'aurait pas été identifiable, alors-même que cette présentation avait au demeurant été effectuée à la même adresse que celle d'expédition de l'avis de vérification et des plis postérieurs. Le caractère non concordant de ces mentions fait, dès lors, obstacle à ce qu'un avis de passage soit réputé délivré à M.B..., et, partant, à ce que le courrier de première mise en garde soit regardé comme lui ayant été régulièrement notifié.

7. En troisième et dernier lieu, il résulte de l'instruction que le courrier de seconde mise en garde convoquant M. B...à un nouveau rendez-vous dans les locaux du service vérificateur le 21 juin 2012 et l'avertissant des conséquences d'une éventuelle absence injustifiée à ce rendez-vous a été lui aussi retourné à l'administration avec la mention " non réclamé ", sans qu'aucune date de présentation ne soit renseignée sur l'enveloppe. L'appelant fait à nouveau valoir qu'il n'a pas été informé par le dépôt d'un avis de passage que ce pli était conservé au bureau de Poste dans l'attente de son retrait. Le ministre ne produit aucun autre élément de nature à établir la réalité et la date de présentation de ce pli ainsi que le dépôt concomitant d'un avis de passage dans la boîte aux lettres de M.B.... S'il soutient que ce courrier a également été adressé à M. B...par une lettre simple qui n'aurait, quant à elle, pas été retournée à l'administration et qui serait, de ce fait, nécessairement parvenue à son destinataire, cette allégation, qui n'est corroborée par aucun élément versé au dossier, n'est pas de nature à établir la réception effective, par l'appelant, de ce pli. Le courrier de deuxième mise en garde daté du 7 juin 2012 ne saurait, dès lors, être regardé comme lui ayant été régulièrement notifié.

8. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de notification régulière de l'ensemble des plis postaux antérieurs à l'établissement du procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal du 22 juin 2012, l'absence de M. B...aux rendez-vous fixés par ces courriers ne saurait révéler à elle seule une inertie volontaire et persistante du contribuable de nature à caractériser son opposition aux opérations de contrôle auxquelles le service vérificateur entendait se livrer. Dès lors, ainsi que le soutient M. B... pour la première fois en appel, c'est au terme d'une procédure irrégulière que l'administration a procédé à l'évaluation d'office des bases d'imposition de sur le fondement de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales. Si le ministre de l'action et des comptes publics relève dans ses écritures en défense que la proposition de rectification indiquait que la situation de M. B...relevait, s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales et, s'agissant des bénéfices industriels et commerciaux de l'année 2009, du 2° de ce même article, il résulte clairement des mentions portées dans la proposition de rectification que le service a entendu se fonder exclusivement sur les dispositions de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales pour procéder aux rectifications en litige. En outre, l'administration ne sollicite expressément aucune substitution de base légale.

9. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1610160 et n° 1610162 du Tribunal administratif de Montreuil du 2 novembre 2017 est annulé.

Article 2 : M. B...est déchargé, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 et 2010 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er septembre 2009 au 31 décembre 2010.

Article 3 : L'État versera à M. B...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 17VE03900


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE03900
Date de la décision : 10/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Établissement de l'impôt - Taxation d'office.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. TRONEL
Rapporteur ?: M. Julien ILLOUZ
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : ADDA

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-04-10;17ve03900 ?
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