Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, par une requête enregistrée le 6 février 2014, d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 9 décembre 2013 ayant annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 17 mai 2013 et autorisé son licenciement pour motif économique.
Par un jugement n° 1401117 rendu le 13 octobre 2016, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision ministérielle en date du 9 décembre 2013 ayant autorisé le licenciement de M. C...D...pour motif économique.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2016, et des mémoires enregistrés les 1er octobre et 12 décembre 2018, la société Hoist Group France venant aux droits de la société Locatel France, puis la société Aklia Groupe SAS venant aux droits de la société Hoist Group France, représentées par Me B...A...de la SELARLU RCCL Avocat, fait appel de ce jugement et demande à la cour :
1° d'annuler ou réformer le jugement n° 1401117 du 13 octobre 2016 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
2° de mettre à la charge de M. C...D...la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors qu'il n'est pas signé ;
- c'est à tort que le jugement attaqué a considéré qu'en cas de licenciement individuel pour motif économique, l'employeur devait consulter les représentants du personnel, et notamment le comité d'entreprise, sur la détermination des critères servant à établir l'ordre des licenciements ;
- la suppression du poste de M. D...ne résulte pas de l'application des critères d'ordre mais de la résiliation de certains contrats de gestion ;
- le licenciement de M. D...est sans lien avec l'exercice de ses mandats syndicaux.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Margerit,
- et les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...D...a été recruté en qualité de gestionnaire commercialisant des prestations dans des établissements hospitaliers dans le secteur de Lyon, sous contrat à durée indéterminée de droit privé, le 9 décembre 2002, par la société Réseau Codiam SARL, passée sous le contrôle du groupe Locatel en octobre 2010. Le 15 mars 2013, la société Locatel France a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de le licencier pour motif économique. A cette date, M. D...était membre du comité d'entreprise depuis le 20 juin 2012, dont il était secrétaire adjoint depuis le 18 septembre 2012, et membre et secrétaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail depuis le 30 octobre 2012. Par une décision du 17 mai 2013, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser son licenciement. Sur recours hiérarchique formé par la société, le ministre du travail, par une décision du 9 décembre 2013, a annulé la décision de l'inspecteur du travail et a accordé à la société l'autorisation de licencier M.D.... Par un jugement du 13 octobre 2016, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du ministre du travail du 9 décembre 2013. La société Hoist Group France, venant aux droits de la société Locatel France et aux droits de laquelle est venue, en cours d'instance, la société Aklia Groupe SAS, relève régulièrement appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 1233-7 du code du travail : " Lorsque l'employeur procède à un licenciement individuel pour motif économique, il prend en compte, dans le choix du salarié concerné, les critères prévus à l'article L. 1233-5. ". Aux termes de l'article L. 1233-5 du même : " Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Ces critères prennent notamment en compte :1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ; 2° L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ; 3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ; 4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie. /L'employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères prévus au présent article. ".
3. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées qu'en cas de licenciement individuel pour motif économique, si l'employeur doit prendre en compte les critères mentionnés au 1° à 5° de l'article L. 1233-5 du code du travail, il n'est en revanche pas soumis à l'obligation de consulter le comité d'entreprise.
4. Dans ces conditions, la société Aklia Groupe SAS, venant aux droits de la société Hoist Group France, est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé la décision du ministre du travail du 9 décembre 2013 au motif que le ministre aurait dû vérifier que les critères d'ordre avaient été soumis pour consultation aux représentants du personnel, dans le cadre du licenciement individuel pour motif économique de M.D.... Le jugement du 13 octobre 2016 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise doit donc être annulé.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et devant elle.
6. En premier lieu, la décision en date du 9 décembre 2013 du ministre du travail autorisant le licenciement individuel de M. D...pour motif économique mentionne les éléments de droit et de fait sur lesquels s'est fondé le ministre pour estimer que la réalité du motif économique était établie, que la société devait être regardée comme ayant satisfait à son obligation de reclassement et que le licenciement n'avait pas de lien avec le mandat. Elle n'avait notamment pas à détailler les raisons pour lesquelles le licenciement autorisé ne présentait pas de lien avec le mandat et n'avait pas à se prononcer sur le respect des critères d'ordre. Cette décision est, par suite, suffisamment motivée.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. (...) ".
8. Pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société qui fait partie d'un groupe, l'autorité administrative est tenue, dans le cas où la société intéressée relève d'un groupe, de faire porter son examen sur la situation économique de l'ensemble des sociétés du groupe intervenant dans le même secteur d'activité que la société en cause.
9. Il est constant qu'à la date de la décision autorisant le licenciement individuel pour motif économique de M.D..., les sociétés du Groupe Locatel étaient détenues exclusivement directement ou indirectement par la société Sistema Holding, détenue majoritairement (72,04 % au 31 décembre 2012) par la société Cézanne Holding 2, société mère du groupe. Toutes les sociétés constituant le groupe Locatel exerçaient à la date de la décision contestée une activité de location de téléviseurs et de systèmes de vidéo à la demande, à destination des marchés hôteliers et de santé. Il ressort des pièces du dossier qu'en raison notamment de l'évolution du marché de la fourniture de services vidéo dans les hôtels et les établissements de santé, le groupe Locatel enregistrait depuis 2009 des pertes tant au niveau de ses résultats opérationnels qu'au niveau de ses résultats nets et que, pour l'année 2012, le chiffre d'affaires du groupe était en baisse de plus de 15,6 %. La société employant M. D...connaissait des difficultés similaires dans un contexte de diminution du chiffre d'affaires et des résultats nets négatifs répétés entre 2008 et 2013, et de difficultés d'investissement et de restructuration de la dette bancaire due notamment à la fragilisation de son créditeur, la banque islandaise Landbanski, en raison de la crise financière de 2008. En plus de ces difficultés économiques persistantes, la société avait perdu trois contrats de gestion sur le secteur géographique de Lyon, occasionnant la suppression du poste de gestionnaire de site occupé par le salarié. Compte tenu de la baisse du chiffre d'affaires depuis cinq ans, le motif économique du licenciement litigieux était établi. Si M. D...soutient que les provisions passées par le groupe en 2011 et 2012 auraient modifié artificiellement son résultat à la baisse, il ne l'établit pas. De plus, à supposer même que ces provisions aient pu minorer à la baisse son résultat, de telles opérations, compte tenu de l'ampleur de la baisse des résultats, ne sauraient être regardées comme étant la principale cause de la baisse des résultats, qui résulte, ainsi qu'il a été dit, de causes structurelles. Il suit de là que le moyen tiré d'une erreur d'appréciation quant à la réalité des difficultés économiques, et, partant, du motif économique, invoqués à l'appui de la demande de licenciement, doit être écarté.
10. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le licenciement de M. D... ait été en rapport avec l'exercice de ses mandats. Notamment, si M. D... soutient que par un jugement n° 0911780 du 13 juin 2013, le tribunal administratif de Versailles aurait annulé une décision en date du 26 octobre 2009 par laquelle le ministre du travail avait refusé l'autorisation du transfert de son contrat de travail au motif que cette opération était liée à ses mandats représentatifs, il ressort des termes mêmes de ce jugement qu'il se borne au contraire à constater que la demande de transfert, consécutive à la perte du marché de l'hôpital Saint-Joseph-Saint-Luc, ne pouvait être regardée comme liée aux mandats détenus par M. D.... Par suite, le moyen tiré de ce que le ministre du travail ne pouvait légalement autoriser le licenciement de M.D..., au motif qu'il existerait un lien entre la demande d'autorisation de son licenciement et les mandats qu'il exerce, doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. D...ne peut qu'être rejetée.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la société Aklia Groupe SAS, qui n'est pas la partie perdante, la somme que réclame M. D...sur leur fondement. Il y a en revanche lieu de mettre à la charge de M.D..., en application des mêmes dispositions, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Aklia Groupe SAS et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1401117 du 13 octobre 2016 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C...D...devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. C...D...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : M. C...D...versera à la société Aklia Groupe SAS la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 16VE03617