Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...B...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 6 juin 2018 par lequel le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS l'a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination, et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 1805206 du 5 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée 9 août 2018, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande à la cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter la demande de M.B....
Il soutient que l'arrêté litigieux a été signé par Madame C...F..., cheffe du bureau de l'éloignement et du contentieux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu:
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement n° 604/2013/UE du 26 juin 2013 fixant les critères de détermination de l'Etat responsable d'une demande d'asile ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Munoz-Pauziès a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant malien, est entré en France le 5 janvier 2014, muni d'un visa de court séjour. Il a déposé le 8 janvier 2015 une demande d'asile, rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 novembre 2015, confirmée le
8 juin 2016 par la Cour nationale du droit d'asile. Il a fait l'objet d'un premier refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, annulé par le Tribunal administratif de Montreuil avec injonction de réexamen, puis d'un deuxième refus de titre de séjour, également assorti d'une obligation de quitter le territoire français, en date du
18 juillet 2017, confirmé par un jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 12 avril 2018. L'intéressé s'étant maintenu sur le territoire français, et ayant été interpellé le 6 juin 2018, il a fait l'objet d'un nouvel arrêté portant obligation de quitter le territoire français du 6 juin 2018. Le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS relève appel du jugement du
5 juillet 2018 par lequel le magistrat désigné du Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté.
2. Pour annuler l'arrêté du 6 juin 2018 portant obligation de quitter le territoire français, le premier juge s'est fondé sur la circonstance que " Le préfet de la Seine-Saint-Denis, à qui la requête de M. B...a été communiquée par le greffe du tribunal, lequel a ensuite tenté d'obtenir la production d'une copie complète de cet arrêté auprès de ses services, s'est abstenu de produire, alors qu'il y était tenu, l'arrêté en litige. Par suite, l'autorité préfectorale n'a pas mis le juge de l'excès de pouvoir en mesure de s'assurer de la compétence du signataire des décisions contenues dans 1'arrêté attaqué et l'a ainsi privé de la possibilité d'en apprécier la légalité. Dans ces conditions, M. B...est fondé à demander 1'annulation de cet arrêté pour incompétence de son signataire. "
3. L'exemplaire de l'arrêté produit par l'intéressé devant les premiers juges comportait la mention " Pour le préfet et par délégation, la chef du bureau de l'éloignement et de contentieux Nathalie Malecot-Bour ". Par arrêté du 12 janvier 2018, le préfet a donné délégation à cette dernière à l'effet de signer, notamment, les obligations de quitter le territoire français, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme E...A..., directrice des migrations et de l'intégration, elle-même détentrice d'une délégation de signature du 10 janvier 2018. Par suite, c'est à tort que, pour annuler l'arrêté litigieux, le premier juge s'est fondé sur l'incompétence de son signataire.
4. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le Tribunal administratif de Montreuil.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, l'arrêté litigieux qui mentionne les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les principaux éléments relatifs à la situation de M.B..., et notamment qu'il ne peut justifier d'une entrée régulière sur le territoire français ni d'un titre de séjour, qu'il a fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français confirmée par le Tribunal administratif de Montreuil dans un jugement du 28 mars 2018, et qu'il ne justifie pas de liens personnels et familiaux en France, est suffisamment motivé. Si M. B...soutient qu'il n'a été destinataire que des pages 2 et 3 de l'arrêté en cause, alors que la motivation figurait en page 1, la copie de l'arrêté produit en appel par le préfet comporte, sur les trois pages, la signature de l'intéressé. Le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée doit être écarté ainsi que, pour les mêmes motifs, celui tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressé.
6. En deuxième lieu, il ressort de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de l'article L. 211-2, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... ne peut ainsi utilement soutenir qu'en vertu de ces dispositions, il aurait dû être mis en mesure de produire des observations écrites. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de police du 6 juin 2018, que suite à son interpellation par les services de police, M. B...a fait l'objet d'une retenue aux fins de vérification de sa situation administrative, au cours de laquelle il a pu présenter des observations orales, expliquant notamment que célibataire et sans enfant, il était venu en France pour chercher du travail et avait déposé une demande afin d'obtenir le statut de réfugié qui avait été rejetée, et que, pour des motifs personnels, il souhaitait être reconduit à destination du Niger. Par suite, le moyen tiré de ce que son droit d'être entendu en application de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union aurait été méconnu doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. B...fait valoir qu'il est entré en France en 2014 et y dispose d'un emploi dans le domaine de la propreté et d'un compte bancaire. Toutefois, l'intéressé, qui s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français après l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet le 18 juillet 2017, est célibataire et sans enfant et ne fait valoir aucune intégration particulière, alors même qu'il a déclaré devant les premiers juges ne parler qu'imparfaitement le français. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait par suite les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté, ainsi que, pour les même motifs, celui tiré de l'erreur manifeste commise par le préfet dans l'appréciation de sa situation.
Sur la décision de refus de délai de départ volontaire :
9. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles
L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. "
10. En premier lieu, la décision attaquée mentionne qu'il existe un risque que l'intéressé se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français, dès lors qu'il " s'est soustrait à l'exécution d'une mesure d'éloignement prononcée le 17 juillet 2017 par le préfet de la
Seine-Saint-Denis, qu'il ne présente pas de garantie de représentation dans la mesure où il ne peut justifier de la possession de document d'identité ou de voyage en cours de validité et que s'il a déclaré un lieu de résidence, il n'apporte pas la preuve d'y demeurer de manière stable et effective ". Elle est dès lors suffisamment motivée.
11. En deuxième lieu, le requérant n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que l'article L. 511-1, II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile serait incompatible avec l'article 3 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, aux termes duquel " Aux fins de la présente Directive, on entend par (...) 7) "risque de fuite": le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite ", dès lors que, contrairement à ce qu'il soutient, les disposition législatives en cause définissent des critères objectifs caractérisant le risque de fuite.
12. En troisième lieu, il est constant que M. B...s'est maintenu sur le territoire français malgré l'obligation de quitter le territoire français prise le 17 juillet 2017 par le préfet de la Seine-Saint-Denis. Dès lors, en décidant que, pour ce motif, il existait un risque que l'intéressé se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français, le préfet n'a pas méconnu les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur l'interdiction de retour :
13. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. "
14. En premier lieu, la décision attaquée, qui mentionne les éléments rappelés au point 5 du présent arrêt, est suffisamment motivée. Cette motivation révèle que le préfet a fait un examen de la situation personnelle de l'intéressé.
15. En deuxième lieu, si M. B...soutient que le préfet a omis de vérifier si des circonstances exceptionnelles ne s'opposaient pas à l'interdiction de retour, il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de police du 6 juin 2018 dressé lors de sa retenue aux fins de vérification de sa situation administrative, que l'intéressé ne s'est prévalu d'aucune circonstance exceptionnelle. Il ne s'en est pas davantage prévalu devant le premier juge.
16. En troisième lieu, en faisant valoir qu'il est présent en France depuis 2014 et n'a commis aucun délit, M. B...n'établit pas que la décision contestée serait entachée d'une erreur d'appréciation.
17. Il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 6 juin 2018 portant obligation de quitter le territoire français.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné du Tribunal administratif de Montreuil du
5 juillet 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Montreuil est rejetée.
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N° 18VE02829