Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...D...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune de Sarcelles à lui verser une somme égale à la totalité des salaires qu'elle aurait perçus du 4 octobre 1999 à la date de sa demande et de mettre à la charge de la commune de Sarcelles le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1403285 du 27 septembre 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 novembre 2016, MmeD..., représentée par Me Lelièvre, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de condamner la commune de Sarcelles à lui verser une somme égale à la totalité des salaires qu'elle aurait perçus du 4 octobre 1999 à la date de sa requête ;
3° de mettre à la charge de la commune de Sarcelles le versement de la somme de 3 000 euros à Me Lelièvre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- elle a été employée par la commune de Sarcelles du 4 octobre 1993 jusqu'au
30 juin 2004 dans le cadre d'une vingtaine de contrats à durée déterminée successifs ; l'usage de ces contrats successifs était abusif au regard des dispositions de la directive n° 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999, la commune n'ayant précisé ni le motif de l'indisponibilité de l'agent qu'elle devait remplacer ni son nom ;
- elle est fondée à réclamer la totalité des salaires dus par la commune jusqu'à ce jour, la relation de travail n'ayant pas cessé ou, à tout le moins, une indemnité de licenciement de 6 156 euros ainsi que la somme de 2 844 euros au titre de son préjudice moral.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive n° 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Camenen,
- les conclusions de M. Ablard, rapporteur public,
- les observations de Me Lelièvre, pour Mme D...et celles de MeC..., pour la commune de Sarcelles.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D...a été employée par la commune de Sarcelles du 4 octobre 1993 au 30 juin 2004 en qualité d'agent non titulaire pour accomplir les fonctions d'agent d'entretien en remplacement d'agents momentanément indisponibles. Mme D...étant devenue inapte à la suite d'un accident de la circulation sans lien avec le service survenu le 13 août 2001, son engagement auprès de la commune de Sarcelles a cessé d'être renouvelé à compter
du 30 juin 2004. Invoquant l'illégalité de ses conditions d'emploi, Mme D...a présenté, le 3 janvier 2014, une réclamation indemnitaire à la commune de Sarcelles qui l'a rejetée par un courrier du 10 février 2014. Mme D...a saisi le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une demande tendant à la condamnation de la commune à l'indemniser de ses préjudices en invoquant notamment le caractère abusif de ses engagements à durée déterminée successifs. Elle fait appel du jugement du 27 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur la fin de non recevoir opposée par la commune de Sarcelles :
2. Contrairement à ce que soutient la commune de Sarcelles, la requête de
Mme D...ne constitue pas la seule reproduction littérale de son mémoire de première instance et comporte à nouveau, de manière partiellement différente, les moyens justifiant ses conclusions indemnitaires. Une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non recevoir opposée par la commune doit être écartée.
Sur les conclusions indemnitaires de MmeD... :
3. L'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au litige, n'autorisait le recrutement d'agents non titulaires pour occuper des emplois permanents que pour assurer le remplacement momentané de titulaires autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles ou pour faire face temporairement et pour une durée maximale d'un an à la vacance d'un emploi ne pouvant être immédiatement pourvu.
4. Aux termes de l'article 1er de la directive 1999/70/CE du Conseil de l'Union Européenne du 28 juin 1999 concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée : " La présente directive vise à mettre en oeuvre l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée, figurant en annexe, conclu le 18 mars 1999 entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP) ". Aux termes de l'article 2 de cette directive : " Les Etats membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 10 juillet 2001 ou s'assurent, au plus tard à cette date, que les partenaires sociaux ont mis en place les dispositions nécessaires par voie d'accord, les Etats membres devant prendre toute disposition nécessaire leur permettant d'être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par la présente directive. Ils en informent immédiatement la Commission (...) ". Aux termes des stipulations de la clause 5 de l'accord-cadre annexé à la directive, relative aux mesures visant à prévenir l'utilisation abusive des contrats à durée déterminée : " 1. Afin de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n'existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d'une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l'une ou plusieurs des mesures suivantes : a) des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail ; b) la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs ; c) le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail. 2. Les États membres, après consultation des partenaires sociaux et/ou les partenaires sociaux, lorsque c'est approprié, déterminent sous quelles conditions les contrats ou relations de travail à durée déterminée : a) sont considérés comme "successifs" ; b) sont réputés conclus pour une durée indéterminée " ;
5. Ces dispositions, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, imposent aux Etats membres d'introduire de façon effective et contraignante dans leur ordre juridique interne, s'il ne le prévoit pas déjà, l'une au moins des mesures énoncées aux a) à c) du paragraphe 1 de la clause 5, afin d'éviter qu'un employeur ne recoure de façon abusive au renouvellement de contrats à durée déterminée. Lorsque l'Etat membre décide de prévenir les renouvellements abusifs en recourant uniquement aux raisons objectives prévues au a), ces raisons doivent tenir à des circonstances précises et concrètes de nature à justifier l'utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs.
6. Il ressort également de l'interprétation de la directive retenue par la Cour de justice de l'Union européenne que le renouvellement de contrats à durée déterminée afin de pourvoir au remplacement temporaire d'agents indisponibles répond, en principe, à une raison objective au sens de la clause citée ci-dessus, y compris lorsque l'employeur est conduit à procéder à des remplacements temporaires de manière récurrente, voire permanente, et alors même que les besoins en personnel de remplacement pourraient être couverts par le recrutement d'agents sous contrats à durée indéterminée. Toutefois, si l'existence d'une telle raison objective exclut en principe que le renouvellement des contrats à durée déterminée soit regardé comme abusif, c'est sous réserve qu'un examen global des circonstances dans lesquelles les contrats ont été renouvelés ne révèle pas, eu égard notamment à la nature des fonctions exercées par l'agent, au type d'organisme qui l'emploie, ainsi qu'au nombre et à la durée cumulée des contrats en cause, un abus.
7. Les dispositions de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale mentionnées au point 3
ci-dessus subordonnent la conclusion et le renouvellement de contrats à durée déterminée à la nécessité de remplacer des fonctionnaires temporairement ou partiellement indisponibles. Elles se réfèrent ainsi à une " raison objective ", de la nature de celles auxquelles la directive renvoie. En outre, ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'un renouvellement abusif de contrats à durée déterminée ouvre à l'agent concerné un droit à l'indemnisation du préjudice qu'il subit lors de l'interruption de la relation d'emploi, évalué en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.
8. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 6 ci-dessus qu'il incombe au juge, pour apprécier si le recours, en application des dispositions mentionnées au point 3, à des contrats à durée déterminée successifs présente un caractère abusif, de prendre en compte l'ensemble des circonstances de fait qui lui sont soumises, notamment la nature des fonctions exercées, le type d'organisme employeur ainsi que le nombre et la durée cumulée des contrats en cause. A cet égard, il résulte de l'instruction que MmeD... a exercé des fonctions d'agent d'entretien au sein de la commune de Sarcelles entre le 4 octobre 1993 au 30 juin 2004. Si la commune fait valoir que ces fonctions ont été exercées en remplacement d'agents indisponibles ou autorisés à travailler à temps partiel, elles ont donné lieu à vingt contrats successifs. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, Mme D...est fondée à soutenir que la commune de Sarcelles a recouru abusivement à une succession de contrats à durée déterminée. Par suite, Mme D... est fondée à demander réparation du préjudice qu'elle a subi lors de l'interruption de la relation d'emploi avec la commune de Sarcelles, qui doit être évalué en fonction des avantages financiers auxquels elle aurait pu prétendre en cas de licenciement si elle avait été employée dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.
9. En premier lieu, en vertu des dispositions de l'article 46 du décret du 15 février 1988 susvisé, pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, l'indemnité de licenciement est égale à la moitié de la rémunération de base définie à l'article 45 dudit décret pour chacune des douze premières années de services, au tiers de la même rémunération pour chacune des années suivantes, sans pouvoir excéder douze fois la rémunération de base. La rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est la dernière rémunération nette des cotisations de la sécurité sociale et, le cas échéant, des cotisations d'un régime de prévoyance complémentaire, effectivement perçue au cours du mois civil précédant le licenciement. Il n'est pas contesté que la dernière rémunération brute connue perçue par Mme D...s'élevait à la somme à 1 539 euros. Eu égard au nombre d'années durant lesquelles Mme D...a exercé ses fonctions d'agent d'entretien au sein de la commune de Sarcelles, il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant pour la requérante de la perte de l'avantage financier auquel elle aurait pu prétendre en cas de licenciement si elle avait été employée dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, en l'évaluant à la somme de 6 000 euros.
10. En deuxième lieu, si Mme D...sollicite la condamnation de la commune de Sarcelles à lui verser une somme représentant la totalité des salaires qu'elle aurait dû percevoir du 4 octobre 1999 au jour de sa requête, elle ne justifie cependant d'aucun autre préjudice financier que celui résultant de l'application du principe rappelé au point 7 ci-dessus.
11. Enfin, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mme D... en conséquence du recours abusif à une succession de contrats à durée déterminée à laquelle il a été mis fin par la décision dont elle a été informée par la lettre du
2 décembre 2008, en allouant à l'intéressée une indemnité de 2 500 euros.
12. Il résulte de tout ce qui précède la commune de Sarcelles doit seulement être condamnée à verser à Mme D...la somme totale de 8 500 euros.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que MmeD..., qui n'est pas la partie perdante, verse à la commune de Sarcelles une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Sarcelles le versement à Me Lelièvre, avocat de MmeD..., de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1403285 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du
27 septembre 2016 est annulé.
Article 2 : La commune de Sarcelles est condamnée à verser la somme de 8 500 euros à
MmeD....
Article 3 : La commune de Sarcelles versera la somme de 2 000 euros à Me Lelièvre, avocat de MmeD..., au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme D...et les conclusions présentées par la commune de Sarcelles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
N° 16VE03427