Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner l'Etat à lui verser la somme de 388 979 euros en réparation du préjudice subi à la suite du refus de délivrance du brevet d'État d'éducateur sportif du 2ème degré option tennis, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable et de la capitalisation de ces intérêts, d'enjoindre qu'il soit procédé au paiement des sommes dues dans les 30 jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard en application des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1304640 du 7 juin 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de M.A....
Procédure contentieuse devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, respectivement enregistrés le 22 juillet 2016 et le 13 janvier 2017, M.A..., représenté par MeD..., demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de condamner l'État à lui verser la somme de 388 979 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la demande préalable et de la capitalisation desdits intérêts ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4° d'enjoindre à l'État de lui verser les sommes dues dans les 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard en application des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, d'une part, en ce que le tribunal administratif a considéré à tort que son dossier ne démontrait pas qu'il disposait des compétences pédagogiques requises par le référentiel professionnel, d'autre part, en ce qu'il n'a pas retenu que le jury s'est fondé sur les éléments extérieurs à son expérience professionnelle et a fait preuve de partialité dans son appréciation, et, enfin, en ce qu'il a écarté l'existence d'une perte de chance sérieuse d'obtenir un meilleur déroulement de carrière ;
- l'illégalité des délibérations du jury des 13 octobre 2006 et 10 octobre 2008 établit la faute de l'administration ;
- son préjudice économique et financier résulte de ce qu'il a engagé en vain des dépenses pour la préparation de cet examen et a subi une perte de revenus du fait de cette préparation, pour un montant total de 42 729 euros ; il a également perdu une chance sérieuse de pouvoir orienter différemment sa carrière, soit un préjudice total de 326 250 euros sur une période de 15 ans et 3 trimestres ; son préjudice moral et de réputation s'établit à la somme de 20 000 euros ;
- ces préjudices sont en lien direct avec l'illégalité des décisions du jury.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code du sport ;
- l'arrêté du 7 mars 1996 fixant les épreuves de la partie spécifique du brevet d'État d'éducateur sportif du deuxième degré, option tennis ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Camenen,
- les conclusions de M. Ablard, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., pour M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ancien joueur de tennis professionnel et titulaire du brevet d'État d'éducateur sportif du premier degré, option tennis, a satisfait avec succès, au cours de l'année 2000-2001, aux épreuves de la formation commune du brevet d'Etat d'éducateur sportif du deuxième degré. Il a effectué une demande de délivrance d'une dispense pour les épreuves du brevet d'État d'éducateur sportif du deuxième degré, option tennis. Par une décision en date du 29 janvier 2002, le directeur régional de la jeunesse et des sports d'Île-de-France lui a accordé une dispense pour les épreuves générale et technique, mais a rejeté sa demande pour l'épreuve pédagogique. M. A...s'est alors présenté sans succès à cette épreuve lors des sessions de 2002, 2003, 2004 et 2005. Lors de la session organisée à Poitiers du 9 au 13 octobre 2006, le jury de validation des acquis de l'expérience a, à nouveau, refusé de valider l'épreuve pédagogique présentée par M.A.... Cette décision a toutefois été annulée par un jugement du Tribunal administratif de Poitiers du 30 avril 2008 devenu définitif. A la suite de cette annulation, lors de la session organisée du 6 au 10 octobre 2008, le jury de validation a confirmé son refus. Cette seconde décision de refus a été annulée par une décision du Conseil d'État du
22 février 2012. Le 27 décembre 2012, M. A...a saisi l'administration d'une demande indemnitaire qui a été implicitement rejetée. Il relève appel du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 7 juin 2016 rejetant sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 388 979 euros en réparation des préjudices subis à la suite du refus de délivrance du brevet d'État d'éducateur sportif du deuxième degré, option tennis.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si M. A...soutient que le jugement attaqué est irrégulier, d'une part, en ce que le tribunal administratif a considéré à tort que son dossier ne démontrait pas qu'il disposait des compétences pédagogiques requises par le référentiel professionnel, d'autre part, en ce qu'il n'a pas retenu que le jury s'est fondé sur les éléments extérieurs à son expérience professionnelle et a fait preuve de partialité dans son appréciation et, enfin, en ce qu'il a écarté l'existence d'une perte de chance sérieuse d'obtenir un meilleur déroulement de carrière, de tels moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement des premiers juges, sont sans incidence sur la régularité de leur décision. Ces moyens doivent, dès lors, être écartés.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne les fautes commises par l'Etat :
3. Par le jugement précité du 30 avril 2008 devenu définitif, le Tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision du jury de validation des acquis de l'expérience refusant de valider l'épreuve pédagogique présentée par M. A...au titre de la session 2006 du brevet d'État d'éducateur sportif du deuxième degré, option tennis, au motif que le jury avait commis une erreur de fait " en considérant que l'intéressé n'avait pas procédé à une description de ses activités " alors que son dossier comportait plusieurs pages consacrées à cette description. A la suite de cette annulation, le jury de la session 2008 a confirmé son refus sans que
M. A...en soit informé préalablement et mis à même de présenter une demande d'entretien et, le cas échéant, de fournir un dossier actualisé en ce qui concerne ses acquis. Cette seconde décision de refus a été annulée pour ce motif par une décision du Conseil d'État du 22 février 2012 ainsi qu'il a été dit au point ci-dessus. Ainsi, ces deux décisions du jury de validation de l'épreuve pédagogique du brevet d'État d'éducateur sportif du deuxième degré étaient entachées d'illégalité. Dès lors, M. A...est fondé à soutenir que ces illégalités constituent une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, pour autant qu'elles aient été à l'origine d'un préjudice direct et certain.
En ce qui concerne les préjudices subis par M.A... :
4. M. A...sollicite, en premier lieu, le versement d'une indemnité d'un montant total de 42 729 euros correspondant, d'une part, aux dépenses de formations qu'il a engagées en vain pour préparer le brevet d'État d'éducateur sportif du deuxième degré, option tennis et, d'autre part, aux pertes de revenus qu'il a exposées lors de ces formations.
5. Il résulte de l'instruction que M. A...est titulaire du brevet d'État d'éducateur sportif du 1er degré depuis 1983, qu'il a satisfait avec succès aux épreuves de la formation commune du brevet d'Etat d'éducateur sportif du deuxième degré ainsi qu'il ressort d'une attestation du 15 juin 2001 et qu'enfin, la validation de ses acquis professionnels lui a permis d'être dispensé de l'épreuve générale et de l'épreuve technique de ce brevet d'Etat par une décision du 29 janvier 2002. Dans ces conditions, il n'est pas établi, eu égard notamment à sa longue expérience dans l'enseignement du tennis, que M. A...était dénué de toute chance de réussir l'épreuve pédagogique du brevet d'État d'éducateur sportif du deuxième degré et d'obtenir ce brevet. Dès lors, M. A...est fondé à demander réparation à l'Etat du préjudice résultant des frais de préparation au brevet du deuxième degré et des pertes de revenus qu'il a exposés lors des formations qu'il a suivies et des épreuves qu'il a passées en vue d'obtenir ce diplôme.
6. M. A...produit neuf factures d'un montant total de 9 829,66 euros relatives à des formations suivies entre 2000 et 2005 à Paris. Contrairement à ce que soutient l'administration en défense, il résulte de l'objet même de ces factures que ces dépenses de formations sont en lien direct avec la préparation du brevet du deuxième degré alors même que M. A...s'est porté candidat à ce brevet au titre de la validation des acquis de l'expérience professionnelle. M. A...est ainsi fondé à en demander réparation. Toutefois, M.A..., qui résidait en région parisienne, ne justifie pas avoir exposé de frais de déplacement à l'occasion de ces formations. En revanche, il est fondé à demander réparation des pertes de revenus et des frais de déplacement qu'il a exposés pour participer pendant cinq années à l'épreuve pédagogique du brevet. Il sera fait une juste appréciation de l'ensemble de ces pertes de revenus et des frais de déplacement y afférents en les évaluant globalement à la somme de 5 000 euros.
7. M. A...sollicite, en deuxième lieu, la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 326 250 euros correspondant à une perte de revenus annuelle de 15 000 euros sur une période de 15 années et 3 trimestres, résultant de la différence entre la rémunération minimale d'un technicien et d'un cadre, telle que fixée par la convention collective applicable au secteur concerné.
8. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que M.A..., qui a échoué à cinq reprises à l'épreuve pédagogique du brevet d'État d'éducateur sportif du deuxième degré, option tennis, ait eu une chance sérieuse d'obtenir ce diplôme. Au surplus, il n'est pas établi, en particulier par les grilles de rémunérations fixées par la convention collective applicable au secteur concerné et des fiches de postes de lauréats du brevet d'Etat d'éducateur sportif du deuxième degré, que ce diplôme aurait nécessairement entraîné une progression de ses propres revenus, M. A...indiquant d'ailleurs lui-même que le succès qu'il a connu dans ses activités d'enseignement lui a " toujours permis de gagner très confortablement sa vie ". Dans ces conditions, le préjudice financier invoqué ne revêtant pas un caractère certain, les conclusions du requérant doivent être rejetées sur ce point.
9. M. A...sollicite, enfin, une indemnité de 20 000 euros au titre de son préjudice moral et de réputation.
10. Toutefois, son préjudice de réputation n'est pas établi. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment de la période de plusieurs années au cours de laquelle
M. A...a préparé le brevet en vain, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral directement lié aux fautes de l'administration en l'évaluant à hauteur de la somme de
5 000 euros.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme totale de 19 829,66 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2013, date de réception de sa demande préalable. La capitalisation des intérêts ayant été demandée le 23 mars 2013, ces intérêts seront capitalisés au 8 janvier 2014 et à chaque échéance annuelle ultérieure.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
12. Aux termes des dispositions de l'article L. 911-9 du code de justice administrative : " Lorsqu'une décision passée en force de chose jugée a prononcé la condamnation d'une personne publique au paiement d'une somme d'argent dont elle a fixé le montant, les dispositions de l'article 1er de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980, ci après reproduites, sont applicables (...) ".
13. Dès lors que la disposition législative précitée permet à M.A..., en cas d'inexécution du présent arrêt dans le délai prescrit, d'obtenir le mandatement d'office de la somme que l'Etat est condamné à lui verser par ce même arrêt, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions aux fins d'injonction présentées par M.A....
Sur les frais liés à l'instance :
14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A...de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1304640 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 7 juin 2016 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser la somme de 19 829,66 euros à M.A.... Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2013. Ces intérêts seront capitalisés au 8 janvier 2014 et à chaque échéance annuelle ultérieure.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A...est rejeté.
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N°16VE02303