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26/03/2019 | FRANCE | N°17VE01857

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 26 mars 2019, 17VE01857


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société RLD 2 a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 5 avril 2016 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ayant refusé d'autoriser le licenciement de M. B...C....

Par un jugement n° 1604322 du 24 avril 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 5 avril 2016.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 juin 2017, la ministre du travail demande à la Cour

d'annuler ce jugement.

Elle soutient que les propositions de transfert du poste de M. C...n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société RLD 2 a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 5 avril 2016 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ayant refusé d'autoriser le licenciement de M. B...C....

Par un jugement n° 1604322 du 24 avril 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 5 avril 2016.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 juin 2017, la ministre du travail demande à la Cour d'annuler ce jugement.

Elle soutient que les propositions de transfert du poste de M. C...n'étaient pas fermes et définitives, que donc les salariés ne se prononçaient pas en connaissance de cause sur la proposition de modification de leur contrat.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mars 2019 :

- le rapport de Mme Margerit,

- les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la société Kalhyge 2.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 4 novembre 2015, l'inspecteur du travail de l'unité territoriale de la Seine-Saint-Denis (12è section) a refusé à la société RLD 2 l'autorisation de licencier pour motif économique M.C..., agent de production, exerçant le mandat de membre du comité d'établissement. Le ministre du travail a, par une décision du 5 avril 2016, annulé la décision de l'inspecteur du travail mais a refusé l'autorisation de licencier M.C.... La société RLD 2 devenue depuis la société Kalhyge 2 a demandé l'annulation de cette décision. Par un jugement du 24 avril 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 5 avril 2016. La ministre du travail relève régulièrement appel de ce jugement.

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés investis de fonctions représentatives bénéficient d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise.

3. Aux termes de l'article L. 2324-24 du code du travail : " Les membres du comité d'entreprise sont élus pour quatre ans. Leur mandat est renouvelable. (...)" ; aux termes de l'article L. 2322-5 du même code : " Dans chaque entreprise, lorsqu'au moins une organisation syndicale a répondu à l'invitation à négocier de l'employeur et à défaut d'accord entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées conclu selon les conditions de l'article L. 2324-4-1, l'autorité administrative du siège de l'entreprise a compétence pour reconnaître le caractère d'établissement distinct. / La saisine de l'autorité administrative mentionnée au premier alinéa suspend le processus électoral jusqu'à la décision administrative et entraîne la prorogation des mandats des élus en cours jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin (...) ". De plus, aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : 1° A des difficultés économiques (...) ; 2° A des mutations technologiques ; 3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 1222-6 de ce code : " Lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception./ La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. (...)/A défaut de réponse dans le délai d'un mois (...) le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la réorganisation du secteur d'activité - blanchisserie industrielle, distribution et service clients - du groupe RLD nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité s'est traduite par la fermeture du site des Lilas de l'entreprise RLD 2, site où travaillait M.C..., dont l'activité a été transférée sur les cinq autres sites d'Ile-de-France. Cette réorganisation a entraîné, comme l'a relevé le ministre lui-même dans la décision en litige, la suppression de dix emplois de responsable magasin, de responsable service clients et de responsable distribution et chefs d'équipe mais aussi le transfert de cinquante-deux salariés, dont ceux attachés aux activités de production, parmi lesquels M.C.... Dans ce cadre, un courrier intitulé " proposition de modification de votre contrat de travail " a été adressé à M. C...le 13 mai 2015, assorti de trois offres de postes, que le salarié était invité, s'il le souhaitait, à classer par ordre de préférence, consistant en une offre sur le site des Mureaux (78) (deux postes d'agents de distribution y étant transférés), une offre à Epinay-sous-Sénart (77) (trois postes y étant transférés), et une offre au Plessis Pâté (91) (sept postes y étant transférés).

5. Ce courrier, qui mentionne " nous vous proposons une modification de votre contrat de travail dans les conditions suivantes " avant de détailler les trois propositions faites, présente la démarche proposée sans distinguer acceptation du principe d'une modification du contrat et acceptation des modalités selon lesquelles ce contrat serait modifié. De plus, ce courrier rappelle les conditions fixées par l'article L. 1222-6 du code du travail et qu'à défaut de réponse passé le délai d'un mois, il était réputé avoir accepté la modification de son contrat de travail sans préférence de choix, et précise en outre qu'au cas où plusieurs salariés postuleraient sur un même poste, les critères d'ordre d'affectation s'appliqueraient.

6. Les conditions d'une telle " proposition ", qui comporte onze modalités différentes, notamment géographiques, dont certaines sont également proposées à d'autres agents, et font l'objet d'un classement par application des critères d'ordre, de telle sorte qu'un agent peut ne voir retenir aucune des propositions qu'il a acceptées, ne garantissent pas le maintien du contrat de travail en cas d'acceptation et ne présentent pas un caractère ferme et définitif. Si l'employeur soutient garantir que tous les agents ayant accepté le principe de la modification verront leur contrat maintenu, seul le lieu de travail pouvant être incertain, il ne l'établit pas. Dès lors, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a considéré que, nonobstant le caractère conditionnel du lieu des affectations proposées à M.C..., communes en tout ou partie à celles proposées aux autres salariés de l'établissement des Lilas, celles-ci avaient constitué une proposition de modification de son contrat de travail, pour annuler la décision par laquelle le ministre du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M.C.... Le jugement du 24 avril 2017 doit donc être annulé.

7. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Kalhyge 2 en appel et devant le Tribunal administratif de Montreuil.

8. La société requérante fait valoir qu'à la date à laquelle l'autorité administrative s'est prononcée sur la demande d'autorisation de licenciement de M.C..., son mandat de membre du comité d'établissement était expiré. Toutefois il ressort des pièces du dossier que les élections professionnelles des membres du comité d'établissement et des délégués du personnel ayant eu lieu le 4 novembre 2009, l'entreprise a invité le 6 septembre 2013 les organisations syndicales à négocier un protocole d'accord préélectoral. Mais un désaccord s'étant produit sur le périmètre des comités d'établissement, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), saisi aux fins d'arbitrage, a reconnu le 30 juin 2015 la qualité d'établissement distinct de l'établissement de Saint-Ouen, précédemment rattaché à celui des Lilas ; à cette date, la réorganisation visant la fermeture de l'établissement des Lilas étant en cours, aucun scrutin n'avait pu être organisé. Ainsi les mandats des élus de l'établissement des Lilas étaient prorogés à la date à laquelle le ministre du travail, sur recours hiérarchique, s'est prononcé sur la demande d'autorisation de licenciement. Il en résulte que le ministre du travail était compétent pour statuer sur cette demande.

9. Enfin, la société Kalhyge 2 soutient que la décision ministérielle litigieuse serait entachée de contradiction avec la décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi prise par la DIRECCTE d'Ile de France le 12 mai 2015. Toutefois, la validation opérée par cette décision d'homologation, compte tenu de son objet, a une portée limitée à la procédure de reclassement et ne saurait être regardée comme autorisant le recours, par l'employeur, à la procédure de modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour un motif économique prévue par l'article du L. 1222-6 du code du travail. Le moyen opposé par la société Kalhyge 2 sera donc écarté comme étant inopérant.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de la société Kalhyge 2 ne peut qu'être rejetée.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

12. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que réclame la société Kalhyge 2 au titre des dispositions susvisées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a en revanche lieu de mettre à la charge de la société Kalhyge 2 la somme de 50 euros au titre des frais exposés par M. C...et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 24 avril 2017 est annulé.

Article 2 : La demande de la société Kalhyge 2 est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la société Kalhyge 2 tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La société Kalhyge 2 versera à M. C...une somme de 50 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 17VE01857 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE01857
Date de la décision : 26/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique. Obligation de reclassement.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Diane MARGERIT
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : SCP RILOV ; SELARL ALERION SOCIETE D'AVOCATS ; SCP RILOV ; SCP RILOV ; SCP RILOV ; SELARL ALERION SOCIETE D'AVOCATS ; SELARL ALERION SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-03-26;17ve01857 ?
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