Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La FONDATION JEROME LEJEUNE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 17 juillet 2015 par laquelle l'Agence de la biomédecine a autorisé, pour une durée d'un an, le Centre hospitalier universitaire de Marseille (Hôpital La Conception, laboratoire de biologie de la reproduction) à mettre en oeuvre un protocole de recherche sur l'embryon humain ayant pour finalité l'étude de l'expression du CD 146 chez l'embryon humain.
Par un jugement n° 1610358 du 21 juin 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 juillet 2017 et 23 mai 2018, la FONDATION JEROME LEJEUNE, représentée par Me Hourdin, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement et la décision du 17 juillet 2015 de l'Agence de la biomédecine ;
2° de mettre à la charge de l'Agence de la biomédecine la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en tant que bénéficiaire de l'autorisation, le tribunal devait attraire l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM) à l'instance en tant que partie. En l'appelant à la cause en tant que simple observateur, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité. Il a également méconnu le principe d'égalité des armes ;
- le jugement est également irrégulier en tant qu'il est insuffisamment motivé et n'a pas procédé à un examen réel et complet de la requête en omettant d'examiner la conformité de la décision à l'article 16 du code civil, ainsi qu'à l'article L. 2151-5 I 3° du code de la santé publique ;
- les règles d'information et de consentement du couple géniteur fixées aux articles L. 2151-5 et R. 2151-4 du code de la santé publique, ainsi que les principes éthiques visés au 4° de l'article L. 2151-5-I du même code ont été méconnus. C'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il appartenait à l'Agence de la biomédecine de ne vérifier que les conditions posées au I de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique au nombre desquelles ne figure pas celle relative au consentement du couple. En l'espèce ni la décision en litige ni les différents rapports d'instruction ni l'avis du conseil d'orientation, ne donnent d'indication quant à l'existence d'un consentement écrit préalable du couple géniteur, d'une confirmation de ce consentement à l'issue d'un délai de réflexion de trois mois, de l'existence d'une information donnée à ce couple quant à la possibilité de pouvoir révoquer sans motif son consentement tant que la recherche n'a pas démarré, les formulaires types produits par l'Agence de la biomédecine ni l'attestation du professeur Courbière ne permettent davantage de s'assurer de la réalité du consentement et de l'information du couple donneur ;
- les dispositions de l'article 16 du code civil, celles des 1° et 3° du I de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique et celles de l'article 18 de la convention d'Oviedo ont été méconnues dès lors que la recherche autorisée par l'Agence de la biomédecine basée sur une simple impression sans aucune base scientifique de départ solide est dénuée de pertinence scientifique, aucune recherche sur l'animal n'ayant été réalisée pour obtenir des résultats pouvant confirmer l'hypothèse émise avant de l'expérimenter sur l'embryon. Le protocole de recherche pouvait être mené sur des embryons de souris, méthode alternative à l'utilisation d'embryons humains. Il y a une disproportion manifeste entre l'état des recherches et la nécessité de recourir à des embryons humains.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Besson-Ledey,
- les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,
- les observations de Me Hourdin pour la FONDATION JEROME LEJEUNE et celles de Me B...pour l'Agence de la biomédecine.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 17 juillet 2015, l'Agence de la biomédecine a autorisé, pour une durée d'un an, le Centre hospitalier universitaire de Marseille (Hôpital La Conception, laboratoire de biologie de la reproduction) à mettre en oeuvre un protocole de recherche sur l'embryon humain ayant pour finalité l'étude de l'expression du CD 146 chez l'embryon humain. La FONDATION JEROME LEJEUNE relève appel du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 21 juin 2017 qui a rejeté sa demande en annulation de cette décision.
Sur les fins de non-recevoir opposées par l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille :
2. Aux termes de l'article 1er de ses statuts : " La fondation Jérôme Lejeune a pour but de poursuivre l'oeuvre à laquelle le professeur Jérôme Lejeune a consacré sa vie : / la recherche médicale sur les maladies de l'intelligence et sur les maladies génétiques, / - l'accueil et les soins des personnes, notamment celles atteintes de la trisomie 21 ou d'autres d'anomalies génétiques, dont la vie et la dignité doivent être respectées de la conception à la mort ". Conformément à l'article 2 de ces statuts, qui énumère les moyens d'action permettant à la fondation de poursuivre la réalisation de son objet, la fondation finance des projets de recherche en matière de thérapie cellulaire préservant, dans le respect des principes énoncés dans ses statuts, l'intégrité des embryons humains. La fondation justifie ainsi, en raison de son objet, d'un intérêt à agir contre une décision qui a pour effet d'autoriser des recherches sur des cellules dont l'obtention a rendu nécessaire la destruction d'embryons issus de fécondations in vitro. Par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'un tel intérêt doit être écartée.
3. Aux termes de l'article 8 des statuts de la FONDATION JEROME LEJEUNE : " Le président représente la fondation dans tous les actes de la vie civile. (...) Le président ne peut être représenté en justice que par un mandataire agissant en vertu d'une procuration spéciale ". Ainsi, l'action est régulièrement engagée par M. Jean-Marie Le Mené, président de la fondation requérante. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de l'absence de qualité pour agir de ce dernier doit être écartée.
Sur le moyen tiré du défaut de pertinence scientifique de la recherche :
4. Aux termes de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique : " I.-Aucune recherche sur l'embryon humain ni sur les cellules souches embryonnaires ne peut être entreprise sans autorisation. Un protocole de recherche conduit sur un embryon humain ou sur des cellules souches embryonnaires issues d'un embryon humain ne peut être autorisé que si : 1° La pertinence scientifique de la recherche est établie ; (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que le protocole de recherche autorisé par la décision en litige a pour finalité d'identifier l'expression d'une molécule d'adhérence CD 146 chez l'embryon humain qui pourrait servir de biomarqueur prédictif de l'implantation de l'embryon et être utilisée pour la sélection des embryons à transférer. Toutefois, aucune étude préalable, notamment sur des embryons de souris recherchant le stade d'expression de cette formule membranaire et la corrélation entre expression de la forme non soluble et la forme soluble, n'a été effectuée pour permettre d'étayer l'hypothèse émise par la responsable de la recherche, Mme A..., de l'expression même d'une molécule d'adhérence CD 146 chez l'embryon humain. En effet, selon les rapports d'expertise scientifique du 16 février 2015 : " il est nécessaire que les résultats chez la souris soient clairement exposés avant de passer à l'espèce humaine " et " une étude préalable chez la souris serait la bienvenue pour étayer l'hypothèse et mettre au point les conditions et la fenêtre d'expression du CD 146. Ce point avait été soulevé lors de la précédente soumission et n'a pas été éclairci. Les attentes et conclusions qui pourront être tirées d'une étude de corrélation de l'expression membranaire et soluble sur des embryons jugés non transférables devraient être précisées ". Selon l'avis du conseil d'orientation du 25 juin 2015 : " les recherches antérieures de l'équipe Inserm 1076 ont montré une corrélation entre un taux élevé de CD 146s et l'échec de l'implantation. Ces données confirment l'impression d'une action délétère d'un excès de cette molécule et suggèrent que cette molécule pourrait servir de biomarqueur prédictif de l'implantation de l'embryon et donc être utilisée pour la sélection des embryons à transférer. Pour étayer cette hypothèse l'équipe veut s'assurer que la forme native de CD 146 est bien exprimée chez l'embryon humain et, si possible, en déterminer sa localisation (trophoblaste versus masse Interne) et de corréler l'expression avec le taux de CD 146s détecté dans la culture embryonnaire ". Dès lors que les pièces du dossier n'établissent pas, sans études préalables sur la souris, le caractère indispensable de l'utilisation d'embryons humains aux fins d'atteindre les objectifs de recherche en cause, la pertinence scientifique de la recherche ne peut être regardée comme suffisamment établie au sens de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique. La FONDATION JEROME LEJEUNE est, dès lors, fondée à soutenir que l'autorisation litigieuse a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, que la FONDATION JEROME LEJEUNE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Agence de la biomédecine le paiement à la FONDATION JEROME LEJEUNE d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, la FONDATION JEROME LEJEUNE n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre des mêmes dispositions par l'Agence de la biomédecine et l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille ne peuvent être que rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1610358 du 21 juin 2017 du Tribunal administratif de Montreuil et la décision du 17 juillet 2015 de l'Agence de la biomédecine sont annulés.
Article 2 : L'Agence de la biomédecine versera une somme de 2 000 euros à la FONDATION JEROME LEJEUNE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par l'Agence de la biomédecine et l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 17VE02492